Jean-Paul II rend hommage à la mémoire du card. Garrone

CITE DU VATICAN, Mercredi 23 mars 2005 (ZENIT.org) – Le pape Jean-Paul II salue la mémoire du cardinal Garrone et rend hommage à « sa charité pastorale » et « sa vive intelligence » mise « au service de l’annonce de l’Evangile » . Dans une conférence, le cardinal Poupard évoque le défunt cardinal, en particulier ses années de captivité pendant la guerre (cf. Texte intégral ci-dessous in « Documents » ).

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Le 12 mars, le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’Etat, a en effet adressé un télégramme de la part du pape, au cardinal Paul Poupard à l’occasion du dixième anniversaire du décès du cardinal Garrone, marqué, à Chambéry par l’inauguration par la municipalité de la place « Cardinal Gabriel-Marie Garrone ».

Président du conseil pontifical de la Culture – « ministre de la Culture » -, le cardinal Poupard a en effet effectué une visite en Savoie, les 19 et 20 mars.

Samedi 19 mars, à la Sainte Chapelle du Château des Ducs de Savoie, il a prononcé, à 17h, une conférence intitulée : « un Savoyard, prince de l’Eglise, le cardinal Gabriel-Marie Garrone », et ceci à l’invitation de la Société des Amis du Vieux-Chambéry. Il y a ensuite célébré la messe.

Dimanche 20 mars, aux côtés de Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Chambéry, le cardinal Poupard a assisté, à 10h, à l’inauguration de la place « Cardinal Gabriel-Marie Garrone » (avenue Desfrançois) avant de présider la messe des Rameaux à 11h à la cathédrale de Chambéry.

« Le Saint-Père a appris avec satisfaction que vous serez à Chambéry, Monsieur le Cardinal, pour participer à l’hommage qui sera rendu au regretté cardinal Gabriel Marie Garrone, à l’occasion du dixième anniversaire de son départ vers la maison du Père » , dit le télégramme du cardinal Sodano.

« En saluant cordialement Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Chambéry, ainsi que toutes les personnes qui participent avec vous à cet hommage, le pape Jean-Paul II rend grâce au Seigneur pour le don fait à l’Eglise en la personne du cardinal Garrone, serviteur exemplaire, humble et fidèle, qui s’est pleinement donné dans le ministère pastoral, toujours avec joie et espérance, afin d’annoncer à ses frères la Bonne nouvelle du Christ Seigneur » , ajoute le télégramme.

Il termine par ce vœu: « Puisse le témoignage de sa charité pastorale et de sa vive intelligence mise au service de l’annonce de l’Evangile porter des fruits pour toute l’Eglise, éveillant sur la terre de France des vocations nouvelles d’Apôtres et de missionnaires! Invoquant sur tous l’intercession maternelle de la Vierge Marie, Mère de l’Eglise, le pape leur accorde de grand cœur une particulière bénédiction apostolique » .

Le cardinal Gabriel-Marie Garrone (1901-1994) est né à Aix-les-Bains le 12 octobre 1901. Après des études au collège de la Villette, à l’Université de Grenoble et à l’Université grégorienne à Rome, il a été ordonné prêtre à Rome le 11 avril 1925.

Diplômé d’études de philosophie, docteur en philosophie scolastique et en théologie, il a été nommé professeur au collège de La villette en octobre 1925 puis au Grand Séminaire de Chambéry, l’année suivante.

Capitaine de réserve au 97e RIA, il fut mobilisé en 1939 et fait prisonnier. Il marquera ses compagnons de captivité pour les quels il organisait cours et conférences. A son retour, en 1945, il a été nommé supérieur du Grand-Séminaire.

Ordonné évêque le 24 juin 1947 à la cathédrale de Chambéry, il assista le cardinal Saliège à Toulouse avant de lui succéder en 1956. Il participa activement au Concile Vatican II (1962-1965) et il occupa la vice-présidence des évêques de France de 1964 à 1966.

En 1966, il a été appelé à diriger à Rome la Congrégation des séminaires et universités, puis la Congrégation pour l’éducation catholique. Il joua un rôle important dans la réforme des études cléricales. Créé cardinal par le pape Paul VI le 26 juin 1967, il participa aux conclaves qui élirent Jean-Paul Ier puis Jean-Paul II. Il démissionna en 1980, tout en restant chargé du rapport entre le Saint-Siège et la Culture. Ses écrits ont été couronnés par l’Académie française en 1974.

Il décéda à Rome le 15 janvier 1994. Son corps repose dans la chapelle du séminaire pontifical français de la Ville éternelle.

