Le pape et les jeunes : rencontre du jeudi 6 avril

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ROME, Lundi 10 avril 2006 (ZENIT.org) – Jeudi dernier, 6 avril, le pape Benoît XVI a rencontré les jeunes de Rome et du Latium, place Saint-Pierre, en préparation à la Journée mondiale de la Jeunesse qui avait lieu cette année dans les diocèses, le dimanche des Rameaux. Au cours de la rencontre, cinq jeunes ont posé des questions au pape, sur la parole de Dieu, la vie affective et le mariage, les défis que les jeunes doivent relever aujourd’hui, la vocation consacrée, le rapport entre la foi et la science. Nous publions ci-dessous le dialogue entre le pape Benoît XVI et les jeunes.

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1. Sainteté, je m’appelle Simon, de la paroisse « San Bartolomeo », j’ai 21 ans et je fais des études d’ingénierie chimique à l’Université « La Sapienza » de Rome.
Avant tout, merci encore de nous avoir adressé le Message pour la XXIe Journée mondiale de la Jeunesse sur le thème de la Parole de Dieu qui illumine les pas de la vie de l’homme. Face aux préoccupations, aux incertitudes quant à l’avenir, ou encore lorsque je me retrouve simplement face à la routine quotidienne, je ressens moi aussi le besoin de me nourrir de la Parole de Dieu et de mieux connaître le Christ, afin de trouver des réponses à mes questions. Je me demande souvent ce que ferait Jésus s’il était à ma place dans une situation précise, mais je n’arrive pas toujours à comprendre ce que me dit la Bible. De plus, je sais que les livres de la Bible ont été écrits par des personnes différentes, à des époques différentes, toutes très éloignées de moi. Comment puis-je reconnaître que ce que je lis est la Parole de Dieu qui interpelle ma vie ? Merci.

Je réponds en soulignant déjà un premier point : il faut dire avant tout que les Saintes Ecritures n’est pas à lire pas comme un livre d’histoire quelconque, comme nous lisons, par exemple, Homère, Ovide, Horace; il faut la lire réellement comme la Parole de Dieu, c’est-à-dire en instaurant un dialogue avec Dieu. Il faut avant tout prier, parler avec le Seigneur : « Ouvre-moi la porte ». C’est ce que dit souvent saint Augustin dans ses homélies : « J’ai frappé à la porte de la Parole pour trouver finalement ce que le Seigneur veut me dire ». Cela me semble un point très important. On ne lit pas les Ecritures selon les méthodes de l’université, mais en priant et en disant au Seigneur: « Aide-moi à comprendre ta Parole, ce que tu veux me dire dans cette page ».

Un second point est : les Saintes Ecritures introduisent à la communion avec la famille de Dieu. On ne peut donc pas lire seul les Saintes Ecritures. Certes, il est toujours important de lire la Bible de façon très personnelle, dans un dialogue personnel avec Dieu, mais en même temps, il est important de la lire en compagnie des personnes avec lesquelles on chemine, se laisser aider par les grands maîtres de la « Lectio divina ». Nous avons, par exemple, tant de beaux livres du cardinal Martini, un véritable maître de la « Lectio divina », qui aide à entrer dans le vif des Saintes Ecritures. Il connaît bien toutes les circonstances historiques, tous les éléments caractéristiques du passé, mais il cherche toujours à ouvrir également la porte pour montrer que des paroles appartenant apparemment au passé sont également des paroles du présent. Ces maîtres nous aident à mieux comprendre et également à apprendre comment bien lire les Saintes Ecritures. Il est ensuite généralement opportun de la lire en compagnie des amis qui cheminent avec nous et qui cherchent, avec nous, comment vivre avec le Christ, quelle est la vie qui nous vient de la Parole de Dieu.

