Les pays arabes ont besoin d'une révolution de l'amour, par S.B. Naguib

Intervention à la Rencontre interreligieuse de Munich

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Mardi 13 septembre 2011 (ZENIT.org) – Nous reprenons ci-dessous le texte de l’intervention du patriarche d’Alexandrie des Coptes catholiques, S. B. Antonios Naguib, intervenu le 12 septembre à la rencontre interreligieuse de Munich organisée par la Communauté de Sant’Egidio (cf. www.santegidio.org)

Sept mois et demi sont passés depuis l’explosion de la Révolution égyptienne des jeunes du 25 Janvier 2011. C’est peu dans l’histoire d’une nation. Mais le peuple a hâte de voir des résultats spectaculaires, et des changements radicaux, et il a l’impression que tout traîne et va très lentement. 

Que c’est-il passé ? 

Des jeunes connectés par les moyens de la technologie de communications modernes, se créent un monde virtuel, où ils se rencontrent, échangent sur leurs malaises en face du système étouffant, se disent leurs espoirs, et se donnent rendez-vous au jour du 25 janvier 2011, fête de la Police. Pour la 1ème fois ils se trouvent face à face, et sont eux-mêmes émerveillés d’être si nombreux, pleins de jeunesse, enthousiasme et détermination. La révolution égyptienne nous a pris tous par surprise. Les manifestations deviennent une révolution. Et vous connaissez le déroulement des événements qui ont mené à l’éviction de l’ex-président Hosni Moubarak, après seulement 18 jours, mettant fin à 30 années d’un régime d’apparence démocratique, et de fait dictatorial. 

Qu’avons-nous gagné avec l’avènement de la révolution ? 

– L’éviction d’un chef et d’une bande imposant et protégeant un régime autoritaire, policier, répressif et corrompu, détenant un pouvoir absolu, et prévenant ainsi un système de ‘Droit’.     <br>- L’apparition d’une jeune génération, qui était laissée pour compte, familiarisée avec les moyens de communications modernes, par conséquent plus informée, se connectant en réseau d’individu à individu, sans passer par la médiation de partis politiques ou religieux. Ce sont des croyants, mais ils séparent religion et politique. Ce sont eux qui ont déclenché la révolution, et restent encore la garantie de la poursuite de ses buts initiaux : justice, liberté, dignité et travail. 
– La chute du mur de la peur qui retenait la libre expression d’opinion et de critique. Il est vrai que pendant les 10 dernières années de Moubarak, l’Egypte a connu une grande liberté d’expression, visible dans les media. Mais il y avait toujours des lignes rouges et il ne fallait pas s’y approcher, sous peine de graves conséquences, tel que le président, sa famille et son entourage,
– Au plan religieux, la disparition des barrières confessionnelles, psychologiques et sociales qui séparaient musulmans et chrétiens, et qui causaient des conflits fréquents, quelques fois dramatiques. Ceci a été vécu clairement au début de la révolution.
– L’éveil de beaux rêves et idéaux, qui semblaient ne plus avoir place dans l’imagination et le cœur des égyptiens, surtout des jeunes, pour un présent et un avenir meilleurs, basés sur les principes d’une société civile et démocratique.
– Le choix décisif de l’armée de prendre le parti de la révolution. Ce qui a épargné à l’Égypte le dramatique scénario de la Libye, du Yemen et de la Syrie. La population aussi s’est jointe avec joie à la révolution.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

– Nous constatons clairement que la réalisation des objectifs et des espoirs initiaux sont loin d’être réalisés à brève échéance. Les jeunes et ceux qui se sont ralliés à eux sont encore dans la phase d’élaboration et de la formulation d’une vision, d’un programme et d’une stratégie d’action. L’inexpérience politique et organisationnelle, ainsi que le manque de leaders, affectent sérieusement cette phase.
– L’apparition et le renforcement des islamistes, Frères Musulmans, Salafites et d’autres groupes, ont totalement changé la scène politique et le scénario de son évolution. Beaucoup disent que la révolution a été kidnappée.
– La multiplication incessante des manifestations, des sit-in, et des réclamations d’augmentation de salaires, d’emploi et d’habitat, bloque la reprise de l’industrie et de l’administration.
– Le manque de sécurité inquiète tous les citoyens pour leur vie, leurs enfants, et leurs biens. La police et l’armée font beaucoup pour faire face aux brigands, mais ne réussit pas encore à les maîtriser.
– La cherté de la vie, aliments, habits et autres, aggrave la condition de pauvreté de la plupart des gens.
– Au plan religieux, les conflits entre musulmans et chrétiens sont réapparus. Les discours religieux et les déclarations des Salafites et d’autres islamistes inquiètent vivement les chrétiens. Des responsables civiles et religieux donnent des déclarations rassurantes, mais sont loin de tranquilliser les chrétiens.
– L’absence de chrétiens dans le gouvernement, et parmi les gouverneurs des régions, viennent renforcer l’anxiété des chrétiens.

Points lumineux et perspectives d’avenir.

– Les jeunes de la révolution et leurs nombreux alliés restent décidés à continuer leur action pour un état civil et démocratique.   
– Les déclarations du ‘Conseil Supérieur des Forces Armées’ de vouloir un état civil.
– La « Déclaration de Al-Azhar et d’une Élite d’Intellectuelle sur l’Avenir de l’Égypte » – tel est son titre- du 19 Juillet 2011, marque une prise de position claire et décidée de l’autorité religieuse sunnite suprême. Elle est constituée d’une introduction, et de dix points définissant les bases du futur état en Egypte. Elle rejette l’état théocratique, et soutient l’établissement d’un ‘état national, constitutionnel, démocratique, moderne’. Pour ce qui est de la religion, elle affirme : ‘pourvu que les principes globaux de la loi islamique soient la source et la base de la législation, tout en garantissant aux adeptes des autres religions divines le recours à leurs lois religieuses en ce qui regarde le statut personnel’. Cette déclaration contient une vision très positive, qui pourrait mener à une évolution ultérieure vers l’état moderne.
– L’engagement des chrétiens à joindre et soutenir les partis qui agissent pour l’établissement d’un état civil et démocratique. Nous n’avons pas et ne voulons pas de parti chrétien.
– Pour l’avenir, nous espérons l’installation de l’ordre et de la sécurité, la reprise des travaux et de l’industrie, la stabilité, de bonnes relations entre musulmans et chrétiens, l’application des beaux principes déclarés, une vie pacifique dans un état basé sur la citoyenneté, la liberté, l’égalité et la justice, et l’amélioration des conditions de vie.  

Pour terminer je voudrais rapporter le jugement d’un analyste politique. Il dit : « Les symboles du régime ont été écartés, mais le régime est persistant ». Et je conclus : pour le changer, nous avons besoin d’une autre révolution : la révolution de l’amour. MERCI.

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ZENIT Staff

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