Illustration de la parabole du jeune homme riche © valtorta.fr

Illustration de la parabole du jeune homme riche © valtorta.fr

Abandonner nos richesses pour recevoir celles du Christ, par Mgr Follo

Méditation des lectures du 28e dimanche du Temps Ordinaire

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XXVIIIe dimanche du temps ordinaire – Année B – 13 octobre 2024

Jg 7, 7-11; Ps 89; Hb. 4,12 – 13; Mc. 10,17 – 30

 

1) Suivre le Christ pour répondre à son amour

A mon avis, le thème principal abordé par l’Évangile d’aujourd’hui est : suivre Jésus n’importe où qu’il aille et quoi qu’il demande. Le Christ, qui s’offre comme amour primaire et totalisant, répond à l’homme riche demandant le bonheur pour toujours, en faisant une requête ou bien en proposant la vocation d’appartenance à Dieu, en donnant toutes ses richesses aux pauvres. À la suite de cette réponse de Jésus, l’homme devient triste et s’en va. C’est pourquoi Jésus nous apprend que la richesse détourne l’homme du désire d’entrer en communion avec Dieu. Or, tout est possible avec Dieu car qui suit le Christ a et aura une nouvelle famille, plus grande et plus riche. Cela nous emmène à la vraie récompense, à la vie éternelle dans le futur, celle que l’homme riche avait demandé à Jésus.

Le Christ continue à nous inviter à rester avec Lui toujours, mais sommes-nous disponibles à l’accueillir dans notre existence ?

Jésus, Dieu, qui s’offre comme amour primaire et totalisant, qui doit occuper toute la vie, peut être rejeté et refusé. Est-il possible de refuser l’offre d’être aimés et d’aimer, surtout si cette offre vient de Dieu ?

Comment nous pouvons éviter de dire « non » à cet amour exigent et refuser de suivre l’Amour pauvre qui nous rend riches et libres ? En vivant les commandements comme indications d’amour, en allant au-delà de leur exécution littérale.

Dans le récit de l’Evangile de ce dimanche nous voyons de nouveau le Christ sur le chemin de Jérusalem et, aujourd’hui encore, nous assistons à une rencontre du Messie avec une personne qui ne veut pas ouvrir une polémique avec Lui. Cet homme est riche mais, bien qu’il soit jeune, il savait qu’il aurait dû abandonner ses richesses. « Je crois qu’il vint appelé dans une sorte de jugement par la peur de la mort et rongé au milieu de ses délices, en pensant devoir quitter ses biens. Il les avait amassés, sans même savoir pour qui, et il désirait quelque chose d’éternel » (Saint Augustin). Donc en voyant que tout ce qu’il possédait lui échappait des mains, il demanda au Seigneur : « Bon Maître, que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ?», comme s’il disait : « Je pourrais être bien, mais tout ce que je possède peut facilement disparaître. Dis-moi comment je peux prendre possession de ce qui sera à jamais ; dis-moi comment je peux prendre possession de ce que je ne perdrai jamais » (Id.).

C’est ainsi que ce jeune homme riche court à la rencontre de Jésus, se met à genoux devant Lui et, à celui qui est le Chemin, demande le sens, la direction de la vie.

Le Christ lui répond en citant certains des Dix Commandements, ceux aillant une signification de par leur dimension sociale, et qui concernent l’amour du prochain, banc de preuve de l’amour de Dieu : « Connais les commandements : ne pas tuer, ne pas commettre d’adultère, ne pas voler, ne pas faire de faux témoignages, ne pas frauder, honore ton père et ta mère … ».

Le jeune homme répond qu’il a respecté ces commandements. Jésus lui propose alors d’aller plus loin, et de rendre l’amour pour Dieu plus radical et profond, en mettant cet amour à la première place parmi les valeurs de la vie, suggérant : « Vas, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens, suis-moi ».

L’exigence clé pour suivre Dieu et de Lui donner la primauté, le reste n’est qu’un plus. On peut avoir ou non des richesses, mais il est nécessaire que le cœur ne soit totalement lié, absorbé par les richesses, par les biens de la terre. Il faut désirer ce « trésor qui est dans le ciel ». Le cœur de l’homme, comme Saint Augustin l’enseigne, est fait pour Dieu, et c’est vers Lui qu’il doit aspirer, tout en se « servant » de réalités temporelles. Alors laissons le Seigneur pénétrer dans nos cœurs avec l’épée de Sa parole, parce qu’à la lumière de Sa sagesse nous pouvons évaluer les choses terrestres et éternelles, et devenir libres et pauvres pour Son royaume. (Prière de la messe d’aujourd’hui).