Troisième point: s’il est important de lire les Saintes Ecritures aidés par les maîtres, accompagnés par les amis, les compagnons de route, il est important en particulier de la lire en compagnie du Peuple de Dieu en pèlerinage, c’est-à-dire dans l’Eglise. Les Saintes Ecritures ont deux sujets. Tout d’abord le sujet divin : c’est Dieu qui parle. Mais Dieu a voulu faire participer l’homme à sa Parole. Alors que les musulmans sont convaincus que le Coran est inspiré oralement par Dieu, nous croyons que pour les Saintes Ecritures, la synergie, comme le disent les théologiens, est caractéristique; la collaboration de Dieu avec l’homme. Celui-ci implique son peuple à travers sa Parole et ainsi, le deuxième sujet — le premier sujet étant, comme je l’ai dit, Dieu — est humain. Il y a des écrivains individuels, mais la continuité d’un sujet permanent, le Peuple de Dieu qui marche avec la Parole de Dieu et qui est en dialogue avec Dieu. En écoutant Dieu, on apprend à écouter la Parole de Dieu et puis également à l’interpréter. Et ainsi, la Parole de Dieu devient présente, car les personnes individuelles meurent, mais le sujet vital, le Peuple de Dieu, est toujours vivant, et est identique au fil des millénaires : c’est toujours le même sujet vivant, dans lequel vit la Parole.

Ainsi s’expliquent également de nombreuses structures des Saintes Ecritures, en particulier ce que l’on appelle la « relecture ». Un texte ancien est relu dans un autre livre, par exemple cent ans plus tard, et alors, on comprend pleinement ce qui n’était pas encore perceptible à cette époque, même si cela était déjà contenu dans le texte précédent. Et il est relu encore une nouvelle fois, plus tard, et une fois de plus, on comprend d’autres aspects, d’autres dimensions de la Parole. C’est ainsi, dans cette relecture et réécriture dans le cadre d’une continuité profonde, tandis que se succédaient les temps de l’attente, que se dont développées les Saintes Ecritures. Enfin, avec la venue du Christ et l’expérience des apôtres, la parole est devenue définitive, de sorte qu’il n’y a plus de réécritures, mais des approfondissements de notre compréhension continuent d’être nécessaires. Le Seigneur a dit : « L’Esprit Saint vous introduira dans une profondeur que vous ne pouvez pas comprendre à présent ».

La communion de l’Eglise est donc le sujet vivant des Ecritures. Mais à présent également, le sujet principal est le Seigneur lui-même, qui continue à parler dans les Ecritures qui sont entre nos mains. Je pense que nous devons apprendre ces trois éléments: lire dans un dialogue personnel avec le Seigneur; lire accompagnés par des maîtres qui ont l’expérience de la foi, qui sont entrés dans les Saintes Ecritures; lire au sein de la grande communauté de l’Eglise, dans la Liturgie de laquelle ces événements deviennent toujours à nouveau présents, dans laquelle le Seigneur parle à présent avec nous, afin que nous entrions toujours plus dans les Saintes Ecritures, dans lesquelles Dieu parle réellement avec nous aujourd’hui.

2. Très Saint-Père, je m’appelle Anna, j’ai 19 ans, je fais des études de littérature et je fais partie de la paroisse « Santa Maria del Carmelo ». L’un des problèmes auxquels nous sommes le plus confrontés est le problème affectif. Nous avons souvent des difficultés à aimer. Oui, des difficultés : car il est facile de confondre l’amour avec l’égoïsme, en particulier aujourd’hui, où une grande partie des médias nous impose presque une vision de la sexualité individualiste, sécularisée, où tout semble permis, et tout est autorisé au nom de la liberté et de la conscience des personnes. La famille fondée sur le mariage semble désormais n’être plus qu’une invention de l’Eglise, sans parler des relations avant le mariage, dont l’interdiction apparaît même à un grand nombre d’entre nous, croyants, comme une chose incompréhensible ou hors du temps… Sachant qu’un grand nombre d’entre nous essayent de vivre leur vie affective de façon responsable, pourriez-vous nous expliquer ce que la Parole de Dieu dit à ce propos ? Merci.

