Veillée de Pâques, 3 avril 2021 © Vatican Media

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« Allumer le feu de l’amour sur la terre », par Mgr Francesco Follo

Méditation de l’Evangile de dimanche 14 août

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« Avec des paroles de feu, le Christ nous communique un amour sans fin qui a pour fin, pour but de nous faire entrer dans l’Amour », explique Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco.

« Le Fils de Dieu a le désir d’allumer le feu de l’amour sur la terre ». Il est lui-même ce « feu allumé, qui réchauffe et renouvelle, et qui rend capable d’aimer et de servir l’homme, notre prochain avec un amour divin », il est « le feu qu’il faut porter “dans” la terre de notre cœur ».

Voici la méditation proposée par Mgr Francesco Follo pour ce dimanche 14 août.

 

Feu d’Amour qui forme, purifie et donne lumière et chaleur.

XX Dimanche du Temps ordinaire – Année C – 14 aout 2022

Jér 38,4-6.8-10; Ps 39; Héb 12,1-4; Lc 12,49-53

            1) Désir.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus, le Verbe de Dieu fait homme pour le salut de tous, parle de son désir intense et angoissé de réaliser dans le temps, la mission que le Père lui a confiée. Avec des paroles de feu, le Christ nous communique un amour sans fin qui a pour fin, pour but de nous faire entrer dans l’Amour.

Avant de commenter ces paroles, je propose de les relire : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère » (Lc 12,49-53)

Naturellement, lorsque le Rédempteur parle de division, de « haine », il ne l’entend pas de la même façon que nous, c’est-à-dire un sentiment pervers contre quelqu’un mais le détachement total de soi pour faire place à l’Amour : un Amour qui en Jésus était vraiment un « baptême », un « feu » d’amour qui Le brûlait à l’intérieur.

Le Fils de Dieu a le désir d’allumer le feu de l’amour sur la terre. Il s’agit d’un feu de lumière et d’amour parce que :

  • c’est le feu du Saint Esprit donné à la Pentecôte ;
  • c’est le feu qui fait en manière la vérité devienne en nous charité et que la charité allume comme le feu le prochain que nous rencontrons parce que l’amour est comme le feu, si tu ne l’alimentes pas, il s’éteint ;
  • c’est le feu purificateur du jugement de Dieu, feu d’Amour miséricordieux qui sauve le monde.

Donc, Jésus a cet immense désir d’allumer le feu,

  • qui est l’Amour qui donne forme au le monde,
  • qui est l’Amour qui purifie et transforme
  • qui est l’Amour puissant qui donne lumière et chaleur.

Si nous passons devant un feu allumé, nous en ressentons la chaleur. Le Christ est le feu allumé, qui réchauffe et renouvelle, et qui rend capable d’aimer et de servir l’homme, notre prochain avec un amour divin.

Jésus est le feu qu’il faut porter « dans » la terre de notre coeur.

Jusqu’à quand tous les coeurs et les esprits humains ne seront pas incendiés par ce feu, la parole de l’évangile aura un son inefficace et le Règne sera encore loin.

Pour renouveler la fragile et malade famille des hommes, il est nécessaire qu’il y aie un incendie de douleur et de passion. La saleté qui barbouille le corps, obstrue la bouche, les oreilles et suffoque les coeurs, doit être incinérée par le feu spirituel que Jésus est venu allumer. Ce feu n’est pas seulement la destruction du mal, mais il est salut du bien, feu de sainteté.

Le Christ nous donne un feu qui ne s’éteint pas, qui vient du ciel, c’est le feu de l’Esprit du Christ. Un feu de l’Esprit qui renouvelle la face de la terre et la rend en une expression lumineuse et chaude de la présence divine entre nous : c’est le feu de son Esprit, c’est le baptême de l’Amour, baptême d’Esprit et de feu.

            2) Angoisse.

Toujours dans l’Evangile d’aujourd’hui, le Christ parle de son désir d’allumer le feu de l’Amour sur la terre. En même temps, il parle aussi de son angoisse qui accepte que ce feu doit passe à travers l’eau de sa mort. Aussi notre vie présente est toujours une lutte entre le désir du bien et l’angoisse du mal, entre la paix et les choix difficiles. C’est un conflit que nous sommes appelés à vivre avec discernement, en sachant que toujours, en chaque jour de notre vie, nous sommes appelés à choisir ce qui est juste, même s’il y a un coût à payer.

Mais pourquoi Jésus parle d’angoisse ? Le Christ nous dit qu’Il est dans l’angoisse, parce qu’il sait que ce feu sera allumé et partagé à travers sa mort sur la Croix. Ce saint Bois est le berceau de la nouvelle Bethléem, qui signifie « ville du pain », c’est la mangeoire du Pain consommé, c’est la nouvelle auberge d’Emmaüs du pain rompu, la nouvelle Béthanie, que signifie « maison du pain » parfumé offert aux hommes pour toujours. C’est à Béthanie que Marie lava les pieds au Christ avec le baume de nard, symbole de la miséricorde.

Jésus est angoissé parce qu’il sait que ce feu vient d’un baptême, d’une eau qui jaillit de Lui sur la croix. La croix est le creuset capable de nous transformer en témoins (en grec : martyres) qui suivent le Christ, le martyre par excellence. Dans le coeur de l’Eglise le coeur du Christ bat : l’angoisse et le désir ardent qui l’ont poussé à témoigner dans l’urgence sur la vérité, poussent les apôtres et tous les chrétiens à annoncer l’Evangile.

            3) Division ou Paix ?

Le feu du Christ est capable de s’étendre sans faire les dégâts d’un incendie. Il crée des liens chaleureux avec un vif échange animé : un feu de vie et de paix. La paix de Jésus repose sur l’amour désintéressé et libre qui se donne gratuitement.

