Mgr Tomasi analyse les conséquences de la crise économique : texte intégral

ROME, Mercredi 25 février 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours prononcé le 20 février par Mgr Silvano Maria Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et des Institutions spécialisées à Genève, lors de la session […]

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ROME, Mercredi 25 février 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours prononcé le 20 février par Mgr Silvano Maria Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et des Institutions spécialisées à Genève, lors de la session spéciale du Conseil des droits de l’homme sur la crise économique.

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1. Comme les médias nous le rappellent chaque jour, la crise financière mondiale a causé une récession mondiale avec des conséquences sociales dramatiques, y compris la perte de millions d’emplois et le risque grave que pour de nombreux pays en voie de développement, les Objectifs de développement du Millénaire ne puissent être atteints. Les droits de très nombreuses personnes sont compromis, y compris ceux d’un accès à l’eau, à la nourriture, à la santé et à un travail digne. Surtout, quand des parties importantes d’une population nationale voient leurs droits sociaux et économiques bafoués, la perte d’espérance met en danger la paix. La communauté internationale a la responsabilité légitime de demander pourquoi cette situation s’est créée, à qui en revient la responsabilité et de quelle manière une solution concertée peut nous faire sortir de la crise et faciliter le rétablissement des droits. La crise a en partie été causée par le comportement problématique de certains acteurs du système financier et économique, y compris des administrateurs de banques et ceux qui auraient dû être plus attentifs en ce qui concerne les systèmes de monitorage et de responsabilité. Ils ont donc une grande responsabilité dans les problèmes actuels. Toutefois, les causes de la crise sont plus profondes.

2. Réfléchissant sur la crise de 1929, le pape Pie XI observa : « Aujourd’hui, il n’y a pas seulement une concentration de richesse, mais aussi l’accumulation d’une puissance énorme, d’un contrôle despotique de l’économie aux mains d’un nombre infime de personnes, qui ne sont souvent pas propriétaires mais seulement dépositaires et administrateurs du capital, mais dont ils disposent à leur niveau et selon leur plaisir » (Quadragesimo anno, n. 105). Il observa aussi que la concurrence libre s’était autodétruite en se fondant sur le profit comme unique critère. La crise actuelle a des dimensions économiques, juridiques et culturelles. L’activité financière ne peut se réduire à obtenir des profits faciles, mais doit aussi inclure la promotion du bien commun parmi ceux qui prêtent, ceux qui empruntent et ceux qui travaillent. L’absence de fondement éthique a apporté la crise à tous les pays, à bas, moyen ou haut revenu. Monsieur le Président, la délégation du Saint-Siège exhorte une nouvelle fois à prêter « attention à la nécessité d’une approche éthique à la création de collaborations positives entre marchés, société civile et Etats » (Benoît XVI).

3. L’impact des conséquences négatives est toutefois plus dramatique sur le monde en voie de développement et sur les groupes les plus vulnérables dans toutes les sociétés. Dans un document récent, la Banque Mondiale estime qu’en 2009, la crise économique mondiale actuelle pourrait pousser 53 millions de personnes supplémentaires au-dessous du seuil des 2 dollars par jour. Ce chiffre s’ajoute aux 130 millions de personnes contraintes à la pauvreté en 2008 à cause de l’augmentation des prix des produits alimentaires et de l’énergie. Ces tendances menacent gravement le succès de la lutte contre la pauvreté à travers les Objectifs du millénaire d’ici à 2015. Il est évident que ceux qui souffriront le plus des difficultés économiques sont les enfants, et en 2009, une augmentation considérable du taux de mortalité infantile dans les pays pauvres est prévu.

4. On sait que les pays à bas revenus sont extrêmement dépendants de deux flux financiers : l’aide étrangère et les envois des émigrés. Dans les prochains mois, les deux flux diminueront de manière significative à cause de l’aggravation de la crise économique. Malgré l’affirmation officielle renouvelée de l’engagement des donateurs à augmenter l’Official development assistance (ODA) selon l’Accord de Gleneagles, actuellement la majeure partie des donateurs ne sont pas en conditions de satisfaire leur objectif d’augmenter graduellement l’ODA d’ici 2010. Par ailleurs, les chiffres les plus récents révèlent une diminution des flux d’aide. Cela fait craindre qu’un éventuel effet direct de la crise économique mondiale pourrait être une importante réduction des aides aux pays pauvres. D’autre part, les envois des travailleurs émigrés ont déjà été réduits de manière significative. Cela menace la survie économique de familles entières qui retirent une partie consistante de leur revenu du transfert de fonds effectué par des proches qui travaillent à l’étranger.

5. Monsieur le Président, la délégation du Saint-Siège désire se concentrer sur un aspect spécifique de cette crise : son impact sur les droits des enfants, qui montre aussi ce qui est symptomatique de l’impact destructif sur tous les autres droits sociaux et économiques. Actuellement, certains droits importants des pauvres dépendent beaucoup des flux officiels d’aide et des envois des travailleurs. Parmi eux, il y a les droits à la santé, à l’instruction et à la nourriture. Dans plusieurs pays pauvres, en effet, les programmes relatifs à l’éducation, la santé et l’alimentation sont réalisés grâce aux flux d’aide des donateurs officiels. Si la crise économique réduit cette assistance, la réalisation de ces programmes pourrait être mise en danger. De la même manière, dans beaucoup de régions pauvres, ce sont les envois des travailleurs émigrés qui permettent à des familles entières de fournir une instruction et une alimentation correcte à leurs enfants. Si la réduction des aides et des envois se poursuit, elle privera les enfants du droit à l’éducation, créant une double conséquence négative. Non seulement elle empêchera les enfants de développer le plein exercice de leur talent, qui pourrait être mis au service du bien commun, mais les pré-conditions de difficultés économiques à long terme se poseront. Un investissement en baisse dans l’éducation d’aujourd’hui se traduira par une croissance en baisse demain. En même temps, une mauvaise alimentation des enfants aggrave de manière significative l’espérance de vie, en augmentant les taux de mortalité des enfants comme des adultes. Les conséquences économiques négatives de cela vont au-delà de la dimension personnelle et touchent des sociétés entières.

6. Monsieur le Président, je me permets de mentionner une autre conséquence de la crise économique mondiale qui pourrait être particulièrement importante pour le mandat des Nations Unies. Trop souvent, des périodes de graves difficultés économiques ont été marquées par la montée au pouvoir de gouvernements dont les engagements envers la démocratie sont douteux. Le Saint-Siège prie pour que ce type de conséquences puisse être évité dans la crise actuelle, parce qu’il aboutirait à une grave menace pour la diffusion des droits humains fondamentaux pour lesquels cette institution a lutté avec tant de ténacité.

7. Ces 50 dernières années, des résultats importants dans la réduction de la pauvreté ont été atteints. Monsieur le Président, ces résultats sont en danger et une approche cohérente est nécessaire pour les protéger à travers un sens renouvelé de la solidarité, en particulier pour les parties de la population et pour les pays les plus touchés par la crise. Toutefois, des erreurs anciennes et plus récentes se répèteront si l’on n’entreprend pas une action internationale concertée pour encourager et protéger tous les droits de l’homme et si les activités financières et économiques ne sont pas mises sur une route éthique qui puisse privilégier les personnes, leur produ
ctivité et leurs droits par rapport à l’avidité qui peut découler de l’attention au seul profit.

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ZENIT Staff

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