ROME, Vendredi 24 octobre 2008 (ZENIT.org) – Quarante ans après l’approbation de la loi Fortuna-Baslini, jusqu’à quel point le divorce a-t-il transformé la société italienne ? Que reste-t-il du mariage et de la famille naturelle ? Quelles conséquences le divorce a-t-il sur les enfants et sur le tissu social ? Quelles lois faudrait-il adopter ? Comment les avocats peuvent-ils aider les couples en crise au lieu de les aider à divorcer ?
Un avocat italien, Massimiliano Fiorin, tente de répondre à ces questions dans un livre intitulé « La fabbrica dei divorzi. Il diritto contro la famiglia » (« La fabrique des divorces. Le droit contre la famille ») (Editions San Paolo, 304 pages, 18 Euro).
Massimiliano Fiorin, qui est aussi journaliste, exerce sa profession à Bologne où il est président de la Chambre civile. Zenit l’a interrogé. Nous publions ci-dessous la première partie de cet entretien.
Zenit – Le titre de votre livre est un titre fort. Pourquoi parlez-vous d’un mécanisme infernal des divorces ?
M. Fiorin – Le système des divorces, pas seulement en Italie, se base sur une contradiction et un renversement. Le divorce qui, selon la loi, devait être un remède extrême pour les crises familiales non résolubles autrement, est devenu dans la procédure judiciaire, un droit individuel sacro-saint. Non seulement il est reconnu et garanti, mais largement favorisé par rapport aux autres droits et devoirs liés au mariage.
Aujourd’hui, une épouse en crise peut obtenir une séparation rapide sans devoir fournir la moindre justification, sachant qu’elle peut en tirer des avantages économiques. Mais la société révèle en même temps une épouvantable carence en matière d’éducation à la vie familiale. Ainsi, on trouve de moins de moins de personnes qui savent résister aux sirènes du divorce, dès que leur mariage se révèle ce qu’il est, c’est-à-dire une aventure qui demande des efforts et des responsabilités.
Moyennant quoi les spécialistes du droit tendent aujourd’hui à considérer la séparation conjugale et le divorce plus comme des objectifs à atteindre, que comme de simples éventualités. Il est rare de les voir chercher à guider leurs assistés vers des solutions alternatives, plus respectueuses des intérêts des enfants mineurs, que tout le monde prétend pourtant, par de beaux discours, vouloir préserver.
Zenit – Dans les années soixante-dix le divorce a été présenté comme une mesure qui aurait garanti le progrès et le bonheur des hommes et des femmes. Vous, vous dites que c’est devenu un enfer. Qu’est-ce qui s’est passé durant ces trente dernières années ?
M. Fiorin – Dans le discours de la Montagne, selon la version de Matthieu, Jésus a enseigné que c’est aux fruits que l’on reconnaît les faux prophètes. Dans mon livre j’ai essayé de suivre ce conseil, et de montrer que les conséquences sociales du divorce de masse sont la preuve aujourd’hui qu’on était, dans les années 70, en présence d’une fausse prophétie.
La possibilité de divorcer librement ne nous a pas rendus plus libres, et encore moins heureux. On le voit au malaise social, économique, mais surtout psychologique que le divorce a répandu dans la société occidentale de façon endémique.
C’est ce que j’ai tenté de montrer dans mon livre, en partant des faits. Cette tendance au divorce se base sur une mauvaise conscience collective qui, partant de sa propre idéologie, tente de retirer certaines questions du débat public.
Zenit – Quelles conséquences le divorce entraîne-t-il au plan individuel, social, économique et démographique ?
M. Fiorin – Avec le divorce, les sociétés occidentales se sont retrouvées inondées par ce que l’on appelle des « océans de souffrance ». Ces quarante dernières années, et de façon épouvantablement accélérée ces dix dernières années, on assiste à des malaises sociaux, à des lacérations sociales, qui sont beaucoup plus profondes que ce que l’on est disposé à admettre.
Aujourd’hui, en Italie, les crimes liés à des faits de séparation ou de divorce sont probablement plus nombreux que ceux imputés à la criminalité organisée. Il y a des milliers de personnes, presque tous des pères séparés qui, à cause de leur séparation ont tout perdu, leur maison, leur travail, leurs enfants, et vivent au bord de l’indigence.
La crise de l’institution matrimoniale a par ailleurs contribué à l’hiver démographique. Aujourd’hui, la plupart des couples semblent ne pas vouloir plus d’un enfant, et pas avant 35 ans. Ceci pourrait conduire rapidement toute l’Europe à une crise de civilisation, ou du moins porter notre système de welfare à un degré insoutenable. Et il ne s’agit là que des retombées économiques les plus immédiates. Mais en réalité, c’est l’absence forcée du père au sein des familles qui a causé les problèmes les plus dévastateurs à plus ou moins long terme, spécialement aujourd’hui, alors que la première génération d’enfants issus du divorce de masse est devenue adulte.
Les Etats-Unis, qui ont été les premiers à connaître les conséquences du « no-fault divorce » (c’est-à-dire la possibilité de divorcer facilement et sans faute), ont mené des études sociologiques et statistiques qui démontrent toutes que l’absence du père au sein de la famille, durant l’enfance et l’adolescence d’un enfant, en raison d’un divorce, est un facteur de déviance sociale beaucoup plus récurrent que tous les autres.
A commencer par les retards et les abandons scolaires, pour arriver à la dépression, l’alcoolisme et la toxicomanie, jusqu’au chômage et à la marginalisation sociale. Et ainsi de suite jusqu’aux cas plus graves de suicide et de criminalité. Avoir grandi sans un père à la maison est le facteur qui, statistiquement, revient toujours, parmi les échantillons de population qui se trouvent impliqués dans ces problèmes.
Propos recueillis par Antonio Gaspari
Traduit de l’italien par Isabelle Cousturié