A ce point, une question spontanée nait : « Pourquoi, si le Christ est le Prince de paix, dit qui est venu porter la division et non la paix ? ».

Cette contradiction naît non pas parce que Jésus est venu pour porter la division et la guerre dans le monde, mais parce que la division et le contraste naissent inévitablement de sa venue à cause du fait qu’il met les personnes face à la décision. Et devant la nécessité de se décider, la liberté humaine réagit différemment et de façon contradictoire. La parole du Rédempteur et sa propre personne font ressortir tout ce qui est caché au plus profond du coeur humain. Le vieux Siméon l’avait prédit en prenant dans ses bras l’enfant Jésus : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre » (Lc 2, 34-35). Le Christ sera la première victime de cette contradiction, le premier à souffrir de l’ « épée » qu’ il est venu porter sur la terre. Ce sera Lui qui en ce conflit perdra la vie pour nous donner la Vie.

            4) Les Vierges consacrées dans le monde et la division.

Dans la vie, l’attente des belles choses ouvre notre coeur à la joie : l’attente de choses tristes et moches nous mettent face au drame de la peur, de l’inconnu. Dans ce cas, c’est un saut dans le noir. Jésus, au contraire est lumière, espoir, joie et sérénité : il est Tout.

Les vierges consacrées dans le monde s’offrent à ce Tout sans réserve. Elles aussi expérimentent la division que le Christ porte. En effet, la virginité implique ce détachement radical de la chaire pour être en totale et exclusive communion avec le Christ.

Ce n’est pas seulement une division qui nous sépare de « quelque chose » mais qui nous détache de choses pour être unis à « Quelqu’un », au Christ qui nous aime jusqu’à donner sa propre vie. Donc la division du monde devient un partage de grâce et un signe pour le monde que c’est beau et heureux se donner à Dieu, qui est leur constant interlocuteur. Ces femmes dans le dialogue avec Dieu s’ouvrent au dialogue avec toutes les personnes qui vivent dans le monde, vers lesquelles elles deviennent mères, mères des enfants de Dieu (cf. RCV, 29).

De cette façon, avec leur don virginal, les vierges consacrées témoignent qu’être disciples du Christ signifie Lui appartenir. C’est le sens plus profond des paroles dures et difficiles de l’Evangile d’aujourd’hui : il faut « oser » la haine, la division, même la plus dure, sans jamais se retourner en arrière pour ensevelir ou dire au revoir à nos familiers. Pour amour des nôtres, souvent, nous sommes appelés à couper radicalement, parce que « l’adversaire rusé, quand il se voit chassé du coeur des bons, cherche ce qui sont beaucoup aimés par eux et parle à travers leur mots affectueux et séduisants afin que, le coeur pénétré avec la force de l’amour, l’ épée persuasive de la tentations perce facilement dans les fortifications de la rectitude intérieure » (St Grégoire le Grand).

 

Lecture patristique

Denys le Chartreux (+ 1471)

Commentaire sur l’évangile de Luc

Opera omnia, 12, 72-74.

Je suis venu apporter un feu sur la terre, je suis descendu du haut du ciel et, par le mystère de mon Incarnation, je me suis manifesté aux hommes pour allumer dans les coeurs humains le feu de l’amour divin; et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé (Lc 12,49), c’est-à-dire qu’il prenne et devienne une flamme activée par l’Esprit Saint, et qu’il fasse jaillir des actes de bonté ! Le Christ annonce ensuite qu’il subira la mort sur la croix avant que le feu de cet amour n’enflamme l’humanité. C’est, en effet, la très sainte passion du Christ qui a valu à l’humanité un don aussi grand, et c’est avant tout le souvenir de sa passion qui allume une flamme dans les coeurs fidèles.

Je dois recevoir un baptême, autrement dit: « Il m’incombe et il m’est réservé par une disposition divine de recevoir un baptême de sang, de me baigner et de me plonger comme dans l’eau, dans mon sang répandu sur la croix pour racheter le monde entier; et quelle n’est pas mon angoisse jusqu’à ce qu’il soit accompli (Lc 12,50), en d’autres termes jusqu’à ce que ma passion soit achevée, et que je puisse dire: Tout est accompli (Jn 19,30)! » Le Christ, en effet, était sans cesse animé par l’amour.

Il expose ensuite le moyen de parvenir à la perfection de l’amour divin : Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde (Lc 12,51) ? C’est comme s’il disait : « Ne pensez pas que je sois venu donner aux hommes la paix selon la chair et le monde, la paix sans aucune règle, qui les ferait vivre en bonne entente dans le vice et leur assurerait la prospérité sur cette terre. »

Non, je vous le dis, ce qui signifie : « Je ne suis pas venu apporter une paix de ce genre, mais la division (Lc 12,52), une bonne et très salutaire séparation des esprits et même des corps. Ainsi, parce qu’ils aiment Dieu et recherchent la paix intérieure, ceux qui croient en moi se trouveront naturellement en désaccord avec les méchants ; ils se sépareront de ceux qui tentent de les détourner du progrès spirituel et de la pureté de l’amour divin, ou s’efforcent de leur créer des difficultés ».

Donc, la paix spirituelle, intérieure, la bonne paix, c’est la tranquillité de l’âme en Dieu, ou la bonne entente selon l’ordre juste. Le Christ est venu apporter cette paix avant toutes choses. La paix intérieure a sa source dans la charité. Elle consiste en une joie inaltérable de l’âme qui est en Dieu. On l’appelle la paix du coeur. Elle est le commencement et un certain avant-goût de la paix des saints qui sont dans la patrie, de la paix de l’éternité.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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