L’Heure Sainte, telle qu’elle est célébrée à la Chapelle des Apparitions au soir du Jeudi Saint, ne se déroule pas comme les autres Heures Saintes. Il n’y a pas d’exposition du Saint-Sacrement. Les fidèles se rassemblent autour du Reposoir, où sont déposées les Saintes Espèces qui ont été consacrées au cours de la Célébration de la « Cène du Seigneur ». Il n’y a aucun chant ni de prières proposées. On lit le Chapitre 17 de l’Evangile de Jean, appelée « la prière sacerdotale du Christ ». Cette prière adressée à son Père a été dite, en effet, entre la « Cène » (Jean 13) et son Agonie à Gethsémani relatée par les autres évangiles.
Cette prière que Notre Seigneur fait monter vers son Père et notre Père, jaillit de son Cœur brûlant d’amour. La théologie traditionnelle n’hésite pas à affirmer qu’à cette Heure, nous étions chacun mystérieusement présent dans la Pensée et dans le Cœur de Jésus et que ses paroles nous « visaient » très personnellement. Pour ceux qui connaissent bien Paray-le-Monial, il serait intéressant de se souvenir de la belle mosaïque du tabernacle de la Chapelle de Saint-Claude La Colombière qui pourrait être considérée comme une illustration de cette prière sacerdotale du Christ. On y voit, en effet, Jésus, les yeux levés vers le Ciel, qui présente son Sacré Cœur au Père dans ses mains ouvertes. Et il s’offre, il nous offre, il offre le monde au Père.
I- Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit : « Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés ! Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. Je t’ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin l’œuvre que tu m’as donné de faire. Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j’avais auprès de toi, avant que fût le monde. J’ai manifesté ton nom aux hommes, que tu as tirés du monde pour me les donner. Ils étaient à toi et tu me les as donnés et ils ont gardé ta parole. Maintenant ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi ; car les paroles que tu m’as données, je les leur ai données, et ils les ont accueillies et ils ont vraiment reconnu que je suis sorti d’auprès de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé. C’est pour eux que je prie ; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi, et tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi, et je suis glorifié en eux. (Jean 17, 1-10)
II- Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. Père saint, garde-les dans ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous. Quand j’étais avec eux, je les gardais dans ton nom que tu m’as donné. J’ai veillé et aucun d’eux ne s’est perdu, sauf le fils de perdition, afin que l’Ecriture fût accomplie. Mais maintenant je viens vers toi et je parle ainsi dans le monde, afin qu’ils aient en eux-mêmes ma joie complète.
Je leur ai donné ta parole et le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Je ne te prie pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. (Jean 17, 11-19)
III- Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux. » (Jean 17, 26).
Il n’y a pas de bénédiction du Saint-Sacrement. La prière en silence, devant le reposoir, peut se prolonger jusqu’à minuit. Il peut être bon à ce moment là de méditer dans le silence de notre cœur le récit de l’Agonie de Notre Seigneur à Gethsémani. Nous en donnons ici la version selon l’Evangile de Matthieu.
Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani, et il dit aux disciples : « Restez ici, tandis que je m’en irai prier là-bas. » Et prenant avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à ressentir tristesse et angoisse. Alors il leur dit : « Mon âme est triste à en mourir, demeurez ici et veillez avec moi. » Etant allé un peu plus loin, il tomba face contre terre en faisant cette prière : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. » Il vient vers les disciples et les trouve en train de dormir ; et il dit à Pierre : « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi ! Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » A nouveau, pour la deuxième fois, il s’en alla prier : « Mon Père, dit-il, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » Puis il vint et les trouva à nouveau en train de dormir ; car leurs yeux étaient appesantis. Il les laissa et s’en alla de nouveau prier une troisième fois, répétant les mêmes paroles. Alors il vient vers les disciples et leur dit : « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer : voici toute proche l’heure où le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Voici tout proche celui qui me livre. » (Matthieu 26, 36-46)
A minuit, le prêtre dépose les Saintes Espèces dans le tabernacle prévu à cet effet.
L’assemblée quitte la Chapelle dans le silence.