« Les dernières paroles du Décalogue éduquent chacun à se reconnaître mendiant ; elles aident à se mettre devant le désordre de notre cœur », a expliqué le pape François. L’homme a besoin de découvrir « qu’il ne peut pas se libérer tout seul ». Et, a-t-il ajouté, « la tâche de la Loi est de conduire l’homme à sa vérité, c’est-à-dire à sa pauvreté, qui devient une ouverture authentique et une ouverture personnelle à la miséricorde de Dieu, qui nous transforme et nous renouvelle ».
Le pape François a poursuivi sa catéchèse sur les Dix commandements lors de l’audience générale de ce mercredi 21 novembre 2018, sur la Place Saint-Pierre, en présence de très nombreux groupes de pèlerins et de fidèles venus d’Italie et du monde entier. Il a médité sur le commandement « tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain (…) rien de ce qui lui appartient » (Ex 20, 17).
Tous les commandements indiquent « la limite au-delà de laquelle l’homme se détruit lui-même et détruit son prochain, gâchant sa relation avec Dieu », a encore commenté le pape François. C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, « le parcours effectué par le Décalogue n’aurait aucune utilité s’il n’arrivait pas à toucher ce niveau, le cœur de l’homme » ; or « si le cœur n’est pas libéré, le reste ne sert pas à grand chose. Voilà le défi : libérer le cœur de toutes ces choses mauvaises ».
À l’issue de l’audience, le pape a invité à penser aux communautés religieuses contemplatives à l’occasion de la Journée pro Orantibus célébrée ce jour.
Voici notre traduction de la catéchèse en italien du pape François.
HG
Catéchèse du pape François
Chers frères et sœurs, bonjour !
Nos rencontres sur le Décalogue nous mènent aujourd’hui au dernier commandement. Nous l’avons entendu à l’ouverture. Ce ne sont pas seulement les dernières paroles du texte, mais beaucoup plus : c’est l’accomplissement du voyage à travers le Décalogue, touchant le cœur de tout ce qui, en lui, nous est remis. En effet, à bien y regarder, elles n’ajoutent pas de nouveau contenu : les indications « tu ne convoiteras pas la femme (…) rien de ce qui lui appartient » sont au moins latentes dans les commandements sur l’adultère et sur le vol ; quelle est alors la fonction de ces paroles ? Est-ce un résumé ? Est-ce quelque chose de plus ?
Gardons bien à l’esprit que tous les commandements ont pour tâche d’indiquer la limite de la vie, la limite au-delà de laquelle l’homme se détruit lui-même et détruit son prochain, gâchant sa relation avec Dieu. Si tu vas au-delà, tu te détruis, tu détruis aussi ta relation avec Dieu et ta relation avec les autres. C’est ce que signalent les commandements. Cette dernière parole met en avant le fait que toutes les transgressions naissent d’une commune racine intérieure : les désirs mauvais. Tous les péchés naissent d’un désir mauvais. Tous. C’est là que le cœur commence à pencher, et on entre dans cette vague et cela se termine par une transgression. Mais pas une transgression formelle, légale : dans une transgression qui blesse soi-même et les autres.
Dans l’Évangile, le Seigneur Jésus le dit simplement : « Car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur » (Mc 7,21-23).
Nous comprenons par conséquent que tout le parcours effectué par le Décalogue n’aurait aucune utilité s’il n’arrivait pas à toucher ce niveau, le cœur de l’homme. D’où naissent toutes ces choses mauvaises ? Le Décalogue se montre lucide et profond sur cet aspect : le point d’arrivée – le dernier commandement – de ce voyage est le cœur et soi-même, si le cœur n’est pas libéré, le reste ne sert pas à grand chose. Voilà le défi : libérer le cœur de toutes ces choses mauvaises. Les préceptes de Dieu peuvent se réduire à n’être que la belle façade d’une vie qui reste quoi qu’il en soit une existence d’esclave et non de fils. Souvent, derrière le masque pharisaïque du « comme il faut » asphyxiant, se cache quelque chose qui n’est pas bon et qui n’est pas résolu.
Nous devons au contraire nous laisser démasquer par ces commandements sur le désir, parce qu’ils nous montrent notre pauvreté pour nous conduire à une sainte humiliation. Chacun de nous peut s’interroger : mais quels mauvais désirs me viennent souvent ? L’envie, la cupidité, les cancans ? Toutes ces choses qui me viennent de l’intérieur. Chacun peut se poser cette question et cela lui fera du bien. L’homme a besoin de cette humiliation bénie, celle par laquelle il découvre qu’il ne peut pas se libérer tout seul, celle par laquelle il crie vers Dieu pour être sauvé. Saint Paul l’explique d’une manière incomparable, en se référant précisément au commandement « tu ne convoiteras pas » (cf. Rm 7,7-24).
Il est vain de penser pouvoir se corriger sans le don de l’Esprit Saint. Il est vain de penser purifier notre cœur dans un effort titanique de notre seule volonté : ce n’est pas possible. Il faut s’ouvrir à la relation avec Dieu dans la vérité et dans la liberté : c’est seulement ainsi que nos efforts peuvent porter du fruit, parce qu’il y a l’Esprit Saint qui nous pousse en avant.
La tâche de la Loi biblique n’est pas de faire croire à l’homme qu’une obéissance littérale le porte à un salut artificiel et d’ailleurs inaccessible. La tâche de la Loi est de conduire l’homme à sa vérité, c’est-à-dire à sa pauvreté, qui devient une ouverture authentique et une ouverture personnelle à la miséricorde de Dieu, qui nous transforme et nous renouvelle. Dieu est le seul capable de renouveler notre cœur, à condition que nous lui ouvrions notre cœur : c’est la seule condition ; c’est lui qui fait tout, mais nous devons lui ouvrir notre cœur.
Les dernières paroles du Décalogue éduquent chacun à se reconnaître mendiant ; elles aident à se mettre devant le désordre de notre cœur, pour cesser de vivre égoïstement et devenir pauvres d’esprit, authentique en présence du Père, se laissant racheter par le Fils et conduire par l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est le maître qui nous guide : laissons-nous aider. Soyons des mendiants, demandons cette grâce.
« Heureux les pauvres de cœur car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5,3). Oui, heureux ceux qui cessent de s’illusionner en croyant pouvoir se sauver de leur faiblesse sans la miséricorde de Dieu qui, seule, peut guérir. Seule la miséricorde de Dieu guérit le cœur. Heureux ceux qui reconnaissent leurs désirs mauvais et qui, d’un cœur repenti et humilié, ne se tiennent pas devant Dieu et devant les autres hommes comme des justes, mais comme des pécheurs. C’est beau, ce que dit Pierre au Seigneur : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur ». C’est une belle prière : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur ».
Ce sont ceux-là qui savent avoir de la compassion, qui savent avoir de la miséricorde envers les autres, parce qu’ils en font l’expérience pour eux-mêmes.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat