ROME, Mercredi 9 décembre 2009 (ZENIT.org) – Depuis trente ans, l’Eglise catholique vietnamienne vit une expérience très riche dans l’environnement du Vietnam d’aujourd’hui, comme en témoigne ce rapport sur le diocèse de Saigon, qui souligne l’importance de « l’expérience de la prière et de l’amour comme service ».
A la veille de la visite du chef de l’Etat vietnamien auprès de Benoît XVI, Paolo Affatalo, de Fides, l’agence d’information de la congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, a posé quatre questions à Mgr Pham Minh Mân, cardinal-archevêque de Saigon, sur cet événement et sur de la situation de l’Eglise dans son pays.
L’interview fait référence à un rapport sur le diocèse, rédigé à l’occasion de la récente visite ad limina des évêques vietnamiens à Rome (cf. la dépêche : Quatre questions au card. Pham Minh Mân, archevêque de Saigon). Eglises d’Asie, l’agence des Misisons étrangères de Paris (MEP) l’a également traduit.
Rapport sur le diocèse de Saigon
Trente ans vécus par l’Eglise dans l’environnement social du Vietnam
L’année 1975 est l’époque où le régime politique du Vietnam a changé. Ce changement a fait disparaître l’ancien cadre culturel, social, économique et politique et a entraîné de nombreuses difficultés et limites pour l’Eglise catholique au Vietnam. Il faut ajouter à cela que, pendant plus de dix ans, le pays a fermé ses portes. Les relations avec le monde et les liens de communion avec l’Eglise universelle ont été, pour ainsi dire, coupés.
Pour ce qui le concerne, l’archevêché de Saigon a changé de nom, devenant l’archevêché de Hô Chi Minh-Ville. Cela s’est traduit par un certain nombre de conséquences fâcheuses :
1.) Concernant les effectifs : le nombre de prêtres est passé de 414 à 226, celui des fidèles de 516 000 à 387 184.
2.) Concernant les établissements éducatifs, médicaux, caritatifs et humanitaires, 400 d’entre eux ont disparu. Ainsi, il n’y a plus eu d’écoles catholiques, qui ont été des lieux d’enseignement de la doctrine, d’éducation de la foi pour la jeunesse. Ont disparu également les établissements hospitaliers et les centres caritatifs et humanitaires catholiques. Les organisations assurant des activités de ce type ont été dissoutes. Seuls sont demeurés les établissements de culte.
Cependant, pour cette raison, la pastorale dans le diocèse s’est concentrée sur le centre et le sommet de la vie chrétienne, à savoir sur le Seigneur Jésus dans son dans son Eucharistie et sur la Parole de Dieu. Ainsi, la paroisse est devenue la famille du Seigneur. Le Seigneur y est le père de tous les fidèles, qui, ayant un même père, sont frères et sœurs, unis par un même baptême, une même foi, une même espérance et un même amour.
C’est aussi pour la même raison que les familles, les communautés de croyants ont consacré beaucoup plus de temps à la prière de communion avec le Seigneur, à la charité et à la solidarité fraternelle dans la famille comme dans les communautés de croyants : les paroisses, les congrégations, … Chacun a eu ainsi beaucoup plus d’occasions de vivre et de grandir dans la vérité et l’amour salvifique du Christ. La communauté diocésaine comme la paroisse sont devenues, tous les jours davantage, le levain et la lumière évangélique dans le nouvel environnement. L’humilité de ces témoins de l’Evangile a peu à peu changé le regard porté sur l’Eglise par de nombreuses personnes de la société. L’Eglise, qui était jusqu’ici regardée de l’extérieur, considérée comme hostile, est devenue une organisation capable de contribuer au service du peuple et au développement du pays.
Le Seigneur a accordé à l’Eglise la grâce de vivre dans l’environnement du Vietnam d’aujourd’hui
Le Seigneur coopère avec le peuple de Dieu. Ainsi, il jette en lui de nombreuses semences de grâce salvifique, les semences de la foi, les semences des vocations sacerdotales et religieuses.
– Aujourd’hui, le diocèse comporte 200 paroisses, avec 5 289 membres de conseils paroissiaux, 6 254 catéchistes volontaires, 900 chorales, 25 associations apostoliques laïques dont les membres dépassent le chiffre de 90 000. 90 % des catholiques participent à la messe dominicale. 100 % des enfants suivent les cours de catéchisme jusqu’après la confirmation.
– Le grand séminaire comporte 180 étudiants appartenant à trois diocèses. Notre diocèse possède également une classe de propédeutique avec 300 aspirants au grand séminaire.
– Dans le diocèse sont implantés 85 congrégations, instituts religieux et instituts séculiers. Les communautés religieuses rassemblent au total 5 047 religieux et religieuses. Plusieurs centaines d’entre eux sont formés où étudient à l’étranger. Plusieurs centaines d’autres sont en mission dans 46 pays des cinq continents.
