Le mois de juin est particulièrement dédié au Sacré-Cœur de Jésus, apparu au 17e siècle à sainte Marguerite-Marie, religieuse visitandine de Paray-le-Monial, en France.

Un amour très ancien pour le Sacré-Cœur de Jésus © Alicia Beauvisage
Depuis 20 ans, le P. Édouard Marot et Alicia Beauvisage ont permis à des millions de personnes de se consacrer au Cœur de Jésus dans le monde : des familles, des paroisses, des diocèses, des entreprises, des associations… Pendant plusieurs années, ils ont également accompagné les reliques de sainte Marguerite-Marie dans 40 pays, dont 8 se sont consacrés nationalement au Cœur de Jésus.
Mariée et mère de famille, Alicia est Salvadorienne et vit depuis 50 ans près de Paris. Le P. Édouard est un prêtre français incardiné en Belgique, actuellement administrateur de la paroisse Notre-Dame de Stockel, à Bruxelles. Bien différents par leurs états de vie et leurs origines, tous les deux disent recevoir cette mission comme une véritable « émulation mutuelle à la sainteté ». Zenit – Le monde vu de Rome les a rencontrés.
Zenit : Quelle a été votre relation avec le Sacré-Cœur de Jésus, l’un et l’autre ?
Alicia Beauvisage : Mon histoire avec le Sacré-Cœur a commencé très tôt à El Salvador, où l’image du Cœur de Jésus était placée dans toutes les maisons. Lorsque mon père a été assassiné, j’avais 8 ans. Ma mère a alors décidé de faire une neuvaine au Cœur de Jésus, et elle s’en est sortie. J’ai été marquée par cet événement, et je me suis dit : « Si on a un gros problème, on prie le Cœur de Jésus ». En arrivant en France à 16 ans, j’ai redécouvert personnellement le Cœur de Jésus grâce aux paroles fortes d’un prêtre. Et cet amour ne m’a plus jamais quittée.

« Être aimé et aimer comme Dieu nous aime » © Père Édouard Marot
Père Édouard Marot : Pendant 30 ans, j’ai pensé que le Sacré-Cœur était vieillot, ringard et dépassé. Lorsque je suis devenu recteur des sanctuaires de Paray-le-Monial en 2000, j’ai eu envie d’actualiser et de « dépoussiérer » l’image du Sacré-Cœur.
Je désirais aussi changer le vocabulaire autour de sainte Marguerite-Marie, parce que son goût de la souffrance et de la mortification ne me parlait pas trop. J’ai même dit à la prieure de la Visitation dès mon arrivée à Paray-le-Monial : « Marguerite-Marie a demandé d’être cachée dans le Cœur de Jésus, donc laissons-la cachée, parlons du Cœur de Jésus ! »
Zenit : Comment est née votre mission commune pour diffuser l’amour du Sacré-Cœur ?
A. Beauvisage : Tout a commencé le lendemain de la mort du pape Jean-Paul II, le 3 avril 2005, lorsque mon mari a insisté pour aller dans une brocante. J’ai vu de loin un petit cadre qui m’a attirée : c’était une relique de sainte Marguerite-Marie. Derrière le reliquaire, il y avait le sceau de la Visitation de Paray-le-Monial. J’ai contacté le monastère pour savoir si les religieuses détenaient des archives qui prouveraient l’authenticité de cette relique.
Au téléphone, la religieuse m’a dit qu’il n’y en avait pas. Elle me raconte que des reliques de sainte Marguerite-Marie sont allées une semaine en Argentine. J’ai senti tout de suite un appel très fort à amener les reliques à El Salvador. Ce qui n’était pas dans mes plans, puisque je n’y étais retournée que deux fois en trente ans. J’ai alors contacté le recteur de Paray-le-Monial, le P. Marot, qui m’a indiqué les trois conditions pour emmener les reliques en voyage : une lettre de l’évêque du lieu, régler soi-même les frais de voyage et avoir deux accompagnateurs. J’ai pu réunir les trois conditions avec une facilité déconcertante.
Le 16 octobre 2005, je suis allée à Paray-le-Monial pour la fête de sainte Marguerite-Marie. Lorsque j’ai vu pour la première fois les reliques de la sainte exposées dans la basilique, une grande joie m’a envahie. Je me suis inclinée, et je lui ai dit : « Bienvenue en Amérique Latine ». Et là, je dis en moi-même : « Mais pourquoi tu dis cela ? » J’étais bouleversée. À la sortie, je vois le P. Marot et je lui dis : « Père, il faut que vous veniez avec sainte Marguerite-Marie ». Et je répète : « en Amérique Latine ». Mais il m’a envoyé balader en disant : « Madame, je ne suis pas l’accompagnateur des reliques et je ne parle pas espagnol ! »

