Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes-Lourdes, offre cette année aux lecteurs de Zenit un récit de chaque apparition de la Vierge Marie à Lourdes, le jour anniversaire de chaque apparition. Voici le récit de l’apparition du mercredi 7 avril 1858.
Dix-septième apparition
« Le miracle du cierge »
Avec la fête de Pâques, le 4 avril, l’affluence à la Grotte n’a fait que s’amplifier. Plus de 5 000 personnes sont venues le lundi, au moins les deux tiers étant des « étrangers », ce qui, dans la mentalité locale et persistante, signifie qu’ils ne sont pas de Lourdes-même. Ceux-là surtout veulent voir Bernadette. Pour se protéger des indiscrets, la famille Soubirous accepte l’invitation de Blaise Vergez, l’ancien maire d’Adé, une commune voisin. Son rhumatisme avait disparu après usage de l’eau qui, désormais, coule abondamment à la Grotte. Il voulait donc remercier Bernadette.
Vergez envoie chercher les Soubirous qui passent à Adé la journée du 6 avril. Ils reviennent l’après-midi. Bernadette va consulter son confesseur, l’abbé Pomian. On ne sait ce qu’ils se disent mais le bruit court : Bernadette ira à la Grotte demain. Pour déjouer la vigilance du commissaire Jacomet, elle retourne à Adé le soir mais, le 7 au matin, vers les 5 heures, elle est effectivement à la Grotte. Comme toujours, elle porte un cierge. C’est celui que lui a confié Vergez, un très gros cierge pour dire toute sa reconnaissance.
Bernadette commence à réciter son chapelet mais, en fait d’apparition, celui qui survient est un médecin, le docteur Dozous. Il veillait sur la santé des pompiers, du petit séminaire de Saint-Pé et de l’hospice des sœurs. Il n’était pas spécialement croyant et, en tout cas, il ne se laisserait pas prendre par les « farces » de cette « drôlette » ! Cependant, il était déjà venu à la Grotte, car c’était un esprit curieux. Ce matin, il arrive, tout suant, et garde son chapeau, au grand scandale de l’assistance. Il explique qu’il craint d’attraper mal et qu’il est là pour étudier, scientifiquement, ce qui se passe à la Grotte.
Oublions un instant le médecin. Bernadette continue sa prière. Maintenant, elle voit : l’assistance s’en rend compte, car son visage change. Il ne reste pas figé, d’ailleurs, mais passe par toutes sortes d’expressions différentes, allant du rire aux larmes. La scène dure, peut-être plus que d’habitude. Le cierge offert par Vergez est trop lourd pour que la petite le tienne comme un cierge de procession. Elle l’appuie sur le sol et, pour qu’il tienne debout, l’entoure de ses mains. La prière se prolonge. Le cierge se consume. La flamme arrive à la hauteur des mains de Bernadette et, maintenant, lèche ses doigts.
Autour d’elle, on s’affole. Mais le médecin rentre en scène : il est là pour observer. Il veut voir ce qui va se passer. Pendant une dizaine de minutes, il constate que Bernadette semble ne rien sentir. Elle se lève et reprend le cierge d’une manière ordinaire. L’Apparition est toujours là. Quand elle finit par disparaître, Bernadette veut se retirer mais Dozous, lui, veut inspecter ses mains : aucune trace, aucune brûlure. Il a cette phrase, assez jolie dans sa modestie : « Je ne sais pas ce que tu vois, mais maintenant je crois que tu vois quelque chose ! »
Plus tard dans la journée, d’autres voudront vérifier si Bernadette ne serait pas devenue insensible au feu. Mais, avec sa vivacité coutumière, elle proteste : « Je me brûle ». Pendant ce temps-là, le docteur Dozous commence à diffuser la bonne parole, au Café français et au Petit Séminaire. Mais on ne le prend pas plus au sérieux dans un lieu que dans l’autre.
Ce petit événement a eu une grande importance dans l’histoire de Lourdes. Mais il est aussi riche de sens.
Il est important parce que les assistants ont tout-de-suite ciré au miracle. Pour l’origine de la source, on pouvait discuter : sur l’indication de la Vierge, Bernadette l’avait découverte mais elle existait, sans doute, avant, souterraine. Le « miracle du cierge », lui, apparaissait incontestable. En plus, le fait s’était produit sous contrôle médical : la présence des médecins est une des caractéristiques de Lourdes. Avant de déclarer l’authenticité des apparitions, l’évêque du temps, Mgr Laurence, soumettra les guérisons obtenues à une double instance médicale. C’est l’origine du Bureau des Constatations médicales et du Comité Médical International de Lourdes.
Mais il est curieux que les contemporains n’aient pas fait le rapprochement entre ce qui s’est passé et la date de l’événement : le 7 avril 1858 était le mercredi de Pâques, dans la grande semaine qui va de Pâques à Quasimodo. Or le symbole pascal par excellence, aujourd’hui comme hier, est le cierge, le gros cierge que le prêtre a allumé au feu nouveau, qui a précédé la procession pour entrer dans l’église, que le diacre a encensé et que l’on chante par l’Exultet.
Pendant que le cierge pascal pénètre dans l’église, il distribue sa flamme aux fidèles et, s’il y a des baptêmes, il la donnera aux nouveaux baptisés. Le cierge pascal et les cierges des fidèles illustrent les deux paroles de Jésus : « Je suis la lumière du monde » et « vous êtes la lumière du monde ».
Les apparitions de Lourdes s’inscrivent dans un cadre liturgique. Les deux premières, préparatoires, se situent juste avant le Carême. La quinzaine est tout entière incluse dans le Carême. C’est le jour de l’Annonciation que la Dame dit son nom : « Je suis l’Immaculée Conception. » C’est au temps de Pâques que se produit le « miracle du cierge ». et la dernière apparition se produira le jour d’une fête de la Vierge.
Bernadette n’est, ni un fakir, ni une fée, ni une sorcière. C’est une chrétienne, une vraie chrétienne c’est-à-dire une sainte, qui laisse passer la lumière : la lumière du cierge à travers ses doigts, la lumière du Ressuscité à travers sa vie.
Si vous voulez commémorer le « miracle du cierge », attendez le mercredi de Pâques : en 2014, le 23 avril.