Il s’agit d’une question importante et y répondre en quelques minutes n’est certainement pas possible, mais je vais essayer de dire quelque chose. Anna elle-même a déjà apporté des
réponses lorsqu’elle a dit qu’aujourd’hui, l’amour est souvent mal interprété dans la mesure où il est présenté comme une expérience égoïste, alors qu’en réalité, il s’agit d’un abandon de soi qui permet de se trouver. Elle a également dit qu’une culture de la consommation fausse notre vie en raison d’un relativisme qui semble tout nous permettre, mais qui en réalité nous vide. Mais alors, écoutons la Parole de Dieu à ce propos. Anna voulait savoir à juste titre ce que la Parole de Dieu dit à ce sujet. Pour ma part, je trouve très beau que dès les premières pages des Saintes Ecritures, immédiatement après le récit de la Création de l’homme, nous trouvions la définition de l’amour et du mariage. L’auteur sacré nous dit « Ainsi donc, l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair, une seule existence ». Nous sommes au début et nous trouvons déjà une prophétie de ce qu’est le mariage ; et cette définition demeure identique également dans le Nouveau Testament. Le mariage signifie suivre l’autre dans l’amour et devenir ainsi une seule existence, une seule chair, et donc inséparables ; une nouvelle existence qui naît de cette communion d’amour, qui unit et crée ainsi également l’avenir. Les théologiens du moyen âge, en interprétant cette affirmation qui se trouve au début des Saintes Ecritures, ont dit que le mariage a été le premier des sept Sacrements institué par Dieu, ayant été déjà institué au moment de la création, au Paradis, au début de l’histoire, et avant toute histoire humaine. Il s’agit d’un sacrement du Créateur de l’univers, et donc inscrit précisément dans l’être humain lui-même, qui est orienté vers ce chemin, dans lequel l’homme abandonne ses parents et s’unit à sa femme pour former une seule chair, afin que les deux ne deviennent qu’une seule existence. Le sacrement du mariage n’est donc pas une invention de l’Eglise, il a réellement été «co-créé» avec l’homme en tant que tel, en tant que fruit du dynamisme de l’amour, dans lequel l’homme et la femme se trouvent mutuellement et trouvent ainsi également le Créateur qui les a appelés à l’amour. Il est vrai que l’homme est tombé et a été chassé du Paradis, ou, en d’autres termes, plus modernes, il est vrai que toutes les cultures ont été souillées par le péché, par les erreurs de l’homme dans son histoire, et ainsi, le dessein initial inscrit dans notre nature apparaît obscurci. En effet, dans les cultures humaines, nous trouvons cet obscurcissement du dessein originel de Dieu. Dans le même temps, toutefois, en observant les cultures, toute l’histoire culturelle de l’humanité, nous constatons également que l’homme n’a jamais pu totalement oublier ce dessein qui existe dans la profondeur de son être. Il a toujours su, en un certain sens, que les autres formes de relations entre l’homme et la femme ne correspondaient pas réellement au dessein originel de son être. Et ainsi, dans les cultures, en particulier dans les grandes cultures, nous constatons toujours qu’elles s’orientent vers cette réalité, la monogamie, l’homme et la femme ne faisant qu’une seule chair. Ainsi, c’est dans la fidélité que peut grandir une nouvelle génération, que peut se poursuivre une tradition culturelle, se renouvelant et réalisant, dans la continuité, un progrès authentique.

Le Seigneur, qui a parlé de cela dans la langue des prophètes d’Israël, en évoquant la permission de divorcer de la part de Moïse, a dit : « C’est en raison de votre dureté de cœur ». Après le péché, le cœur est devenu « dur », mais tel n’était pas le dessein du Créateur et les Prophètes ont insisté toujours plus clairement sur ce dessein originel. Pour renouveler l’homme, le Seigneur — en faisant allusion aux voix prophétiques qui ont toujours guidé Israël vers la clarté de la monogamie — a reconnu avec Ezéchiel que nous avons besoin — pour vivre cette vocation, d’un cœur nouveau; au lieu du cœur de pierre — comme dit Ezéchiel — nous avons besoin d’un cœur de chair, d’un cœur véritablement humain. Et le Seigneur, dans le Baptême, à travers la foi, « greffe » en nous ce cœur nouveau. Il ne s’agit pas d’une greffe physique, mais nous pouvons peut-être nous servir précisément de cette comparaison : après la greffe, il est nécessaire que l’organisme reçoive des soins, qu’il bénéficie des médicaments nécessaires pour pouvoir vivre avec son nouveau cœur, afin que celui-ci devienne « son cœur », et non le « cœur d’un autre ». Dans cette « greffe spirituelle », où le Seigneur nous offre un cœur nouveau, un cœur ouvert au Créateur, à la vocation de Dieu, nous avons d’autant plus besoin de traitements adéquats, pour pouvoir vivre avec ce cœur nouveau ; il faut avoir recours à des médicaments adaptés afin qu’il devienne vraiment « notre cœur ». En vivant ainsi dans la communion avec le Christ, avec son Eglise, le nouveau cœur devient réellement « notre cœur » et le mariage devient possible. L’amour exclusif entre un homme et une femme, la vie à deux projetée par le Créateur devient possible, même si le climat de notre monde la rend difficile, jusqu’à la faire apparaître impossible.