Jésus invite ce jeune homme et ses disciples, y compris nous, à le suivre pour la totalité du voyage avec une rigueur qui est sans précédent. Dans un récit similaire à celui de Saint-Marc, l’évangéliste Luc écrit : « Alors qu’il était en chemin, sur la route, un homme lui dit : « Je te suivrai partout où tu iras ». Jésus lui dit : « Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l’homme n’a pas où poser sa tête » … Un autre Lui dit : « Je te suivrai, Seigneur, mais d’abord permets-moi de prendre congé de ma maison ». Jésus lui répondit : « Quiconque regarde en arrière, tout en mettant la main à la charrue, n’est pas apte au royaume de Dieu » (Lc 9, 57-58 … 61-62.).

En effet, suivre le Christ signifie en fait d’être prêt à vivre quelque chose de plus que le « tu ne voleras pas », « Tu ne tueras point », etc. Outre le fait de ne pas commettre le mal, nous devrions nous poser la question de savoir comment bien faire et surtout comme « être » de vraies personnes dans l’amour.

Jésus avait déjà annoncé que pour sauver sa vie il fallait être prêt à la perdre pour et par son amour – C’est à dire : pour Le suivre il est nécessaire de se renier et prendre sa propre croix (Mc 8,34 – 35).

 

2) Suivre avec les yeux, suivre avec les pieds, suivre avec le cœur

Le regarde de Jésus se fixe sur l’homme riche qui lui demande le bonheur d’une vie éternelle. Combien de fois on rencontre ce regarde dans l’évangile, un regarde qui cherche (Mc, 5,32), qui touche, qui s’indigne, invoque, reproche, observe. Avec ces mots Marc nous donne le sens profond du regarde de Jésus qui semble ne pas vouloir se détourner de cet homme, un regarde plein d’amour.

Ce regarde est au milieu entre le dialogue et la proposition finale. Ce dialogue commence par une requête, celle d’avoir une vie éternelle et de savoir quoi faire alors qu’il exprime les limites d’une religiosité fondée sur le respect. La proposition est de laisser tout pour suivre le Seigneur. Et voilà, Marc nous montre la profondeur du regarde du seigneur qui est un tournant entre la requête et la proposition, introduit une dimension toute nouvelle entre le besoin de faire et le devenir disciples : la communion.

« Un regarde qui nous emmène en haut, jamais il ne te laisse, hein ? jamais. Il ne te baisse jamais, il ne t’humilie jamais. Il t’invite à te lever. Un regarde qui te fait grandir, avancer, qui t’encourage, car il t’aime bien. Il te fait ressentir qu’il t’aime bien » (Pape François 21.09.2013).

L’homme riche qui est allé chez le Christ était authentique et c’est un regard plein d’amour qu’il obtint de la part de Jésus. Avec ce regard c’est comme si le Christ lui disait : « Une seule chose te manque, et elle est décisive pour toi. Renonce à posséder, investis dans le trésor du ciel, et ton cœur sera libre et tu pourras me suivre. Mais ni le regard, ni les paroles de Jésus n’eurent d’effets. Cet homme, certes attristé, a cependant préféré retourner à la sécurité que la richesse lui procurait. Il n’a pas pu ou voulu comprendre qu’il lui était offert un bien incomparablement plus précieux et autrement plus durable que toutes ses richesses : l’amour du Christ qui communique la plénitude de Dieu (Eph 3,18 à 19). Au lieu d’accepter la proposition de communion qui était implicite dans la demande du Christ à le suivre, cet homme a choisi la solitude.

Pourtant, le Christ l’avait regardé avec amour. Jésus regarda le riche et le regard de Jésus était comme une caresse, un baiser … baiser que le maître donnait au disciple usuellement, au temps de Jésus, comme dans le cas de Judas (Mc 14,45 et par.). Nous pourrions interpréter ce regard comme saint Bède le Vénérable l’a fait en commentant le regard de Jésus sur le publicain Matthieu (cf. Mt 9,9 : « Jésus vit un publicain, lui fit miséricorde, et l’appela en lui disant : « Suis-moi » (Homélies 21, CCL 122,150). Jésus ne lui a pas dit : « Tout va bien, mais si tu veux faire quelque chose de plus, vas vendre tes biens … », mais : « Il te manque une chose, laisse tout et suis-moi » (Mc 10,21). Voilà où Jésus avait apporté le jeune homme avec son regard empli d’amour miséricordieux. Malheureusement, cet homme ne crut pas à ce regard et à ces paroles. Il devint triste et se retira vers l’arrière (cf. Mc 10, 22). Il ne crut pas à ce regard, il ne crut pas à cet amour et n’a pas été capable de le suivre avec les pas du cœur.

