25 ans de Fidei Depositum © L'Osservatore Romano

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Conserver une doctrine rigide, c'est "humilier l’action de l’Esprit Saint"

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Discours pour le 25e anniversaire de Fidei Depositum (Traduction intégrale)

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« On ne saurait conserver la doctrine sans la faire évoluer ni la lier à une lecture rigide et immuable, sans humilier l’action de l’Esprit Saint », a affirmé le pape François le 11 octobre 2017, à l’occasion du XXVe anniversaire de la signature de la Constitution apostolique Fidei Depositum – accompagnant le Catéchisme de l’Eglise catholique – par Jean-Paul II. Il a exhorté à « permettre à notre existence ecclésiale de progresser avec le même enthousiasme des débuts, vers les nouveaux horizons auxquels le Seigneur veut nous faire arriver ».
En recevant en fin de journée, au Vatican, les participants à une rencontre promue par le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, le pape François a souligné que « la Tradition est une réalité vivante et seule une vision partielle peut penser au ‘dépôt de la foi’ comme quelque chose de statique ».
« On ne saurait conserver la Parole de Dieu dans de la naphtaline comme une vieille couverture à protéger contre les parasites ! a-t-il insisté. Non. La Parole de Dieu est une réalité dynamique, toujours vive, qui progresse et grandit parce qu’elle tend vers un accomplissement que les hommes ne peuvent arrêter. » Une réalité qui « ne signifie absolument pas un changement de doctrine », a-t-il assuré.
« Il faut et il est urgent que, face aux nouveaux défis et face aux nouvelles perspectives qui s’ouvrent pour l’humanité, l’Eglise puisse exprimer les nouveautés de l’Eglise du Christ qui se trouvent dans la Parole de Dieu mais ne sont pas encore venues au jour », a encore estimé le pape. Il a rappelé que « connaître Dieu… n’est pas avant tout un exercice théorique de la raison humaine, mais un désir insatiable imprimé dans le cœur de chaque personne ».
AK
Discours du pape François
Messieurs les cardinaux,
Chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Messieurs les ambassadeurs,
Illustres professeurs,
Frères et sœurs,
Je vous fais mes plus chaleureuses salutations et remercie Mgr Fisichella pour ses aimables paroles.
Le vingt-cinquième anniversaire de la constitution apostolique Fidei depositum, avec laquelle saint Jean Paul II promulguait le Catéchisme de l’Eglise catholique, trente ans après l’ouverture du concile Vatican II, est une occasion significative pour vérifier le chemin parcouru durant ce temps. Saint Jean XXIII avait désiré et voulu le concile non pas en première instance pour condamner les erreurs, mais pour permettre surtout à l’Eglise d’arriver finalement à présenter dans un langage universel la beauté de sa foi en Jésus Christ. « Il est nécessaire – affirmait le pape dans son Discours d’ouverture – que l’Église ne détourne jamais son regard de l’héritage sacré de vérité qu’elle a reçu des anciens. Mais il faut aussi qu’elle se tourne vers les temps présents, qui entraînent de nouvelles situations, de nouvelles formes de vie, et ouvrent de nouvelles voies à l’apostolat catholique » (11 octobre 1962). « Ce précieux trésor – poursuivait le pape – nous ne devons pas seulement le garder comme si nous n’étions préoccupés que du passé, mais nous devons nous mettre joyeusement, sans crainte, au travail qu’exige notre époque en poursuivant la route sur laquelle l’Église marche depuis près de vingt siècles » (ibid.).
« Garder » et « poursuivre », ce devoir revient à l’Eglise de par sa nature même, pour que la vérité imprimée dans l’annonce de l’Evangile par Jésus puisse atteindre sa plénitude jusqu’à la fin des siècles. C’est la grâce accordée au peuple de Dieu, mais également un devoir et une mission dont nous portons la responsabilité, pour annoncer d’une autre façon et plus complètement l’Evangile de toujours à nos contemporains. Avec la joie qui provient de l’espérance chrétienne, et munis du « remède de la miséricorde » » (ibid.), nous nous rapprochons des hommes et des femmes de notre temps et leur permettons de découvrir l’inépuisable richesse que renferme la personne de Jésus Christ.