Le Seigneur nous donne un cœur nouveau et nous devons vivre avec ce cœur nouveau, en utilisant les thérapies opportunes afin qu’il soit réellement « le nôtre ». C’est ainsi que nous vivons selon ce que le Créateur nous a donné et cela engendre une vie véritablement heureuse. En effet, nous pouvons le voir également dans ce monde, en dépit des nombreux autres modèles de vie: il existe tant de familles chrétiennes qui vivent avec fidélité et joie la vie et l’amour indiqués par le Créateur, et c’est ainsi que se développe une nouvelle humanité.

Et enfin, j’ajouterais : nous savons tous que pour atteindre un objectif en sport et au niveau professionnel, la discipline et les sacrifices sont nécessaires. Mais tout cela est ensuite couronné de succès, d’avoir atteint un objectif tant désiré. De la même façon, la vie elle-même, c’est-à-dire devenir hommes selon le dessein de Jésus, exige des sacrifices; toutefois, il ne s’agit pas d’une chose négative, au contraire, ils aident à vivre en tant qu’homme avec un cœur nouveau, à vivre une vie véritablement humaine et heureuse. Etant donné qu’il existe une culture de la consommation qui veut nous empêcher de vivre selon le dessein du Créateur, nous devons avoir le courage de créer des îlots, des oasis, puis de grands terrains de culture catholique, dans lesquels on vit le dessein du Créateur.

3. Très Saint-Père, je m’appelle Inelida, j’ai 17 ans, je suis Aide cheftaine Scout chez les Louveteaux dans la paroisse « San Gregorio Barberigo » et je fais mes études au lycée artistique « Mario Mafai ».
Dans votre Message pour la XXIe Journée mondiale de la Jeunesse, vous nous avez dit qu’il « est urgent que naisse une nouvelle génération d’apôtres enracinés dans la Parole du Christ ». Ce sont des paroles si fortes et si exigeantes qu’elles font presque peur. Bien sûr, nous aussi, nous voudrions être de nouveaux apôtres mais voulez-vous nous expliquer plus précisément ce que sont, d’après vous, les principaux défis à affronter à notre époque, et comment vous imaginez vous-même ces nouveaux Apôtres? En d’autres termes : qu’attendez-vous de nous, Sainteté ?

Nous nous demandons tous ce que le Seigneur attend de nous. Il me semble que le grand défi de notre temps — c’est ce que me disent également les évêques en visite « ad limina », ceux d’Afrique par exemple — soit la sécularisation : c’est-à-dire une façon de vivre et de présenter le monde comme « si Deus non daretur », c’est-à-dire comme si Dieu n’existait pas. On veut réduire Dieu à la sphère du privé, à un sentiment, comme s’Il n’était pas une réalité objective et ainsi, chacun forme son propre projet de vie. Mais cette vision qui se présente comme si elle était scientifique, n’accept
e comme valable que ce qui peut être vérifié par l’expérience. Avec un Dieu qui ne se prête pas à l’expérience immédiate, cette vision finit par déchirer la société également : le résultat est en effet que chacun fait son propre projet et à la fin, tous s’opposent les uns aux autres. Une situation, comme on le voit, absolument invivable. Nous devons rendre Dieu à nouveau présent dans nos sociétés. Cela me semble être la première nécessité : que Dieu soit à nouveau présent dans notre vie, que nous ne vivions pas comme si nous étions autonomes, autorisés à inventer ce que sont la liberté et la vie. Nous devons prendre acte du fait que nous sommes des créatures, constater qu’il y a un Dieu qui nous a créés et que demeurer dans sa volonté n’est pas une dépendance, mais un don d’amour qui nous fait vivre.

