Chapelle Sixtine
Lundi 2 juin 2025
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Chers frères et sœurs !
Nous sommes réunis aujourd’hui dans la chapelle Sixtine pour commémorer, en cette Année jubilaire consacrée à l’espérance, un apôtre de l’espérance : le bienheureux cardinal Iuliu Hossu, évêque gréco-catholique de Cluj-Gherla, pasteur et martyr de la foi pendant la persécution communiste en Roumanie. Aujourd’hui, d’une certaine manière, il entre dans cette chapelle, après que saint Paul VI, le 28 avril 1969, l’eut créé cardinal in pectore , alors qu’il était en prison pour sa fidélité à l’Église romaine.
Je salue avec joie tous ceux qui sont présents : les représentants de l’Église gréco-catholique de Roumanie, les Autorités et, en particulier, l’Honorable Silviu Vexler, Président de la Fédération des Communautés juives de Roumanie.
Cette année est particulièrement dédiée au cardinal Iuliu Hossu, symbole de fraternité au-delà de toute frontière ethnique ou religieuse. Sa démarche de reconnaissance comme « Juste parmi les Nations », initiée en 2022, repose sur son engagement courageux à soutenir et à sauver les Juifs de Transylvanie du Nord lorsque, entre 1940 et 1944, les nazis mirent en œuvre le tragique plan de déportation vers les camps d’extermination.
Au péril de sa vie et de l’Église gréco-catholique, le bienheureux Hossu entreprit de nombreuses actions en faveur des Juifs afin d’éviter leur déportation. Au printemps 1944, alors que se préparait leur ghettoïsation à Cluj-Napoca (en hongrois Kolozsvár) et dans d’autres villes de Transylvanie, il mobilisa le clergé et les fidèles gréco-catholiques et publia le 2 avril 1944 une lettre pastorale, dont nous avons le témoignage par l’intermédiaire de Moshe Carmilly-Weinberger, ancien grand rabbin de la communauté juive de Cluj-Napoca, dans laquelle il lançait un appel vibrant et profondément humain : « Notre appel », écrivait-il, « s’adresse à vous tous, vénérables frères et fils bien-aimés, pour que vous aidiez les Juifs non seulement par vos pensées, mais aussi par votre sacrifice, sachant qu’aujourd’hui nous ne pouvons accomplir œuvre plus noble que cette aide chrétienne et roumaine, née d’une ardente charité humaine. Notre première préoccupation du moment présent doit être cette œuvre de secours. » Selon le témoignage de l’ancien grand rabbin lui-même, le cardinal Hossu, dans les années 1940-1944, a contribué à sauver de la mort des milliers de juifs dans le nord de la Transylvanie.
L’espérance du grand pasteur était celle de l’homme fidèle, qui sait que les portes du mal ne prévaudront pas contre l’œuvre de Dieu.
Sa vie fut un témoignage de foi vécue pleinement, dans la prière et le dévouement aux autres. Homme de dialogue et prophète d’espérance, il fut béatifié par le pape François le 2 juin 2019 à Blaj . À cette occasion, dans son homélie, le pape cita une de ses phrases, synthèse de sa vie : « Dieu nous a envoyés dans ces ténèbres de la souffrance pour pardonner et prier pour la conversion de tous. »
Ces paroles expriment l’essence de l’esprit des martyrs : une foi inébranlable en Dieu, sans haine mais avec une miséricorde qui transforme la souffrance en amour envers les persécuteurs. Elles demeurent encore aujourd’hui une invitation prophétique à surmonter la haine par le pardon et à vivre la foi avec dignité et courage.
Proche des souffrances du peuple juif, culminant avec la tragédie de l’Holocauste, l’Église sait bien ce que signifient douleur, marginalisation et persécution. C’est précisément pour cette raison qu’elle ressent l’engagement de construire une société centrée sur le respect de la dignité humaine, comme une exigence de conscience.
Le message du cardinal Hossu est plus actuel que jamais. Son action pour les Juifs de Roumanie, ses actions pour protéger les autres, malgré tous les risques et dangers, font de lui un modèle d’homme libre, courageux et généreux, allant jusqu’au sacrifice suprême. C’est pourquoi sa devise, « Notre foi est notre vie », devrait devenir celle de chacun de nous. J’espère que son exemple, qui anticipait le contenu de la Déclaration Nostra aetate du Concile œcuménique Vatican II – dont le soixantième anniversaire approche – ainsi que votre amitié, seront une lumière pour le monde d’aujourd’hui : disons « non » à la violence, à toute violence, et encore plus si elle est perpétrée contre des personnes désarmées et sans défense, comme les enfants et les familles !
Que Dieu bénisse chacun d’entre vous et vos proches !