En présentant le Catéchisme de l’Eglise catholique, saint Jean Paul II soutenait que celui-ci « doit tenir compte des explications de la doctrine que le Saint-Esprit a suggérées à l’Église au fil des temps. Il faut aussi qu’il aide à éclairer de la lumière de la foi les situations nouvelles et les problèmes qui ne s’étaient pas encore posés dans le passé » (Const. ap. Fidei depositum, 3). Ce Catéchisme, est donc un outil important. Non seulement il présente aux croyants l’enseignement de toujours, d’une façon qui améliore leur compréhension de la foi, mais aussi et surtout il cherche à rapprocher nos contemporains, avec leurs nouvelles et différentes problématiques, de l’Eglise, qui s’efforce de présenter la foi comme la réponse significative pour l’existence humaine en ce moment particulier de l’histoire. Il n’est donc pas suffisant de trouver un nouveau langage pour dire la foi de toujours ; il faut et il est urgent que, face aux nouveaux défis et face aux nouvelles perspectives qui s’ouvrent pour l’humanité, l’Eglise puisse exprimer les nouveautés de l’Eglise du Christ qui se trouvent dans la Parole de Dieu mais ne sont pas encore venues au jour. C’est ce trésor « du neuf et de l’ancien » dont parlait Jésus. Quand il invitait ses disciples à enseigner ce qu’il avait apporter de nouveau sans négliger l’ancien (cf. Mt 13,52).
L’évangéliste Jean offre une des plus belles pages de son évangile quand il rapporte ladite « prière sacerdotale » de Jésus. Avant d’affronter la passion et la mort, il s’adresse au Père, lui manifestant son obéissance dans l’accomplissement de la mission qui lui avait été confiée. Ses paroles sont un hymne à l’amour et renferment la demande de veiller sur les disciples et de les protéger (cf. Jn 17,12-15). En même temps, Jésus prie pour ceux qui, à l’avenir, croiront en lui grâce à la prédication de ses disciples, pour qu’ils soient, eux aussi, rassemblés et conservés dans l’unité (cf. Jn 17,20-23). Dans l’expression : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17,3), on touche le sommet de la mission de Jésus.
Connaître Dieu, comme nous le savons bien, n’est pas avant tout un exercice théorique de la raison humaine, mais un désir insatiable imprimé dans le cœur de chaque personne. C’est la connaissance qui provient de l’amour, parce que l’on a rencontré le Fils de Dieu sur notre chemin (cf. Lett. enc. Lumen fidei, 28). Jésus de Nazareth marche avec nous pour nous introduire, avec sa parole et ses gestes, dans le mystère profond de l’amour du Père. Cette connaissance se renforce, jour après jour, de la certitude de la foi de se sentir aimés, et pour cela insérés dans un dessein chargé de sens. Une personne qui aime veut connaître davantage la personne aimée pour découvrir la richesse cachée en elle et qui émerge chaque jour comme une réalité toujours nouvelle.
Pour cette raison, notre Catéchisme se place à la lumière de l’amour comme une expérience de connaissance, de confiance et d’abandon au mystère. Le Catéchisme de l’Eglise, en traçant les points structurels de sa propre composition, reprend un texte du Catéchisme romain ; il le fait sien, en le proposant comme clef de lecture et d’application : « Toute la finalité de la doctrine et de l’enseignement doit être placée dans l’amour qui ne finit pas. Car on peut bien exposer ce qu’il faut croire, espérer ou faire ; mais surtout on doit toujours faire apparaître l’Amour de Notre Seigneur afin que chacun comprenne que tout acte de vertu parfaitement chrétien n’a pas d’autre origine que l’Amour et pas d’autre terme que l’Amour » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 25).
Dans cette perspective, il me plait de renvoyer à un thème qui devrait trouver dans le Catéchisme de l’Eglise catholique un espace plus approprié et en cohérence avec les finalités énoncées. Je pense, en effet, à la peine de mort. Cette question ne saurait se réduire au pâle souvenir d’un enseignement historique sans faire émerger non seulement les progrès doctrinaux opérés par les derniers papes, mais également l’évolution de la conscience du peuple chrétien, qui refuse une attitude consentante face à une peine qui nuit terriblement à la dignité humaine. On doit affirmer avec force que la condamnation à la peine de mort est une mesure inhumaine qui humilie la dignité humaine, quelque que soit la façon de l’appliquer. Elle est en soi contraire à l’évangile parce qu’on décide volontairement de supprimer une vie humaine qui est toujours sacrée aux yeux du Créateur et dont Dieu seulement, en dernière analyse, est le vrai juge et garant. Aucun homme, jamais, « ni même le meurtrier, perd sa dignité personnelle » (Lettre au Président de la commission internationale contre la peine de mort, 20 mars 2015), parce que Dieu est un Père qui attend toujours le retour de son fils, lequel, sachant avoir commis une erreur, demande pardon et commence une nouvelle vie. A personne, donc, ne peut être ôté non seulement la vie, mais la possibilité même d’un rachat moral et existentiel qui retourne en faveur de la communauté.