Le premier point est donc de connaître Dieu, de le connaître toujours mieux, de reconnaître dans ma vie que Dieu est là, et que Dieu y joue un rôle. Le second point — si nous reconnaissons que Dieu est là, que notre liberté est une liberté partagée avec les autres et qu’il doit donc y avoir un paramètre commun pour construire une réalité commune — le second point, disais-je, soulève la question : quel Dieu ? Il existe en effet tant de fausses images de Dieu, d’un Dieu violent, etc. La deuxième question est donc : reconnaître le Dieu qui nous a montré son visage en Jésus, qui a souffert pour nous, qui nous a aimés jusqu’à la mort et ainsi, a vaincu la violence. Il faut rendre présent, avant tout dans notre « propre vie », le Dieu vivant, le Dieu qui n’est pas un inconnu, un Dieu inventé, un Dieu uniquement pensé, mais un Dieu qui s’est montré, qui s’est révélé, et qui a révélé son visage. Ce n’est qu’ainsi que notre vie devient vraie, véritablement humaine et ce n’est qu’ainsi également, que les critères du véritable humanisme deviennent présents dans la société. Ici aussi vaut le principe selon lequel, comme je l’avais dit dans la première réponse, nous ne pouvons pas construire seuls cette vie juste et droite, mais nous devons marcher en compagnie d’amis justes et droits, de compagnons avec lesquels nous pouvons faire l’expérience que Dieu existe et qu’il est beau de marcher avec Dieu. Et marcher dans la grande communauté de l’Eglise, qui nous présente au fil des siècles la présence du Dieu qui parle, qui agit, qui nous accompagne. Je dirais donc : trouver Dieu, trouver le Dieu qui s’est révélé en Jésus Christ, marcher en compagnie de sa grande famille, avec nos frères et sœurs qui sont la famille de Dieu, cela me semble être le contenu essentiel de cet apostolat dont j’ai parlé.

4. Je m’appelle Vittorio, je viens de la Paroisse « San Giovanni Bosco » à Cinecittà, j’ai 20 ans et j’étudie les Sciences de l’Education à l’Université de Tor Vergata.
Toujours dans votre Message, vous nous invitez à ne pas avoir peur de répondre avec générosité au Seigneur, en particulier lorsqu’il propose de le suivre dans la vie consacrée ou dans la vie sacerdotale. Vous nous dites de ne pas avoir peur, d’avoir confiance en Lui et que nous ne serons pas déçus. Un grand nombre d’entre nous, ici présents ou parmi ceux qui nous suivent chez eux ce soir à la télévision pensent, j’en suis convaincu, à suivre Jésus sur une voie de consécration spéciale, mais il n’est pas toujours facile de comprendre si celle-ci sera la juste voie. Pouvez-vous nous dire comment vous avez fait pour comprendre quelle était votre vocation? Pouvez-vous nous donner des conseils pour mieux comprendre si le Seigneur nous appelle à le suivre dans la vie consacrée ou sacerdotale ? Je vous remercie.

Pour ma part, j’ai grandi dans un monde très différent du monde actuel, mais à la fin, les situations se ressemblent. D’une part, il y avait encore la situation de « chrétienté », dans laquelle il était normal d’aller à l’église et d’accepter la foi comme la révélation de Dieu et de chercher à vivre selon la révélation ; d’autre part, il y avait le régime nazi, qui affirmait à voix haute : « Dans la nouvelle Allemagne il n’y aura plus de prêtres, il n’y aura plus de vie consacrée, nous n’avons plus besoin de ces gens-là ; cherchez une autre profession ». Mais précisément en entendant ces voix « fortes », dans la confrontation avec la brutalité de ce système au visage inhumain, j’ai compris qu’il y avait, en revanche, un grand besoin de prêtres. Ce contraste, voir cette culture antihumaine, m’a confirmé dans la conviction que le Seigneur, l’Evangile, la foi nous montraient la voie juste et que nous devions nous engager pour que cette voie survive. Dans cette situation, la vocation au sacerdoce a grandi presque naturellement en moi et sans grands événements de conversion. En outre, deux choses m’ont aidé sur ce chemin: dès l’enfance, aidé par mes parents et par mon curé, j’ai découvert la beauté de la Liturgie et je l’ai aimée de plus en plus, car je sentais qu’elle laissait transparaître la beauté divine et que le ciel s’ouvrait devant nous ; le deuxième élément a été la découverte de la beauté et de la connaissance, la connaissance de Dieu, les Saintes Ecritures, grâce auxquelles il est possible de s’introduire dans cette grande aventure du dialogue avec Dieu qu’est la théologie. Ainsi, cela a été une joie d’entrer dans ce travail millénaire de la théologie, dans cette célébration de la liturgie, dans laquelle Dieu est avec nous et se réjouit avec nous.

