ROME, Vendredi 19 mars 2010 (ZENIT.org) – Au Japon, lors de la veillée pascale, l’épouse et la fille d’un prêtre shintô recevront le baptême, rapporte « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris.
Le 3 avril prochain, Ito Miyuki, 38 ans, et sa fille, Kotone, 5 ans, seront baptisées dans la foi catholique. La célébration aura lieu dans l’église de la paroisse de Yonezawa, localité de la préfecture de Yamagata, à un peu moins de 300 km au nord de Tokyo. Miyuki et sa fille rejoindront ainsi les milliers de catéchumènes qui seront baptisés de par le monde lors de la veillée pascale, mais leur situation a ceci de particulier que Miyuki est l’épouse d’un prêtre shintô dans un pays où les catholiques représentent à peine 1 % de la population. « Ma maison est un temple shintô. Mon travail est celui d’une miko » (nom qui désigne l’assistante féminine du principal desservant d’un temple shintô), rapporte la jeune femme à l’agence Ucanews (1).
Le shintôïsme est intimement lié à la civilisation japonaise. Aujourd’hui encore, il existe plus de 100 000 sanctuaires shintô en activité au Japon, où l’on prie les kami (2). Religion première de l’archipel, considéré comme un animisme, le shintô demeure étroitement lié à la vie de tous les jours des Japonais et présente la particularité de ne pas posséder de corpus doctrinal établi. Quand un enfant naît au Japon, un prêtre ajoute son nom au registre du sanctuaire local et le déclare « Ujiko », littéralement « nom enfant ». Après sa mort, un « Ujiko » devient un « Ujigami », c’est-à-dire un kami. Une personne peut choisir d’avoir son nom ajouté à une autre liste lorsqu’elle déménage et ainsi être sur les deux registres. Des noms peuvent être ajoutés à un registre sans avoir le consentement de la personne et sans considération pour ses croyances. Cela n’est pas considéré comme une tentative d’imposer ses croyances mais plutôt comme un signe de bienvenue des kami de l’endroit, avec la promesse d’accéder au panthéon des kami après la mort.
A quelques semaines de son baptême, Miyuki continue de jouer de la musique sacrée lors des cérémonies où officie son mari. Après son baptême, elle continuera de faire de même. C’est à l’âge de 23 ans qu’elle a commencé à travailler dans un sanctuaire shintô, situé dans la préfecture de Shimane. Plus tard, elle est retournée vivre auprès de ses parents à Yamagata, où elle a rencontré Haruhiko, prêtre shintô de son état, et tous les deux se sont mariés. Sa connaissance de la foi chrétienne était alors très faible mais pas inexistante. Ses années de lycée s’étaient en effet déroulées dans un établissement catholique où elle avait été fascinée par le récit qu’on lui avait fait de la vie et de l’œuvre de Mère Teresa. Trois ans après son mariage, au cours d’un voyage en Inde, à Calcutta, elle avait visité les Missionnaires de la Charité et avait été bénie par leur fondatrice qui lui avait remis un chapelet, précieusement conservé depuis.
La conversion de Miyuki a toutefois eu lieu plus tard. En 2008, lors d’un repas, la jeune femme s’est mise à cracher du sang. Les médecins ont diagnostiqué un cancer du pharynx, très certainement mortel. Sans qu’elle puisse l’expliquer, elle eut alors à l’esprit l’image de Mère Teresa et s’est dit à elle-même : « Je veux être baptisée avant de mourir ! » A sa sortie de l’hôpital, elle se mit donc à chercher comment recevoir ce sacrement mais une personne proche de l’Eglise lui dit que, dans sa situation de miko, elle devrait reconsidérer sa décision. Malgré cela, elle persista dans son désir et se mit en contact avec la paroisse de Yonezawa où l’équipe responsable de catéchuménat l’accueillit. Deux mois plus tard, alors qu’elle commençait à se faire à l’idée de sa maladie, son cancer disparut. « Ma vie a été sauvée par Jésus Christ. Je veux passer le restant de mes jours auprès de l’Eglise », pensa-t-elle alors, réalisant également qu’elle était devenue « spirituellement assoiffée ».
De son expérience de miko, Miyuki retire l’impression que les personnes qui se rendent au sanctuaire shintô y viennent pour des considérations plus terrestres que spirituelles. « Lorsque [mon mari Haruhiko et moi] essayons de parler des dieux aux fidèles, ils nous demandent, incrédules : ‘Mais de quoi parlez-vous ?’ Pourtant, nous avons vraiment, tous les deux, le désir de les entretenir à propos des dieux », témoigne-t-elle.
Miyuki a envisagé un temps d’abandonner ses fonctions de miko au sanctuaire, mais le curé de la paroisse et l’équipe de laïcs qui l’entourent l’en ont dissuadé. Quant à sa fille, Kotone, c’est elle-même qui est allée voir le curé pour demander, elle aussi, à être baptisée. « Je veux connaître Jésus. J’aime Jésus et j’aime Marie », affirme-t-elle du haut de ses cinq années.
Aujourd’hui, le mari de Miyuki ne voit pas d’objection à la perspective prochaine du baptême de son épouse et de sa fille. Il s’en dit même profondément heureux. « Etant donné ma position, je ne peux pas moi-même être baptisé, précise-t-il. La région où nous sommes installés voit sa population vieillir et décroître, mais, malgré cela, tous les habitants continuent à soutenir de leurs offrandes le sanctuaire lors des grandes fêtes shintô. J’estime que je dois faire tout ce qui est possible pour répondre aux attentes de ceux qui font tant pour assurer la vie de ce sanctuaire. »
Après Pâques et le baptême, la famille Ito projette de partir en France, où, en compagnie de plusieurs prêtres catholiques, ils iront en pèlerinage à Lourdes.
(1) Ucanews, 12 mars 2010.
(2) Les kami s’attachent à des objets sacrés, êtres spirituels, animaux, sources, chutes d’eaux, montagnes sacrées, phénomènes naturels, symboles vénérés. Ils sont réputés favoriser les rapports entre les parents et les enfants et les ancêtres et leurs descendants. Ce sont des esprits célestes ayant des pouvoirs, mais qui ne sont pas tout-puissants, et aussi des esprits terrestres dispensant des bénédictions ou des sanctions aux gens sur terre. Les kami inspirent le plus souvent une crainte respectueuse. On trouve parmi eux des animaux comme le tigre, le serpent ou le loup. L’empereur du Japon lui-même était auparavant considéré comme un kami. Un ministre impérial du IXème siècle est par exemple le kami de la calligraphie. La plus importante divinité est le soleil qui, entre autres vertus, protège contre les invasions. On peut donc dire que le drapeau du Japon est un symbole shintô.
Il y aurait huit millions de kami au Japon, qui a pour surnom Shinkoku (‘pays des divinités’). Ce nombre symbolise au Japon l’infini, il y aurait donc en réalité une infinité de kami, un pour chaque chose qui existe. (source : Wikipédia).
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