Fête-Dieu 14 juin 2020, capture @ Vatican Media

Fête-Dieu 14 juin 2020, capture @ Vatican Media

« Adorer, adhérer, partager », par Mgr Francesco Follo

Solennité du Saint-Sacrement

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L’Eucharistie est un don : « le Corps et la vie du Fils. Dans l’Eucharistie, où nous recevons en don le corps du Christ donné pour nous et pour tous , s’accomplit toute promesse de Dieu », explique Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco.

« Nous vivons dans l’Eucharistie toutes les fêtes que nous célébrons dans l’année, de Noël à Pâques, de la Pentecôte à la Trinité, rappelle-t-il. Nous recevons une vie nouvelle, à travers le Fils. L’important est de ne pas garder ce don pour soi, mais de le partager ».

Voici la méditation proposée par Mgr Follo pour la solennité du Corps et du Sang de Jésus.

 

Adorer, adhérer, partager

Solennité du Corps et du Sang du Christ

Année C – 19 juin 2022

Gen 14,18-20; Ps 109; 1Cor 11,23-26; Lc 9,11-17

            1) Multiplier le pain et rompre le Pain de vie.

Cette année, pour nous faire vivre la Fête-Dieu, la liturgie nous propose un passage de l’Evangile selon saint Luc qui raconte le miracle de la multiplication des pains accompli dans les environs de  Bethsaïde (maison de la pêche en juif), le village de Pierre, André et Philippe (cf. Jn 1,44).

De retour, avec ses disciples de son travail ‘d’évangélisation’, Jésus s’était retiré dans ce lieu désert, solitaire, pour se retrouver un peu seul avec les siens et, probablement, leur donner la possibilité de se reposer de leur « lourde » tâche missionnaire. Une grande foule accourt vers Jésus. Toutes ces personnes ont faim de paroles qui leur expliquent la vraie vie, et elles viennent avec des malades. Jésus accueille tout le monde. Il leur parle de Dieu et de son Règne, guérit ceux qui en ont besoin. Car la mission du messie est d’enseigner, guérir et nourrir l’âme et le corps.

Pour la fête du Saint sacrement du Corps et du Sang du Christ (ou Fête-Dieu), c’est à cette prédication et ce soin spirituel et matériel que s’attache aujourd’hui le passage choisi sur la multiplication des pains (Lc 9,11-17), image du pain eucharistique, car «  ni pour Dieu ni pour nous, donner Sa parole suffisait. L’homme a trop faim et Dieu a du donner sa Chair et son Sang » (Divo Barsotti).

Les phrases centrales sont celles que l’on répète à chaque fois que nous célébrons l’eucharistie : « Il prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule » (cf. Lc 11, 16).

Je crois bon d’affirmer que tout l’Evangile illustre ces paroles, qui sont à lire dans le contexte des versets précédents, en particulier les 12 et 13: « Le jour commençait à baisser. Alors les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent : « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres ; ici nous sommes dans un endroit désert. Mais Jésus leur dit : “Donnez-leur vous-mêmes à manger” ».

Jésus avait déjà donné aux Douze le mandat de prêcher l’évangile et de guérir les malades. Maintenant il leur confie la mission de donner à manger aux foules. Ici, l’épisode de la multiplication des pains et des poissons indique que Jésus ne veut pas seulement rassasier, mais accomplir un geste révélateur, montrer comment Dieu veut que les hommes se comportent.

Selon les disciples, c’est aux gens de la foule d’aller s’acheter des vivres. Alors que pour Jésus,  au lieu d’acheter il faut partager. Cela signifie que les relations entre nous et les autres, entre nous et la Terre, doivent changer. Nous avons là tout le sens de l’Eucharistie, qui dit non seulement ‘présence’ de Dieu mais une présence transformée en pain rompu et une vie partagée. Les choses que nous possédons – peu ou beaucoup – sont toujours des dons de Dieu, à partager avec les autres, et non à utiliser malgré les autres. Si les disciples étaient allés eux-mêmes acheter du pain pour la foule (« à moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple » – Ibid. 9, 13), ils auraient eu un geste de philanthropie, et non un geste qui ouvre nos relations à une autre logique, celle du don, capable de révéler un nouveau visage de Dieu, communion d’amour et de don.