Au cours des siècles passés, quand on faisait face à une pauvreté de moyens de défense et que la maturité sociale n’avait pas encore connu d’évolution positive, le recours à la peine de mort apparaissait comme une conséquence logique de l’application de la justice à laquelle il fallait se conformer. Malheureusement, dans l’Etat pontifical aussi on a eu recours à cet extrême et inhumain remède, négligeant le primat de la miséricorde sur la justice. Nous assumons les responsabilités du passé, et reconnaissons que ces moyens étaient dictés par une mentalité plus légaliste que chrétienne. La préoccupation de conserver les pouvoirs et les richesses matérielles dans leur intégrité avait amené à surestimer la valeur de la loi, empêchant d’aller en profondeur dans la compréhension de l’évangile. Toutefois, aujourd’hui, rester neutres face aux nouvelles exigences pour la réaffirmation de la dignité personnelle, nous rendrait plus coupables.
Nous sommes ici en présence de contradictions avec l’enseignement du passé, car la défense de la dignité de la vie humaine dès le premier instant de sa conception jusqu’à la mort naturelle a toujours trouvé dans l’enseignement de l’Eglise sa voix cohérente et digne de foi. Le développement harmonieux de la doctrine, toutefois, demande d’abandonner des prises de position en faveur de questions qui apparaissent désormais absolument contraires à la nouvelle compréhension de la vérité chrétienne. D’ailleurs, comme le rappelait déjà saint Vincent de Lérins : « Peut-être quelqu’un dira-t-il : Ne peut-il exister quelque progrès de la religion dans l’Eglise du Christ ? Assurément oui, et un progrès très grand. Car peut-il se trouver quelqu’un assez jaloux des hommes, assez rempli de haine envers Dieu, pour tenter de s’opposer à ce progrès ? » (Commonitorium, 23.1: PL 50). Il est donc nécessaire de réaffirmer que la peine de mort, indépendamment de la gravité du délit commis, est inadmissible car elle porte atteinte à l’inviolabilité et la dignité de la personne.
« L’Église perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte et elle transmet à chaque génération, tout ce qu’elle est elle-même, tout ce qu’elle croit » (Conc. Oecum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, 8). Les pères, au cours du concile, ne pouvaient trouver meilleure expression résumant la nature et la mission de l’Eglise. Non seulement dans la « doctrine », mais aussi dans « vie » et dans le « culte », les croyants se voient offrir la capacité d’être « Peuple de Dieu ». Avec une conséquentialité de verbes, la Constitution dogmatique sur la divine Révélation exprime la dynamique transformatrice du processus : « Cette tradition progresse […] grandit […] tend constamment vers la plénitude de la divine vérité, jusqu’à ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu (ibid.).
La Tradition est une réalité vivante et seule une vision partielle peut penser au « dépôt de la foi » comme quelque chose de statique. On ne saurait conserver la Parole de Dieu dans de la naphtaline comme une vieille couverture à protéger contre les parasites ! Non. La Parole de Dieu est une réalité dynamique, toujours vive, qui progresse et grandit parce qu’elle tend vers un accomplissement que les hommes ne peuvent arrêter. Cette loi du progrès selon l’heureuse formule de saint Vincent de Lérins : « annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate » (Commonitorium, 23.9: PL 50), appartient à la condition particulière de la vérité révélée du fait qu’elle est transmise par l’Eglise, et ne signifie absolument pas un changement de doctrine.
On ne saurait conserver la doctrine sans la faire évoluer ni la lier à une lecture rigide et immuable, sans humilier l’action de l’Esprit Saint. « Dieu, qui a jadis parlé à nos pères par les prophètes » (Eb 1,1), « ne cesse de parler avec l’Epouse de son Fils » (Dei Verbum, 8). Cette voix nous sommes appelés à la faire nôtre dans une attitude de « religieux à l’écoute » (ibid., 1), pour permettre à notre existence ecclésiale de progresser avec le même enthousiasme des débuts, vers les nouveaux horizons auxquels le Seigneur veut nous faire arriver.
Je vous remercie pour cette rencontre et pour votre travail ; je vous demande de prier pour moi et vous bénis de tout cœur. Merci.
Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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Océane Le Gall

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