Dans sa conférence, le cardinal Poupard évoquait les années de captivité du cardinal Garrone comme des « mystères douloureux » en ces termes:
« Septembre 1939. C’est la guerre. Le Père Garrone devient le Capitaine Garrone rappelé sous les drapeaux pour commander la 2ème compagnie de 97ème régiment d’infanterie alpine, incorporé dans la XIème armée, bientôt anéantie par la foudroyante percée des blindés allemands. Le Capitaine Garrone est cité à l’ordre du jour de la 28ème division : « Officier ayant la plus haute idée du devoir et de l’honneur et se dépensant sans compter, le 5 et 6 juin 1940 a conservé durant trente-six heures des positions d’avant-poste soumises à de terribles bombardements et à de très violentes attaques. A été un magnifique exemple pour ses Alpins ».

« On le croit mort, il n’en est rien. Encerclé et capturé, il va connaître cinq années de captivité, pour d’autres d’ennui et de stagnation, mais pour lui de retraite et d’intense fécondité, d’abord au camp disciplinaire de Lubecq, puis à l’Oflag XVII A en Autriche, au milieu de cinq mille officiers français. « Cinq années de prison, cinq années de grâces », répétait-il volontiers, cinq années de désert, « âge d’or de ma vie ». Sa constitution savoyarde lui permet de survivre là où d’autres ont succombé, et sa solide formation romaine admirablement assimilée l’enhardit à créer des cours pour prêtres et séminaristes à l’intérieur du camp. L’un d’eux témoigne avec admiration : « Sans aucune documentation, sans autres éléments que sa culture personnelle et l’enthousiasme de sa foi, il nous aide à refaire toute notre théologie centrée sur l’eucharistie. » Sa charité sacerdotale et son prestige intellectuel et moral en font l’âme rayonnante du camp. Il organise un cours de morale à la demande des instituteurs, et même des conférences où se pressent des incroyants qui deviennent ses amis. « Je me rappelle, écrit l’un d’eux, dans notre chambre de 20m2 de la baraque du camp, où nous étions 10, il se levait de bonne heure, demeurant assis sur son lit, la troisième couchette supérieure, pour faire sa longue méditation, pendant que ses compagnons dormaient encore. » Et sœur Marie-Thérèse Buisson me parlait de la sainte messe célébrée à la lueur de la chandelle.

« Prière intense, apostolat intense. À partir de l’hébreu, du grec et du latin, il élabore une traduction des Psaumes en français, qu’il accompagne, avec une introduction générale, d’une introduction à chaque psaume, d’une conclusion sur les psaumes instruments de l’Esprit-Saint dans une âme de bonne volonté : Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, et de suggestions pour louer Dieu et lui rendre grâces, contempler le Christ, chanter l’Église, dire et demander à Dieu, crier à l’aide ou prendre en charge ceux qui crient à l’aide, mobiliser nos énergies, nous remettre en présence de Dieu, réaffirmer et renouveler notre confiance en Dieu dans l’épreuve et notre abandon paisible entre ses mains. À la dédicace aux séminaristes, à ceux en particulier qui lui aidèrent jadis à aimer les Psaumes en les leur faisant aimer, il a ajouté de sa belle et régulière écriture, à mon intention : « Au cher Monseigneur Poupard, in comunione laboris et caritatis », reprenant en avant-propos de la belle édition cartonnée sur papier bible que je garde toujours à portée de main ces mots de saint Bernard qui a tant aimé les Psaumes que sa langue même en est tissée : « Comme le palais, sa nourriture, le cœur goûte les Psaumes. Mais encore faut-il que l’âme prenne bien soin, si elle est fidèle et prudente, de broyer cet aliment avec les dents de l’intelligence ».

« Personnalité rayonnante et intelligence exceptionnelle. L’un de ses compagnons dira de Capitaine Garrone des années douloureuses : « Le renouveau de la pensée et les princip
aux thèmes de la prédication sont partis de là, de ce lieu déshérité où la ferveur de la foi triomphait de la sous-alimentation, des puces et de la promiscuité. Simplement parce qu’un prêtre de valeur était là. » Il ne cessera de les rencontrer fidèlement, en France d’abord, puis à Rome, et l’un d’eux, octogénaire lui dira : « Cardinal, Éminence, ou plutôt, cher Camarade ».

« À la libération de l’Oflag, il part chargé, comme une bourrique, de notes et de dossiers : « Tu ne pourras porter tout ça », lui dit-on. La réponse fuse, superbe et imparable : « Je le peux, puisque je le dois ». Et sur le chemin du retour, long et fatigant parcouru à pied par manque de moyens de transport, le bon samaritain Garrone trouve encore la force, avec la grâce de Dieu, de relever et de sauver un moribond, reconnu comme un espion tombé sur le chemin. Le rescapé – fait notable – a tenu lui-même à en témoigner en donnant son nom à la fidèle secrétaire du Cardinal ».

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ZENIT Staff

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