ROME, Lundi 14 juillet 2008 (ZENIT.org) – Les Bénédictins sont des moines et donc missionnaires : dom Jeremias Schröder, OSB, Père abbé du couvent des Bénédictins missionnaires de Saint Ottilien, confie à Fides, à l’occasion de la fête de Saint Benoît, le 11 juillet, comment le moine est aussi toujours un missionnaire.
Quelle est la position de Saint Benoît face à la mission, et plus généralement, quel est le rapport entre les Bénédictins et la mission ?
A première vue la règle des Bénédictins n’offre pas de points de repère pour l’œuvre missionnaire des communautés qui vivent selon cette règle. Plus importante est la description de la vie de Saint Benoît par le Pape Grégoire, dans laquelle il rappelle entre autre l’activité de prédication et d’enseignement du Saint dont il rapporte qu’à Subiaco il instruisit aussi dans la foi les bergers. Une inscription dans la Grotte des Bergers rappelle les nombreux peuples qui du VIIe au XIXe siècle ont reçu la foi grâce aux Bénédictins. De même, les signes miraculeux de Saint Benoît ont eu de l’effet au-delà de la communauté monastique, conduisant à la foi les témoins de ces signes. Le Pape Grégoire met en évidence le service ecclésial de salut du monachisme. A l’époque du pape moine, Grégoire, ce service a subi un tournant évident, et Saint Benoît a marqué une étape importante sur le chemin de la disponibilité progressive des moines au service ecclésial.
Mais comment pouvons-nous aborder aujourd’hui la question du rapport entre monachisme et mission ? Dans le prologue de sa Règle, Saint Benoît invite le lecteur à vivre « sous la conduite de l’Evangile ». Cet Evangile s’offre à nous dans son intégrité et non comme un catalogue où choisir. Les Bénédictins- et au fond toutes les personnes de vie consacrée- ont comme objectif le tout, et par conséquent dans chacune de leurs communautés, ils doivent réaliser toutes les dimensions fondamentales de la vie chrétienne. La mission fait aussi partie de celles-ci. Et si la mission fait partie de la vie chrétienne, elle fait aussi partie de la vie du moine !
Dans les anciennes descriptions de vie monastique, apparaît souvent le terme « petite Eglise ». Car nos monastères veulent vivre la plénitude de la vie de l’Eglise. Or la mission en fait aussi partie, l’approche par l’Eglise du monde non chrétien.
Un troisième aspect est l’expérience de la « communio », de la communion comme caractéristique essentielle de la vie monastique. La sympathie pour l’Eglise universelle, le savoir, le partage et la prière en commun avec les autres pays et les églises locales se trouve pour ainsi dire dans notre DNA. Les moines et les moniales savent où se trouvent les frontières de l’Eglise, où elle souffre et où peut-être elle commence à vaciller à cause de faiblesses internes. Ce qui conduit nos communautés à l’ouverture et les incite souvent à offrir leur aide.
Une caractéristique de toutes les entreprises missionnaires consiste en ce que l’instruction en fait aussi partie. Partout les moines ont agi comme des hérauts de la foi, ayant dans leurs bagages leurs livres et leur expérience scolaire et d’éducateurs. Cela vaut pour les occupations littéraires des moines du Moyen-âge, mais aussi dans le cadre difficile des missions, où les moines sont appelés comme enseignants. Quand au XIXe siècle a été fondée la mission bénédictine en Tanzanie, on a imaginé un système scolaire qui comprenne tous les niveaux d’éducation scolaire, des écoles du jardin d’enfant aux collèges et lycées. Des régions entières ont ainsi eu leurs écoles et souvent les moines construisaient les écoles avant même les églises.
En outre les Bénédictins sont considérés comme des spécialistes de la liturgie. Les messes solennelles, la prière des heures, la musique sacrée, l’instruction liturgique pour les prêtres et les laïcs, la collaboration à la préparation de musiques et de textes liturgiques : telles sont les contributions typiques des Bénédictins à la constitution d’une Eglise locale.
Saint Benoît n’était pas prêtre et nos maisons ne sont pas des maisons de prêtres. Dans la congrégation de Saint Ottilien, deux tiers des membres sont des religieux non prêtres. Les Eglises des pays de mission ne considèrent souvent missionnaires que les prêtres. La où entrent en jeu nos monastères, cette expérience de l’Eglise s’élargit rapidement. Des artisans, des maîtres, des médecins… pas seulement des « prédicateurs » professionnels, mais des hommes avec des talents et des capacités, qu’ils sont disposés à mettre entièrement au service de l’Eglise et de l’humanité. Saint Benoît a ennobli le travail par sa règle. Ce n’est plus seulement une plaie nécessaire que l’on délègue à d’autres quand c’est possible : le travail est la collaboration à la création, une louange à Dieu.
Une dernière chose est à relever : l’ordre bénédictin avec sa sage modération et son profond respect de l’autre, son invitation à l’hospitalité et son expérience séculaire, protège des fanatismes et des petitesses unilatérales. Des historiens contemporains assurent de façon crédible que les missions bénédictines ont souvent réussi à communiquer et à implanter ces principes fondamentaux. La « Pax Benedictina » est non seulement une espérance pour la vie à l’intérieur du monastère, mais aussi un fruit pour les régions et les pays entiers qui se sont laissés inspirés par ces monastères.
Ma réflexion sur Saint Benoît comme missionnaire commence toujours de façon très défensive : comment les Bénédictins peuvent-ils être missionnaires s’ils sont si étroitement liés à leurs monastères ? Mais plus j’y réfléchis, plus s’impose à moi une autre question : comment peut-on être chrétien, comment peut-on être moine, si l’on n’est pas semblable au Christ aussi dans sa mission ?