Et ainsi se lève un nouveau jour. En effet, ce n’est pas par hasard si saint Luc a écrit: « Le jour commençait à baisser » (Ibid. 9, 12) : comment oublier le soir des disciples d’Emmaüs (Ibid. 24, 13-15)  mais surtout le soir de la Cène (Ibid. 22, 19-20) quand il institua l’Eucharistie: le jour arrivait à son terme et il en commençait un « nouveau ». Quand nous pensons être à la fin de la journée, cette fin est en fait le début de Sa journée,  sans crépuscule.

2) La logique du don.

Il est vrai que dans ce passage de l’évangile,  les gestes de Jésus  – rompre le pain et le distribuer avec l’aide des disciples – font penser au repas eucharistique. Toutefois, il ne s’agit pas d’une simple préfiguration symbolique de l’Eucharistie mais d’une vraie et profonde révélation de Jésus et de son existence et, donc, d’une vraie révélation du geste eucharistique. Pour saint Luc la distribution des pains, la dernière Cène, le repas d’Emmaüs, sont les piliers autour desquels se manifeste la logique de l’existence de Jésus: une vie offert en don.

L’Eucharistie est ce don: le Corps et la vie du Fils. Dans l’Eucharistie, où nous recevons en don «  le corps du Christ donné pour nous et pour tous », s’accomplit toute promesse de Dieu. Nous vivons dans l’Eucharistie toutes les fêtes que nous célébrons dans l’année, de Noël à Pâques, de la Pentecôte à la Trinité. Nous recevons une vie nouvelle, à travers le Fils. L’important est de ne pas garder ce don pour soi, mais de le partager.

Mais ce partage est possible si on brise le pain (ce n’est pas par hasard qu’un des noms de la messe soit « fractio  Panis » du latin « frangere » qui veut dire «  rompre, briser, émincer, couper en morceaux »).         Le verbe « rompre » apparaît dans tous les récits illustrant l’institution de l’Eucharistie, dans ceux parlant de la multiplication des pains et celui des disciples d’Emmaüs. Les verbes sont toujours quatre: il prit, bénit, rompit et donna. Et toujours dans la même séquence. Que de fois les avons-nous entendus : jusqu’à, peut-être, en avoir fait l’habitude.

Si Jésus accepte d’être coupé en morceau sans hésitation ni résistance, c’est par amour pour nous. Il partage sa vie en «  la brisant », en se laissant couper en tant de petits morceaux pour les donner à bien plus des 5 000 personnes dont parle l’Evangile du jour.

Comment pouvons-nous apprendre de Lui pour être comme Lui? En faisant la communion et acceptant de nous « distribuer » en toute confiance. Accueillons la vocation à nous donner, en vivant de manière eucharistique, c’est-à-dire en unissant les efforts de notre travail quotidien et ceux d’une vie vécue dans l’amour de Dieu.

Tandis que nous prions le Seigneur de nous aider à imiter dans la vie quotidienne ce qu’aujourd’hui nous célébrons, prenons exemple sur les vierges consacrées dans le monde, car «  le Mystère eucharistique a aussi un rapport intrinsèque avec la virginité consacrée, en tant qu’elle est expression du don exclusif de l’Église au Christ, qu’elle accueille comme son Époux avec une fidélité radicale et féconde. Dans l’Eucharistie, la virginité consacrée trouve inspiration et nourriture pour sa donation totale au Christ » (Benoît XVI, Sacramentum caritatis, n. 81)

La vierge consacrée aime avec passion l’Eucharistie. Elle reçoit du Christ « inspiration » et « nourriture ». Toujours prête à recevoir l’amour intime du Seigneur et à le rendre sous forme de prière et de service, elle se nourrit quotidiennement d’eucharistie. Ceci lui donne la force de se présenter publiquement comme vierge, dans une société qui a beaucoup de mal, quand elle ne s’y oppose pas, à accepter la présence de personnes qui sont des femmes non seulement consacrées mais vierges.

