"La Passion du Christ": Un support efficace d'évangélisation

Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, commente le film de Mel Gibson

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ROME, jeudi 8 avril 2004 (ZENIT.org) – « Une œuvre qui se veut réaliste », dans laquelle la « cruauté exposée sans détour à l’écran reproduit fidèlement les brutalités subies par le Christ », commente Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, après avoir vu le film « La Passion du Christ ». « Une fresque historique parfois iconique, et un reportage pathétique sur l’offrande du Christ » qui constitue « un support efficace d’évangélisation, voire de première catéchèse qu’il serait incongru d’ignorer ».

Nous publions ci-dessous le texte du commentaire de Mgr Rey, publié dans le site du diocèse de Fréjus-Toulon, à l’adresse : http://www.diocese-frejus-toulon.com/la_passion_du_christ.html.

Toulon, lundi 5 avril 2004

La polémique virulente et tapageuse à propos du fils de Mel Gibson, « la Passion du Christ », a déjà assuré son succès commercial aux Etats Unis, après que le scénariste eût expurgé son œuvre des scènes qui l’auraient entachée d’antisémitisme. Plus de 100 millions de spectateurs. Une recette de près de 300 millions de dollars (pour un coût de production 10 fois moindre). Et ce n’est qu’un début ! Le scénario est le récit dans les langues de l’époque (araméen, hébreu, latin, grec) des onze dernières heures de la vie du Christ.

J’ai été voir le film, sans a priori. L’œuvre du réalisateur américain, qui se définit comme un catholique traditionaliste, se veut « réaliste », dans la ligne d’une longue tradition artistique qui remonte au XIIIème siècle et dont la crucifixion de Grünewald au XVème, est le plus bel exemple.

Certains commentateurs parlent à son propos de « matraquage compulsif de la violence », « d’obscénité de la torture spectacle dans un flot d’hémoglobine », « Un mauvais service rendu au Christianisme », « Une œuvre antichrétienne » (P. Valadier). Et pourtant, la violence n’excède pas ici, et de très loin, celle banalisée et gratuite, dont des millions de téléspectateurs ou d’internautes s’abreuvent chaque jour ! Ces images coup de poing peuvent heurter des sensibilités et conduire certains à s’abstenir d’aller voir le film (qui est interdit aux moins de 12 ans).

Mais cette cruauté exposée sans détour à l’écran reproduit fidèlement les brutalités subies par le Christ, telles que les connaissances actuelles scientifiques, historiques et archéologiques nous permettent de les reconstituer. On ne peut accuser Mel Gibson de faire de la Passion autre chose qu’elle n’est : la mise à mort qui est infligée à Jésus ! Le réalisateur n’invente rien. Le supplice encouru ramène inexorablement le spectateur à la prophétie d’Isaïe concernant le Serviteur Souffrant « Il était sans beauté, ni éclat pour attirer nos regards, et sans apparence qui nous eut séduit… Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir » (Is 53). L’apôtre Paul n’a-t-il pas toujours présenté la croix comme un scandale ! (1Cor1,23).

Le lynchage qu’a subi le Christ fait ressortir, au contraire sa détermination d’aller jusqu’au bout, son humble consentement à la volonté du Père dans un combat spirituel où, dans le film, le Mauvais en figure androgyne reste toujours à l’affût.

Le Christ se bat les mains nues. Il répond à la violence par le don de soi. A la douceur du Christ fait écho celle de sa Mère. Sa continuelle et silencieuse compassion qui accompagne son Fils tout au long du film et le porte jusqu’au Golgotha.

Mel Gibson veut faire éprouver au spectateur dans sa sensibilité et dans son âme, l’horreur des outrages et l’injustice qui frappe l’Innocent. Son propos est de mettre l’esthétique d’une dramaturgie pleine de densité et d’intériorité au service d’une contemplation du sacrifice du Christ. Le rythme poignant, la rhapsodie des « flash-back », le jeu somptueux des ombres et des lumières que le cinéaste dit emprunter à l’univers du Caravage, la puissance de figuration et la qualité d’interprétation des acteurs, les séquences successives de ralentis ou de mélopées, la subtile symbolique des signes et des gestes distillés tout au cours du long métrage (par exemple le lien théologique entre le sacrifice de la croix et l’institution de l’eucharistie, ou la relation entre l’eau de Pilate et celle du lavement des pieds, le bois de la Croix et celle du charpentier…) font de ce film à le fois une fresque historique parfois iconique, et un reportage pathétique sur l’offrande du Christ.

Faut-il voir le film de Mel Gibson ?

A propos des réserves exprimées par un Comité épiscopal, un journal titrait abusivement « l’Eglise de France déconseille fortement le film de Mel Gibson ». Un retour à la censure ecclésiastique… qu’aura bravée Jean-Paul II et plusieurs évêques présents à Rome pour le lancement mondial du film !

En découvrant cette œuvre, sur bien des aspects, bouleversante, personnellement, je conseille vivement d’en faire a posteriori une relecture distanciée.

Certes, elle n’est pas exempte de reproches. Par exemple, l’allusion trop furtive à la résurrection. Peu d’espace pour l’espérance dans cette descente aux enfers au cœur de la souffrance. Ou encore, le rajout au texte biblique de paroles ou de scènes qui relèvent de « révélations privées… ». Certaines caricatures (la soldatesque romaine avinée et indisciplinée) ou certains clichés. Aucune œuvre d’art ne peut avoir la prétention de percer le mystère du Christ, et en particulier de sa Passion rédemptrice. Seule la foi permet d’y accéder.
Néanmoins le film de Mel Gibson, malgré les quelques limites, se présente au public français peu coutumier du genre, comme un support efficace d’évangélisation, voir de première catéchèse qu’il serait incongru d’ignorer.

Plusieurs témoignages attestent de son impact missionnaire et pour le chrétien qui entre dans la Semaine Sainte, l’œuvre de Mel Gibson lui fait découvrir dans la prière, comment et jusqu’où « le Fils de Dieu m’aime et s’est livré pour moi » (Gal 2,20).

+ Dominique REY

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ZENIT Staff

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