Naturellement les difficultés n’ont pas manqué. Je me demandais si j’avais réellement la capacité de vivre le célibat pendant toute la vie. Etant un homme de formation théorique et non pratique, je savais également qu’il ne suffisait pas d’aimer la théologie pour être un bon prêtre, mais qu’il était nécessaire d’être toujours disponible envers les jeunes, les personnes âgées, les malades, les pauvres ; qu’il était nécessaire d’être simple avec les simples. La théologie est belle, mais la simplicité de la parole et de la vie chrétienne est également nécessaire. Et ainsi, je me demandais : serai-je en mesure de vivre tout cela et de ne pas vivre de manière unilatérale, d’être seulement un théologien etc.? Mais le Seigneur m’a aidé et, surtout, la compagnie de mes amis, de bons prêtres et de maîtres m’a aidée.

En revenant à la question, je pense qu’il est important d’être attentifs aux gestes du Seigneur sur notre chemin. Il nous parle à travers des événements, à travers des personnes, à travers des rencontres : il faut être attentifs à tout cela. Ensuite, c’est le deuxième point, entrer réellement dans une relation d’amitié avec Jésus, dans une relation personnelle avec Lui et ne pas savoir seulement par les autres ou par les livres qui est Jésus, mais vivre une relation toujours plus approfondie d’amitié personnelle avec Jésus, dans laquelle nous pouvons commencer à comprendre ce qu’Il nous demande. Et ensuite, l’attention à ce que je suis, à mes capacités : d’une part du courage et de l’autre de l’humilité, de la confiance et une ouverture, également avec l’aide des amis, de l’autorité de l’Eglise et aussi des prêtres, des familles : qu’est-ce que le Seigneur veut de moi ? Bien sûr, cela reste toujours une grande aventure, mais la vie ne peut réussir que si nous avons le courge de l’aventure, la confiance dans le fait que le Seigneur ne me laissera jamais seul, que le Seigneur m’accompagnera, m’aidera.

5. Saint-Père, je m’appelle Giovanni, j’ai 17 ans, je fais mes études au Lycée scientifique technologique « Giovanni Giorgi » à Rome et j’appartiens à la paroisse « Santa Maria Madre della Misericordia ».
Je vous demande de nous aider à mieux comprendre comment la révélation biblique et les théories scientifiques peuvent converger dans la recherche de la vérité. Nous sommes souvent conduits à croire que la science et la foi sont ennemies entre elles ; que la science et la technique sont la même chose ; que la logique mathémat
ique a tout découvert ; que le monde est le fruit du hasard, et que si les mathématiques n’ont pas découvert le théorème-Dieu c’est tout simplement parce que Dieu n’existe pas. En somme, surtout lorsque nous faisons nos études, il n’est pas toujours facile de tout ramener à un projet divin, sous-jacent à la nature et à l’histoire de l’Homme. Ainsi, parfois, la foi vacille ou se réduit à un simple acte sentimental. Moi aussi, Saint-Père, comme tous les jeunes, j’ai soif de Vérité : mais comment puis-je faire pour harmoniser la science et la foi ?