Ces vierges témoignent qu’il vaut mieux vivre comme si Dieu existait, que Dieu est la raison de la vie, de la vraie vie, une vie heureuse. En faisant cela, elles sont des «  témoins de la joie de l’Evangile » (Pape François).

Leur vie montre que se réalise tout ce que l’évêque promet à l’homélie: « Le Christ, Fils de la Vierge et époux des vierges, sera votre joie et votre couronne sur la terre, jusqu’à ce qu’il vous conduise aux noces éternelles dans son royaume où, en entonnant le chant nouveau, vous suivrez l’Agneau partout où il ira » (Rituel pour la consécration des Vierges, Projet d’homélie, n. 29) et dans la prière de consécration: «  Seigneur, sois pour elles la joie, l’honneur et l’unique volonté ; sois leur réconfort dans l’affliction ; sois leur conseiller dans l’incertitude ; sois leur défense dans le danger, leur patience dans l’épreuve, l’abondance dans la pauvreté, nourriture dans le jeûne, leur remède dans la maladie. En toi, Seigneur, qu’elles possèdent tout,  parce qu’elles T’ont choisi, Toi seul par dessus tout » (Ibid., n. 38). La vierge consacrée est un don d’amour fidèle à Dieu et spirituellement fécond pour l’Eglise. C’est une histoire d’humilité et de vie cachée,  d’une vie déjà éternelle, joie anticipée d’une attente qui est déjà présence.

           Lecture Patristique

Saint Thomas d’Aquin (1225 – 1274)

Opusc. 57. lect. 1-4

Le mystère de l’Eucharistie.

Le Fils unique de Dieu, voulant nous faire participer à sa divinité, a pris notre nature afin de diviniser les hommes, lui qui s’est fait homme.

En outre, ce qu’il a pris de nous, il nous l’a entièrement donné pour notre salut. En effet, sur l’autel de la croix il a offert son corps en sacrifice à Dieu le Père afin de nous réconcilier avec lui; et il a répandu son sang pour qu’il soit en même temps notre rançon et notre baptême : rachetés d’un lamentable esclavage, nous serions purifiés de tous nos péchés.

Et pour que nous gardions toujours la mémoire d’un si grand bienfait, il a laissé aux fidèles son corps à manger et son sang à boire, sous les dehors du pain et du vin.

Banquet précieux et stupéfiant, qui apporte le salut et qui est rempli de douceur ! Peut-il y avoir rien de plus précieux que ce banquet où l’on ne nous propose plus, comme dans l’ancienne Loi, de manger la chair des veaux et des boucs, mais le Christ qui est vraiment Dieu ? Y a-t-il rien de plus admirable que ce sacrement ? ~

Aucun sacrement ne produit des effets plus salutaires que celui-ci : il efface les péchés, accroît les vertus et comble l’âme surabondamment de tous les dons spirituels !

Il est offert dans l’Église pour les vivants et pour les morts afin de profiter à tous, étant institué pour le salut de tous. Enfin, personne n’est capable d’exprimer les délices de ce sacrement, puisqu’on y goûte la douceur spirituelle à sa source et on y célèbre la mémoire de cet amour insurpassable, que le Christ a montré dans sa passion.

Il voulait que l’immensité de cet amour se grave plus profondément dans le cœur des fidèles. C’est pourquoi à la dernière Cène, après avoir célébré la Pâque avec ses disciples, lorsqu’il allait passer de ce monde à son Père, il institua ce sacrement comme le mémorial perpétuel de sa passion, l’accomplissement des anciennes préfigurations, le plus grand de tous ses miracles ; et à ceux que son absence remplirait de tristesse, il laissa ce sacrement comme réconfort incomparable.

 

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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