– Il faut ajouter à cela, les 50 congrégations et un certain nombre de diocèses d’Europe, d’Amérique, d’Afrique et d’Australie venus dans l’archidiocèse pour y chercher des vocations.
– Jusqu’à présent, progressivement, notre diocèse a ouvert 190 établissements tels que des jardins d’enfants, des « classes de l’affection », des écoles professionnelles, des établissements caritatifs et humanitaires, qui s’efforcent de répondre aux besoins de développement du pays et, en même temps, de surmonter les conséquences néfastes du développement social.
– Le peuple de Dieu prend soin et contribue à la croissance des semences de grâce salvifique, afin qu’elles fleurissent et portent du fruit.
Dans son amour, le Seigneur a accordé aux familles catholiques et aux communautés de croyants de devenir des parcelles de terre fertile. Elles ont été entourées de soins et arrosées par la source d’eau vive de la prière et la liturgie sacramentelle des croyants, ainsi que par l’engrais constitué par la vie caritative, le sacrifice et la peine de chacun. Ainsi, les semences de grâce salvifique ont grandi et produit du fruit. Aujourd’hui, conformément aux directives du Saint Père, les familles du diocèse continuent d’entretenir les semences par leurs efforts :
– Elles contribueront à faire grandir le Centre de pastorale et le Centre culturel catholique pour qu’ils deviennent des lieux ouverts qu’ils fassent grandir les connaissances en matière de foi religieuse.
– Elles renforceront leur solidarité pour aider les familles catholiques, les 200 communautés paroissiales, les 300 communautés religieuses, les 12 bureaux de pastorale diocésaine, les 25 associations apostoliques à devenir des écoles d’éducation de la foi, qui la défendent, la protègent, en témoignent et la propagent.
– Elles créeront les conditions pour que chacun prenne conscience qu’il vit dans la vérité et l’amour salvifiques du Christ, et désire contribuer au développement de l’Eglise, de l’homme et du pays, un développement qui soit intégral et juste.
L’expérience de la prière et de l’amour comme service
Grâce au Saint Esprit reçu avec l’amour du Christ et grâce à la persévérance dans la prière à travers toutes les épreuves, saint Paul a pu consacrer sa vie à la mission d’évangélisation et à l’édification de l’Eglise, conformément à la voie d’amour et de service enseignée par le Christ.
1.) « Que, pratiquant la vérité dans la charité, nous croissions à tout égard en Celui qui est le chef, le Christ. » (Eph 4,15). L’amour à la lumière de la foi au Christ : tous les hommes sont fils d’un même père, frères et sœurs dans une même famille. Dans l’histoire de la mission, il y a deux catégories de missionnaires, ceux qui respectent la culture locale, comme Matteo Ricci, et d’autres qui imposent une culture étrangère. Dans la réalité de la famille et de la société, il y a deux so
rtes d’amour : l’amour respectueux et l’amour qui impose. L’amour de la patrie nous conduit à découvrir ensemble les orientations et les lignes de force du développement intégral de l’homme et du développement durable de notre pays (voir Caritas in Veritate).
2.) L’amour-service exige l’inculturation, le dialogue, la collaboration.
L’inculturation : l’entrée à l’intérieur de la tradition culturelle d’un peuple vise à découvrir les semences de la parole de Dieu dans chacune de ses cultures dans le but de les cultiver pour qu’elles se développent. Ainsi, si les cultures deviendront plus riches.
Le dialogue et la collaboration : leur tradition est profondément ancrée dans les cœurs, les façons de penser et de vivre des hommes et par conséquent des chrétiens. Le concile Vatican II a ouvert une voie nouvelle, le dialogue dans un esprit de charité visant à découvrir la vérité. Il semble que cette orientation nouvelle reste encore étrangère à de nombreuses personnes car elles ne peuvent concevoir la vérité que comme ce qui correspond à leurs intérêts particuliers et leur apporte des avantages, à elles ou aux groupes dont elles font partie. C’est pourquoi le dialogue et la collaboration sont véritablement difficiles et leurs résultats limités, y compris dans le domaine du service des plus pauvres et des plus démunis ainsi dans celui du développement du pays.
3.) La vie de prière : « Soyez patients dans l’affliction. Persévérez dans la prière » (Rm 12,12) : le conseil du cardinal Glemp, qui a vécu sous trois types de régimes, est : « Soyez persévérants et priez ! » La prière me rend lucide pour reconnaître la volonté de Dieu et sa voie. En même temps, elle nous donne la force d’avancer sur cette voie en toutes circonstances et à travers toutes les épreuves. Il faut être persévérant dans la prière car le changement de l’esprit et du cœur de l’homme est l’ouvrage du Saint Esprit avec la collaboration des hommes de bonne volonté. Il faut persévérer dans la prière comme le Seigneur nous l’enseigne (voir le Notre Père), comme l’Eglise nous l’enseigne (voir les mystères du rosaire), car elle est la source d’eau vive qui fera grandir les semences de la grâce, qui lui donnera sa verdeur, puis ses fleurs et ses fruits.
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