La performance, un point de départ pour le dialogue entre hommes de foi et société

Entretien avec le Prof. Axel Khan, médecin et généticien

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ROME, Lundi 15 octobre 2007 (ZENIT.org</a>) – Dans le cadre de la 6ème édition des entretiens de Valpré qui ont eu lieu ce lundi à Lyon, la Congrégation des Augustins de l’Assomption a invité des cadres dirigeants et des spécialistes de divers secteurs de la société à apporter du sens, des repères et un éclairage sur ce moteur puissant qu’est la performance.

Parmi les invités, autour du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, le professeur Axel Khan, médecin et généticien, directeur de l’Institut Cochin à Paris, qui a accepté de répondre aux questions de ZENIT.

Zenit – Prof. Khan, quels sont vos sentiments au regard d’un événement comme les entretiens de Valpré où l’Eglise et la société débattent ensemble sur ce moteur puissant qu’est la performance aujourd’hui ?

Prof. Axel Kahn – J’ai l’habitude, en fait, de me prêter à des débats, à des dialogues avec des femmes et des hommes de foi, donc je ne suis pas du tout dépaysé et je comprends très bien la raison pour laquelle, pour quelqu’un qui est un spiritualiste, qui croit à une transcendance organisatrice du monde, la question de la performance humaine, qui est en réalité un objectif fixé par l’homme pour l’homme, et qui n’a pas d’autres considérations que cela, pose un problème. Je pense que, par ailleurs, la performance est assez emblématique de notre société. C’est un mot que tout le monde a à la bouche et qui peut en effet constituer un bon point de départ pour un dialogue entre les hommes et femmes de foi et la société en général, composée de ceux qui croient au ciel et de ceux qui n’y croient pas.

Zenit – A-t-on davantage conscience de cette notion de performance dans le monde scientifique, dans le domaine de la recherche, que dans d’autres secteurs ?

Prof. A. Kahn – Plus que partout ailleurs, tout simplement parce qu’un chercheur qui, toute sa vie, serait le deuxième ou le troisième à parvenir au résultat, se retournant sur ses pas, aurait une impression épouvantable de gâchis. Il lui semblerait que sa vie n’a servi à rien puisque s’il n’avait pas été là, le monde en saurait autant et serait aussi puissant que ce qu’il est. Si bien que la condition sine qua non pour faire ce métier, est de désirer être performant pour parfois l’emporter, gagner.

Gagner ça ne veut pas dire détruire les autres, ça veut dire être le premier à faire bouger les choses, à attirer l’attention sur un nouvel éclairage d’une réalité du monde. On dit aux chercheurs que s’ils n’ont pas un certain sens et une acception au moins de la compétition, et s’ils n’acceptent pas d’être performants, c’est-à-dire compétitifs par rapport à leurs semblables, alors il vaut mieux qu’ils fassent un autre métier.

Zenit – Mais n’avez-vous pas l’impression que derrière cette idée de performance se cache parfois l’idée de vouloir ‘tout maîtriser’ ?

Prof. A. Kahn – La performance ne signifie pas cela, mais la performance c’est effectivement la notion de dépassement. Cela veut dire être dans une compétition et être capable de l’emporter. Alors, dans le cadre de la compétition, pour l’emporter, il faut certainement maîtriser les différents aspects de la règle du jeu dans lequel on veut l’emporter. Mais je ne crois pas qu’il y ait dans le terme de performance la pulsion, l’objectif d’une domination généralisée du monde.

Zenit – La performance poussée trop loin peut aller au détriment de la qualité ?

Prof. A. Kahn – Oui effectivement. C’est pour cela que le terme doit être critiqué, et dans une certaine acception il doit être condamné. A la limite, être performant n’exige pas de créer de la qualité. Il suffit que l’on fasse un peu mieux que le voisin pour être performant puisque la performance comporte un élément de compétition. Alors que bien entendu le but réel est la qualité de la création, l’originalité de la créativité, au-delà même de la performance. On va dire que la recherche de la qualité est première et que si cette recherche de qualité nous amène à être performant c’est très bien.

Il n’empêche que le but poursuivi est la recherche de qualité. Le mot de performance vaut beaucoup plus pour des entreprises qui, d’une certaine façon, dans le cas des règles économiques, se disent ‘peu importe la qualité’, à moins que celle-ci ne soit une des conditions de la performance. Mais s’il est possible d’être performant sans qualité, alors une entreprise peut très bien être économiquement parfaitement rentable en étant performante sans qualité.

Zenit – Dans quelle mesure le soucis de performance peut-il gêner le chercheur dans son travail ?

Prof. A. Kahn – Si cela amène le chercheur à négliger parfois des voies plus difficiles, plus incertaines mais beaucoup plus profondes, beaucoup plus intéressantes, au profit d’une perspective de victoire sur la concurrence à court terme et de peu de signification en réalité. Donc un chercheur qui perdrait de vue cette exigence de profondeur de résultat, de qualité, en se contentant simplement d’être performant, ne serait pas un bon chercheur scientifique, à la rigueur un bon marchand, un bon industriel.

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ZENIT Staff

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