Le père Joseph Wresinski vivait intensément chaque moment de la Semaine Sainte et en particulier le Triduum pascal, qu’il vivait presque comme un Quatriduum, insistant particulièrement sur le Samedi Saint, ce temps de la peine, de l’échec apparent, de la désillusion, du deuil, et en même temps de l’attente et de l’espérance.
Il a, notamment dans son livre « Les pauvres, rencontre du vrai Dieu », Le Cerf, 1985; réédition 2005, longuement médité sur la Semaine Sainte. Soulignons d’abord l’importance qu’il portait à la Messe Chrismale, célébrée souvent le mardi de la Semaine Sainte. Chaque fois que possible, c’était pour lui l’occasion de rejoindre les prêtres et l’évêque de son diocèse, celui de Soissons, Laon et Saint-Quentin auquel il est toujours resté attaché.
Le Jeudi Saint fut pour lui, de manière toujours plus forte dans les dernières années de sa vie, l’occasion d’une méditation sur le lavement des pieds. S’adressant plus spécifiquement aux volontaires du Mouvement ATD Quart Monde qui l’avaient suivis, dont certains sont chrétiens et d’autres appartiennent à d’autres confessions ou n’ont pas de convictions religieuses, il lisait le geste posé par le Christ comme une invitation à se faire les uns les autres serviteurs de nos frères, serviteurs des pauvres, bien sur, mais aussi serviteurs des serviteurs. Comment en effet prétendre se mettre au service des pauvres si on n’est pas d’abord habité par une attention de tous les jours, une fraternité concrète avec nos co-volontaires ?
Le Vendredi Saint était l’occasion de méditer sur le Golgotha, la crucifixion et la mort du Christ, en communion avec tous les Golgotha d’aujourd’hui, là où des hommes, des femmes et des enfants sont crucifiés par la faim, par la violence, par la misère. En acceptant la mort sur la croix, une mort infâme, hors des murs de la ville, le Christ n’a-t-il pas fait sienne la condition des plus exclus? « Jésus, fils de Dieu, fait homme de la misère », était un de ses thèmes favoris de méditation. Ce thème a été approfondi dans le livre du père Jean Lecuit sj, « Jésus misérable. La Christologie du père Joseph Wresinski », paru dans la Collection Jésus et Jésus-Christ, dirigée par Mgr Joseph Doré, n° 92, Desclée, 2006.
Et puis il y a le Samedi Saint, qu’on passe parfois sous silence, en notre époque où la célébration de la Vigile Pascale est souvent anticipée. Le père Joseph insistait sur ce temps de latence, de vide et de désespoir, mêlé d’une inextinguible espérance, que représente le Samedi Saint. N’est-il pas représentatif de ce que vivent, jour après jour les plus pauvres, entre désespoir, échecs – expulsions, placements des enfants, violence, perte de travail, faim, mort – et espérance – demain sera un autre jour, cet enfant là s’en sortira, il ne connaitra pas la misère que j’ai connue – ? De la Crucifixion, ne passons-nous pas trop vite à la Résurrection en faisant l’impasse sur ce temps du Samedi Saint, cette longue journée où tout semble perdu ?
Dans un texte publié dans « Paroles pour demain », DDB, 1986, méditant sur la condition des plus pauvres à travers le monde, le père Joseph s’interroge: « Qui donc roulera la pierre? ».
Et puis bien sûr, la Nuit de Pâques, la Résurrection du Seigneur, signe que la misère, cette mort sociale, est déjà vaincue, que la fatalité de la mort est vaincue par le Christ, que le tombeau est vide et que tous les êtres humains sont appelés à une vie nouvelle dans la gloire du Christ. Le père Joseph est mort avant que le Pape Jean-Paul II n’institue le dimanche de la miséricorde. Il s’en serait certainement réjoui car s’il est une expérience dont les pauvres sont témoins et dont ils ont besoin, c’est bien celle de la miséricorde. Cette miséricorde dont un jeune en grande difficulté disait un jour, à l’issue d’un camp itinérant auquel il avait participé et dont le thème était la miséricorde: « J’ai compris maintenant ce que c’est la miséricorde. C’est Jésus qui tend des cordes vers notre misère »!
Pour en savoir plus sur le père Joseph Wresinski et retrouver certains textes et les références de ses livres, consultez le site multilingue www.joseph-wresinki.org . Voir aussi le texte « L’Eglise et les exclus », http://www.joseph-wresinski.org/L-Eglise-et-les-exclus.html, particulièrement actuel en ce début de pontificat du Pape François.
Jean Tonglet est responsable du mouvement ATD-Quart monde en italie.