Devant des élèves de l’école des sœurs franciscaines de l’Immaculée Conception à El Salvador, 18 février 2025 © Édouard Marot
Père E. Marot : Lorsque j’ai rencontré Alicia à Paray-le-Monial, j’avais commencé à voyager avec les reliques de sainte Marguerite-Marie depuis janvier 2002. Je suis d’abord allé en République démocratique du Congo, en Irlande et aux États-Unis. Puis les reliques ont voyagé un petit peu entre 2002 et 2005, mais je ne les accompagnais pas à chaque fois. Pour les demandes d’Alicia, je voulais la laisser se débrouiller. Je freinais par rapport à mon entourage qui ne me poussait pas à voyager. Je ne répondais pas à ses appels. Pourtant, de son côté, la mission était née.
Or, en décembre 2005 où il fallait ramener à Lisieux les reliques de la petite Thérèse, invitées à Paray-le-Monial et, alors que la mission avec Alicia et les reliques de sainte Marguerite-Marie commençait, ma secrétaire me dit : « Il faudrait demander à une « folle des reliques », Alicia, de les ramener à Lisieux ». Bien sûr Alicia a dit oui, et elle a pensé qu’il fallait visiter les reliques de sainte Bernadette à Nevers avec les reliques des deux saintes.
Une messe a été célébrée en ce lieu avec la sainte du Sacré-Cœur de Jésus, la patronne des missions, et la sainte de Notre-Dame de Lourdes. Alicia s’est dit : « Quelle est cette mission qui commence avec ces trois grandes saintes réunies ? »
A. Beauvisage : Le P. Marot a beaucoup changé avec le temps. À l’époque, il n’aimait pas trop sainte Marguerite-Marie ni les reliques. Quand nous nous sommes rendus pour la première fois pour une mission au Mexique, je lui ai dit dans l’avion : « Vous m’avez fait traverser les montagnes, et je l’ai fait » !
Père E. Marot : Ça a vraiment commencé comme ça ! Difficilement ! J’ai nommé ensuite Alicia responsable des voyages officiels des reliques de sainte Marguerite-Marie, de 2005 à 2010, pour les sanctuaires de Paray-le-Monial. Lorsque je suis rentré en Belgique en 2010, la mission aurait pu s’arrêter là. Mais l’archevêque de Malines-Bruxelles, Mgr André-Joseph Léonard, a écouté notre le témoignage et m’a dit qu’il fallait continuer à diffuser l’amour du Sacré-Cœur. Il m’a donné 7 jours par mois pour le faire.
Zenit : Comment se passent concrètement vos missions depuis 15 ans ?

À Morestel, diocèse de Grenoble (France), 23 avril 2025 © Alicia Beauvisage
Père E. Marot : Depuis 15 ans, nous partons en mission une fois par mois. Notre mission ne consiste plus à emmener en voyage les reliques de sainte Marguerite-Marie, qui dépendent de Paray-le-Monial, mais à donner une conférence-témoignage intitulée « Le Sacré-Cœur de Jésus, plus que jamais pour aujourd’hui ».
Après cela, nous proposons librement la consécration au Cœur de Jésus. Nous offrons aussi des images du Sacré-Cœur pour qu’il soit exposé à nouveau dans les maisons : on les offre, on ne les vend pas ! Nous avons visité plus de 40 pays sans demander d’argent, abandonnés à la Providence qui a toujours pourvu.
A. Beauvisage : La mission a étonnamment « explosé » lorsque nous n’avons plus emmené les reliques en voyage. C’est comme si le terrain avait été préparé à l’avance. Depuis le début, rien n’est organisé ni programmé : nous allons là où on nous demande, et cela se fait par le bouche à oreille. Les paroisses ou les diocèses nous contactent, et on leur dit : « Si vous désirez qu’on vienne chez vous, demandez à vos prêtres de nous donner la permission de venir témoigner ». C’est la clé de tout.
Père E. Marot : C’est Jésus qui œuvre de manière toute simple ! La simplicité de l’amour du Cœur de Jésus, c’est le plus grand enseignement de cette belle mission. Le Sacré-Cœur touche une personne qui va nous inviter à témoigner dans sa paroisse. La seule grâce que nous ayons, c’est ce témoignage simple et contagieux. Quelqu’un peut entendre le témoignage et le lendemain, 1 500 personnes se consacrent au Cœur de Jésus : des enfants, des personnes âgées, des centres commerciaux, des cabinets médicaux, des chefs d’entreprises, des prisonniers, etc. Tout cela sans aucune publicité.
Zenit : Pourquoi est-ce si important de se consacrer au Cœur de Jésus ?

Rencontre avec le pape François en novembre 2016 © Vatican Media
A. Beauvisage : Pour moi, celui qui se consacre au Cœur de Jésus répond à l’appel que nous fait Jésus de lui « rendre amour pour amour ». Par cette consécration, Jésus nous donne la grâce de changer nos vies. Elle est un chemin vers la sainteté. On réalise que le Sacré-Cœur de Jésus est tout puissant et fidèle. Dieu peut faire beaucoup de choses que nous ne pouvons pas faire humainement. C’est comme si Jésus nous donnait l’opportunité d’écrire d’une autre façon notre vie, parce qu’on entre dans une relation d’amour.
Je suis émerveillée de voir ce que le Cœur de Jésus fait dans cette mission. C’est un cadeau de voir tant de personnes différentes découvrir le Sacré-Cœur qui nous transforme avec beaucoup d’amour et de patience.
Père E. Marot : Le monde manque incroyablement d’amour. Dans l’acte de consécration, il y a cette phrase : « Sacré-Cœur de Jésus, j’ai confiance en toi ». Je me mets à son école, il est doux et humble de cœur. Il m’apprend à aimer. Jésus est la source de l’amour, il a voulu nous aimer avec un cœur humain. Et comme dit Alicia, nous pouvons y répondre en lui rendant « amour pour amour ».
A. Beauvisage : Le Sacré-Cœur de Jésus donne le discernement entre ce qui est vrai et ce qui est mensonge, entre ce qui est bien et ce qui est mal. Il nous sort de l’anesthésie dans laquelle le démon plonge le monde.
Père E. Marot : Il y a un combat très fort par rapport au Sacré-Cœur de Jésus. Alicia dit d’ailleurs souvent : « Si on se consacre au Cœur de Jésus, Satan n’a plus qu’à faire ses valises. » C’est la force de cette consécration, qui est une réponse à notre consécration baptismale. Être aimé et aimer comme Dieu nous aime.