Ce jeune homme riche n’eut pas eu le courage d’embrasser le Christ et sa proposition de vie évangélique, et la raison est clairement indiqué : « Parce qu’il avait de grands biens. ». Le détachement des biens, la pauvreté, est une condition indispensable pour suivre le Christ ; et cela pour trois raisons :

  1. La foi en Dieu qui est Père providentiel, qui se souciant des oiseaux et des lis des champs, il a encore plus soin de chacun de nous.
  2. Une exigence de fraternité : comment peut-on continuer à posséder tout ce que l’on a, quand on remarque que tout autour de nous il y a des frères qui manquent du nécessaire ?
  3. Une exigence de liberté. Nous sommes liés à trop de choses (et il ne s’agit pas seulement de l’argent) qui absorbent tout notre temps et notre attention, comment pouvons-nous alors trouver l’espace et le goût pour les choses de Dieu ?

Ces trois raisons peuvent être résumées en un mot : la virginité, que Jacopone de Todi appela : pauvreté amoureuse (povertà innamorata).

 

3) La virginité : la pauvreté de soi pou la plénitude de Dieu

La virginité est « la pauvreté amoureuse qui permet d’avoir toute chose dans un esprit de liberté » (Jacopone de Todi, O amor de povertate). La virginité est la modalité d’accueillir le regard et l’amour du Christ sur soi-même, en Le suivant inconditionnellement, sans demander de garanties ou avoir des voies de fuite. Une vierge consacrée laisse tout, même sa propre chair pour suivre Jésus, sans nostalgie et sans hésitation, sur le Chemin qu’il est, Lui. Le détachement nécessaire est un gain, une bonne affaire, non pas une perte. Et cela est profondément vrai, même d’un point de vue tout simplement humain : dans la sobriété de ces biens que l’Evangile appelle richesses on trouve la possibilité d’autres biens beaucoup plus importants et humains, essentiels pour l’homme comme l’air que nous respirons : le temps offert à Dieu, la joie de la fraternité, la libération de l’angoisse de la possession, la liberté, la sérénité.

Celle qui, par la virginité, met Dieu en premier dans sa vie, devient une partie de Sa « famille », où elle trouve des frères et des sœurs, des pères et des mères à vénérer, des maisons et des champs où travailler. Elle trouve l’amour. La virginité n’est pas une négation de l’amour, elle est la plénitude et la totalité de l’amour. C’est pour cela que le Rituel de la consécration des Vierges demande de prier ainsi : « Ferventes dans l’amour, ne préférant absolument rien à ton amour » (Prière de consécration des vierges, dans le Pontifical romain, réformée conformément aux décrets du Concile Vatican II et promulgué par le Pape Paul VI, Consécration des Vierges, Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican 1980, n. 38, p. 77).

 

Lecture patristique

Saint Jean Chrysostome (+ 407)

Homélie sur le débiteur de dix mille talents, 3,

PG 51, 21.

 

Perdre pour gagner

En réponse à la question que lui posait un homme riche, Jésus avait révélé comment on peut parvenir à la vie éternelle. Mais l’idée d’avoir à abandonner ses richesses rendit cet homme tout triste, et il s’éloigna. Alors Jésus déclara : Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu (Mc 10,25).

A son tour, Pierre s’approche de Jésus. Lui qui s’est dépouillé de tout en renonçant à son métier et à sa barque, ne possède même plus un hameçon. Et il pose cette question à Jésus : Mais alors, qui peut être sauvé (Mc 10,26)?

Remarque la réserve et le zèle du disciple. Il n’a pas dit : « Tu ordonnes l’impossible, ce commandement est trop difficile, cette loi est trop exigeante. » Il n’est pas non plus resté silencieux. Mais, sans manquer au respect qu’un disciple doit à son Maître, il a dit : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » montrant par là combien il était attentif aux autres. C’est qu’avant même d’être le pasteur, il en avait l’âme. Avant d’être investi de l’autorité, il possédait le zèle qui convient à un chef, puisqu’il se préoccupait de la terre entière.

Un homme riche, propriétaire d’une fortune considérable, aurait probablement demandé cela par intérêt, par souci de sa situation personnelle et sans penser aux autres. Mais Pierre, qui était pauvre, ne peut être soupçonné d’avoir posé sa question pour de pareils motifs. C’est le signe qu’il se préoccupait du salut des autres, et qu’il désirait apprendre de son Maître comment on y parvient. D’où la réponse encourageante du Christ : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu » (Mc 10,27). Il veut dire : « Ne pensez pas que je vous laisse à l’abandon. Moi-même, je vous assisterai dans une affaire aussi importante, et je rendrai facile et aisé ce qui est difficile. »

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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