Le cardinal Parolin affirme que “de vrais changements” sont nécessaires dans un monde post-Covid et que l’ancien modèle n’est plus valide: “Nous devons … être capables d’accepter de vrais changements, de faire certains sacrifices, a-t-il déclaré. Nous ne pouvons pas continuer à avoir le même train de vie en exploitant notre monde comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant. C’est ce changement qui nous permettra de parvenir à une vie heureuse.”
C’est ce que le secrétaire d’État du Saint-Siège a dit au cours d’un entretien exclusif avec le quotidien français La Croix, publié le 11 juillet 2021, quelques jours après sa visite à Strasbourg. Le cardinal s’est prononcé sur divers sujets, dont les relations entre la France et le Saint-Siège et les réformes de la Curie romaine, mais il a aussi abordé les questions des abus sexuels et de la bioéthique.
Sur la loi de bioéthique qui vient d’être adoptée en France, le cardinal Parolin estime qu’ « il est important que les catholiques puissent faire entendre leur voix, avec des arguments qui s’appuient sur leur foi, y compris dans des débats aussi sensibles ». Et « ce même si la loi a déjà été adoptée, précise-t-il au correspondant de La Croix, Loup Besmond de Senneville, car ils le font au nom de la défense de la dignité et de la valeur de chaque vie humaine ».
En ce qui concerne le travail, en France, de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique qui doit bientôt rendre ses conclusions, le cardinal admet que ce « sera probablement un grand moment de souffrance ». « Mais on ne doit pas avoir peur de la vérité », affirme-t-il. Le numéro 2 du Vatican dit savoir « que beaucoup de catholiques vont être très peinés et scandalisés de ce qu’ils vont lire ». « Mais nous devons traverser cette épreuve. De là peut venir une nouvelle conscience pour lutter contre ces phénomènes et pour prévenir la répétition de ces actes. »
Saint-Siège/France : « préoccupations communes », « quelques divergences »
Le cardinal souligne que les relations entre la France et le Saint-Siège « sont positives » et « les contacts aux différents niveaux sont très fréquents ». « Nous partageons des préoccupations communes, comme l’écologie, qui est devenue un thème central de l’activité internationale du Saint-Siège, ainsi que la gestion de la pandémie, dit le secrétaire d’État. Mais nous avons aussi quelques divergences, comme la question du désarmement ou le nucléaire. »
En ce qui concerne un éventuel voyage du pape François en France, le cardinal explique qu’il n’est « pas capable de donner une date », mais qu’« il y a un projet » et que « le pape a déjà dit son intérêt à Emmanuel Macron ». « J’espère que cela pourra se faire le plus tôt possible, car la France mérite une visite du Saint-Père », souligne le secrétaire d’État.
Le cardinal Parolin aborde également la question de la laïcité, « un sujet très sensible en France », précisant que « la laïcité à la française a des caractéristiques que l’on ne retrouve nulle part ailleurs », liées à l’histoire du pays, « et notamment à la Révolution française, mais aussi aux différentes étapes qui ont conduit à la séparation des Églises et de l’État, et parfois à un fort refus de la religion ».
« Tous ces épisodes ont laissé des traces et contribué à marginaliser la dimension religieuse dans la vie sociale, affirme le cardinal. Ce n’est pas bon. » Il souligne que l’Église comme l’État peut apporter sa contribution « au bien commun » : « L’idéal est toujours d’avoir à la fois une autonomie de la communauté politique par rapport à l’Église et une saine collaboration entre elles. L’Église et l’État ont pour but commun de contribuer au bien commun. »
La Curie : « commencer à vivre la réforme »
Le cardinal Parolin explique que « de très nombreuses réformes ont été faites depuis le début du pontificat » du pape François au Vatican. « Il s’agit maintenant, pour nous, de commencer à vivre la réforme », affirme-t-il.
Au Vatican, ajoute-t-il, « il y a une volonté réelle » de faire en sorte que la Curie « soit un instrument au service du Saint-Père pour le bien de l’Église ». « Nous devons désormais éviter tout ce qui a pu obscurcir l’image de ses services dans le passé. Nous avons donc une grande responsabilité », souligne le cardinal.
Présentement, une nouvelle constitution est examinée « par les canonistes », indique le secrétaire d’État. Ce texte « a pour objectif de donner un cadre cohérent à toutes les réformes déjà entreprises ».
Pour ce qui est du procès sur l’investissement immobilier à Londres, le cardinal Parolin estime qu’il sera un moment « de vérité judiciaire » : « La vraie vérité, c’est le Seigneur qui la connaît, note-t-il. La vérité établie devant le tribunal est une vérité humaine. Mais j’espère vraiment qu’elle pourra émerger au cours de ce procès, pour le bien de tous. »
Il ne considère pas ce procès comme « un tournant » dans l’histoire du Vatican : « Le tournant, ce sont plutôt les réformes qui ont été faites depuis plusieurs années. Le changement est là. Ce procès est plutôt la conséquence des réformes antérieures. »