Alors que la guerre civile reprend en intensité à l’Est du Congo, l’archevêché de Bukavu enjoint les fidèles à résister à l’ambiance de haine et de violence qui s’est emparée de toute la région du Kivu.

Une nouvelle fois, des colonnes de réfugiés fuient le nord Kivu. Goma a été prise par les rebelles du M23, malgré la présence de la force du Monusco (Mission des Nations Unies pour la stabilisation du pays). Comme lors des guerres qui émaillent le pays depuis 25 ans, des groupes armés hors de contrôle sèment la désolation et emploient la terreur comme une arme de guerre. Le gouverneur de la ville de Goma lui même est tombé sous les balles.
Le conflit s’étend à présent au Sud-Kivu, s’inquiète Ndèye Khady Lo, porte-parole de la Monusco. Les forces gouvernementales, malgré leurs communiqués rassurants, ne parviennent pas à enrayer le mouvement de panique qui s’empare de la population, harassée par des années de conflits et de crises économiques.
Face à cette situation, l’archevêché de Bukavu rappelle dans un communiqué qu’en cette année jubilaire, les chrétiens sont appelés à se faire « témoins de l’espérance ». Alors que les destructions sèment la peur ou la colère, les chrétiens ne doivent pas se laisser contaminer par « l’esprit du mal ».
Voici le communiqué de Mgr François-Xavier Maroy Rusengo, archevêque métropolitain de Bukavu, daté du 22 janvier 2025 :
Bien chers frères et soeurs
A tout notre peuple, Eglise-Famille qui est Bukavu
A tous les hommes et femmes de bonne volonté.
« Que devons nous faire ? »
Nous venons à peine de clôturer les festivités de Noël 2024 avec l’avènement de l’Emmanuel Dieu avec nous, Prince de la paix, avec l’ouverture de l’année jubilaire 2025 par le pape François, la nuit de Noël ; et dans nos Diocèses respectifs le dimanche de la Sainte Famille. A la Fête de Nouvel An 2025, nous avons célébré Marie Mater Dei et nous avons prié pour la Paix dans le monde en général et dans notre pays en particulier car la situation sécuritaire qui prévaut ici à l’Est du pays reste très préoccupante.
Depuis deux ans, nombreux de nos frères et soeurs n’ont leurs yeux que pour pleurer et leurs pieds que pour fuir, parfois sans destination et même les camps des déplacés ne sont pas sécurisés, plusieurs villages sont saturés et d’autres vidés de leurs populations. « Si je sors dans la campagne, voici les victimes de l’épée. Sije rentre dans la ville, voici les torturés par la faim ;tant le prophète que le prêtre sillonnent le pays : ils ne comprennent plus » (Jr 14,18). Ne savons-nous pas qu’aucun positionnement politique ou dividende économique ne peut se négocier sur les cadavres de ses propres compatriotes ? D’ailleurs ceux-là qui veulent réellement diriger doivent le démontrer avec des actions positives de terrain pour sécuriser les personnes et leurs biens. C’est Ia redevabilité. Nous sommes tous frères et soeurs créés à l’image d’un seul Dieu et nous sommes appelés à bâtir la paix. Rien ne saurait légitimer une agression contre des populations civiles et ‘la guerre ne fait que détruire à la racine tout effort de dialogue, de tolérance et de fraternité. Face à la violence, irréfléchie et aveugle qui déferle de tout côté, efforçons-nous de résister avec toute la force de notre foi sans nous laisser entraîner par un égal esprit de violence et de vengeance. Face à la jalousie et au mensonge, que chacun s’abstienne de raconter des fausses nouvelles qui peuvent semer la confusion et la nervosité’.
Pèlerins d’espérance en cette année sainte et jubilaire, gardons dans nos mémoires ces sages recommandations: « ne perdons pas cæur, Ne nous laissons pas entraîner par l’esprit du mal. Prions le Seigneur et demandons-lui que toutes les communautés en conflits dans notre Région des Grands Lacs trouvent un chemin d’entente pour vivre dans la paix sans distinction de tribus, d’ethnies et de races et à respecter Ie lieu de vie de chacune de nos tribus, Cela éviterait à certains d’errer sans issue ou d’être contraints de vivre lamentablement en bandes armées de pillards et d’assassins », disait un sage.
Chers frères et soeurs, Restons chez-nous, n’abandonnons pas nos villages et nos maisons, Nous n’avons qu’une patrie et elle n’est ni à vendre, ni à saucissonner, C’est une terre que Dieu nous a donnée et que les ancêtres nous ont léguée, Protégeons-la et veillons sur elle sans complicité ni duplicité. Nous demandons à ceux et celles qui ont reçu mandat de nous protéger d’exercer réellement leur charge en assumant leurs choix politiques pour le peuple, pour la patrie, pour la nation toute entière,
Gardons notre élan de solidarité, surtout avec nos frères et soeurs, victimes de toute sorte de calamité, tout en restant vigilants sans céder à la haine ou la vengeance sous toutes ses formes en se livrant à des actes de vandalisme ou de pillages.
Soyons responsables des uns et des autres dans le bien, jamais dans le mal.
Chers frères et soeurs » Si Yahvé ne bâtit la maison en vain peine les bâtisseurs ; si Yahvé ne garde la Ville en vain la garde veille » Ps 127,1
Mgr François-Xavier Maroy Rusengo
Archevêque métropolitain de Bukavu