Le grand Galilée a dit que Dieu a écrit le livre de la nature sous forme de langage mathématique. Il était convaincu que Dieu nous a donné deux livres : celui des Saintes Ecritures et celui de la nature. Et le langage de la nature — telle était sa conviction — c’est les mathématiques, qui sont donc un langage de Dieu, du Créateur. Réfléchissons à présent sur ce que sont les mathématiques : en soi, il s’agit d’un système abstrait, d’une invention de l’esprit humain, qui en tant que tel, dans sa pureté, n’existe pas. Il est toujours réalisé de manière approximative, mais — en tant que tel — c’est un système intellectuel, une grande invention géniale de l’esprit humain. La chose surprenante est que cette invention de notre esprit humain est vraiment la clef pour comprendre la nature, que la nature est réellement structurée de façon mathématique et que nos mathématiques, inventées par notre esprit, sont réellement l’instrument pour pouvoir travailler avec la nature, pour la mettre à notre service, pour l’instrumentaliser à travers la technique.

Cela me semble une chose presque incroyable qu’une invention de l’esprit humain et la structure de l’univers coïncident : les mathématiques, que nous avons inventées, nous donnent réellement accès à la nature de l’univers et nous le rendent utilisable. La structure intellectuelle du sujet humain et la structure objective de la réalité coïncident donc : la raison subjective et la raison objective dans la nature sont identiques. Je pense que cette coïncidence entre ce que nous avons pensé et la façon dont se réalise et se comporte la nature est une énigme et un grand défi, car nous voyons que, à la fin, c’est « une » raison qui les relie toutes les deux : notre raison ne pourrait pas découvrir cette autre, s’il n’existait pas une raison identique à la source de toutes les deux.

Dans ce sens, il me semble précisément que les mathématiques — dans lesquelles, en tant que telles, Dieu ne peut apparaître —, nous montrent la structure intelligente de l’univers. Certes, les théories du chaos existent également, mais elles sont limitées car si le chaos prenait le dessus, toute la technique deviendrait impossible. Ce n’est que parce que notre mathématique est fiable que la technique est fiable. Notre science, qui permet finalement de travailler avec les énergies de la nature, suppose une structure fiable, intelligente, de la matière. Et ainsi, nous voyons qu’il y a une rationalité subjective et une rationalité objective de la matière, qui coïncident. Naturellement, personne ne peut prouver — comme on le prouve par l’expérience, dans les lois techniques — que les deux soient réellement le fruit d’une unique intelligence, mais il me semble que cette unité de l’intelligence, derrière les deux intelligences, apparaît réellement dans notre monde. Et plus nous pouvons instrumentaliser le monde avec notre intelligence, plus apparaît le dessein de la Création.

A la fin, pour arriver à la question définitive, je dirais : Dieu existe, ou il n’existe pas. Il n’existe que deux options. Ou l’on reconnaît la priorité de la raison, de la Raison créatrice qui est à l’origine de tout et le principe de tout — la priorité de la raison est également la priorité de la liberté — ou l’on soutient la priorité de l’irrationnel, selon laquelle tout ce qui fonctionne sur notre terre ou dans notre vie ne serait qu’occasionnel, marginal, un produit irrationnel — la raison serait un produit de l’irrationalité. On ne peut pas en ultime analyse « prouver » l’un ou l’autre projet, mais la grande option du christianisme est l’option pour la rationalité et pour la priorité de la raison. Cela me semble une excellente option, qui nous montre que derrière tout se trouve une grande intelligence, à laquelle nous pouvons nous fier.

Mais le véritable problème contre la foi aujourd’hui me semble être le mal dans le monde : on se demande comment il peut être compatible avec cette rationalité du Créateur. Et ici, nous avons véritablement besoin du Dieu qui s’est fait chair et qui nous montre qu’Il n’est pas une raison mathématique, mais que cette raison originelle est également Amour. Si nous regardons les grandes options, l’option chrétienne est également aujourd’hui la plus rationnelle et la plus humaine. C’est pourquoi nous pouvons élaborer avec confiance une philosophie, une vision du monde qui soit fondée sur cette priorité de la raison, sur cette confiance que la Raison créatrice est amour, et que cet amour est Dieu.

© Copyright du texte original en italien : Libreria Editrice Vaticana
Traduction réalisée par Zenit

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ZENIT Staff

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