L’Assemblée du Conseil de l’Europe encourage les « aménagements raisonnables » et dénonce l’intolérance et les discriminations à l’encontre des chrétiens, décrypte Christophe Foltzenlogel, juriste au Centre européen pour la loi et la justice (ECLJ, European Centre for Law and Justice).
L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) votait ce jeudi 29 janvier 2015 une Résolution pour « Combattre l’intolérance et la discrimination en Europe, notamment lorsqu’elles visent les chrétiens » (Doc.13660).
D’un esprit pluraliste et tolérant, le texte adopté par 67 voix contre 2 vise principalement à rappeler que si les minorités religieuses en Europe sont victimes de discriminations et de l’intolérance, les chrétiens sont eux aussi victimes d’attaques et de haine, sans être pour autant aussi bien protégés.
L’objet de ce texte était donc de rappeler l’égalité des droits de toutes les confessions.
Les chrétiens subissent deux principales injustices selon le rapporteur du texte, Valeriu Ghiletchi (moldave, Parti Populaire Européen (PPE)). Des actes de vandalisme, dont ils sont les premières victimes : cimetières dégradés, églises vandalisées, prêtres agressés et foi moquée. De nombreuses atteintes physiques et matérielles sont aussi recensées dans l’exposé des motifs. Le texte dénonce aussi les restrictions abusives imposées à la liberté de conscience et d’expression des chrétiens: des évêques sont jugés pour des homélies défavorables au mariage entre personnes de même sexe (Belgique, Irlande et Espagne), des infirmières sont obligées de pratiquer des avortements contre leur conscience (Norvège), des conférences et séminaires sont interdits (Autriche, Royaume-Uni), des officiers de l’état-civil sont contraints de marier des couples de même sexe (Royaume-Uni, Pays-Bas), ou encore des parents allemands sont condamnés à des amendes et même à des peines de prison pour avoir retiré leurs enfants de cours d’éducation sexuelle. Le rapporteur cite de nombreux cas, affaires et témoignages à travers l’Europe de ces atteintes répétées à la liberté de conscience et de religion. Un consensus s’est très largement dégagé à l’APCE sur ce constat objectif. Le rapport a été qualifié « d’équilibré » par le socialiste M. Gunnarsson et de « travail magnifique » par la députée espagnole du PPE, Mme Quintanilla.
Les amendements, adoptés en séance, rappellent le droit pour les communautés religieuses d’être reconnues légalement et de publier des ouvrages spirituels. La Turquie est particulièrement visée par ces amendements, car elle ne reconnaît toujours pas l’existence de l’Eglise catholique et d’autres confessions chrétiennes, en particulier les Syriaques et les églises protestantes, ce qui constitue de véritables obstacles à la liberté religieuse.
Un seul amendement s’inquiétait de l’application des « accommodements raisonnables » et proposait de « veiller à ce que les convictions religieuses ne servent à justifier des discriminations envers une quelconque minorité. » Par exemple, d’aucuns craignent qu’en autorisant l’objection de conscience pour les médecins, les femmes souhaitant avorter pourraient ne plus en trouver un qui accepte de pratiquer un tel acte. Mais comme le rapporteur l’explique dans son exposé des motifs, le fait qu’environ 80 fonctionnaires chrétiens aux Pays-Bas refusent depuis 2001 de marier des couples de même sexe n’a jamais privé ces couples dans les faits d’être mariés, car des solutions ont toujours été trouvées.
La doctrine des accommodements raisonnables est relativiste et place le « vivre-ensemble » au sommet de ses valeurs.
La doctrine des accommodements raisonnables recommande de tolérer, autant que possible, l’expression dans l’espace public des diverses convictions idéologiques et religieuses. Là où le concept de « laïcité à la française » se montre très strict pour limiter la présence de la religion dans l’espace public et y assurer le monopole de la pensée laïque, la théorie des accommodements raisonnables postule que dans un contexte multiculturel, il faut faire preuve de souplesse et de respect envers les convictions de tous, de manière à ce que chacun se sente reconnu et puisse vivre selon la philosophie ou sa religion, pour autant que ces dernières respectent les valeurs de la démocratie.
Si Monsieur Kox, de la gauche unitaire a pu se dire « pas convaincu » par le texte, un seul député s’y est véritablement opposé. Il s’agit du Français Yves Pozzo di Borgo qui s’est fait l’apôtre de la « laïcité française ». Mais il ne fut pas soutenu : le seul amendement « laïque », déposé d’ailleurs par cinq français, ne fut pas même soumis au vote faute de député pour le défendre. Preuve que la pensée laïque française demeure largement étrangère au reste de l’Europe.
Enfin, il peut être souligné qu’un tiers des députés a soutenu un amendement hostile à la Cour européenne des droits de l’homme, et tendant à retirer toute référence à sa jurisprudence dans l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme en matière de droit des parents à éduquer leurs enfants conformément à leurs convictions.
Ainsi, à travers le vote de cette Résolution, un signal n’est pas seulement envoyé aux gouvernements pour qu’ils prennent mieux en compte la liberté religieuse, il est aussi envoyé à la Cour et à sa jurisprudence de plus en plus détachées de l’esprit de la Convention.