Mgr Follo, 2016 © courtoisie de la Mission du Saint-Siège à l'UNESCO

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La vie c’est être et non avoir

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Méditation proposée par Mgr Follo

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Avec l’invitation à prendre toujours davantage conscience que la vie du monde dépend de notre prière.

XVIII Dimanche du Temps ordinaire – Année C – 31 juillet 2022

Rite Romain

Qo 1,2;2,21-23, Ps 89 3,1-5.9, Lc 12, 13-21

Rite ambrosien

1r. 21, 1-19; Ps 5; Rm 12, 9-18; Lc 16, 19-31

XI Dimanche après la Pentecôte

  1. Donner pour vivre.

Le passage de l’évangile (Lc 12,13-21) que la liturgie de ce XVIIIème dimanche nous  propose fait partie d’un discours de Jésus sur la confiance en Dieu qui éloigne chaque peur (Id. 12, 6-7 ) et sur l’abandon à la providence de Dieu (Id. 12,22-32). Il s’agit d’un texte qui intègre parfaitement la 1ere lecture de la liturgie d’aujourd’hui et qui est tiré du livre du Qoelet. Dans ce livre de l’Ancien Testament, on parle de la vanité de chaque chose humaine et terrestre, c’est-à-dire de la précarité de l’existence humaine et des biens matériels.

 Jésus ne méprise pas les biens de la terre, il ne conteste pas les  brèves joies terrestres. Il ne veut pas nous détacher de cette vie. Il nous dit qu’elle est un chemin vers le bonheur que l’on peut l’atteindre dans sa plénitude seulement avec et en Lui.

Le Christ enseigne qu’il n’y a pas de lendemain pour celui qui vit seulement de biens matériels. Qui vit seulement pour le corps, il ne vit pas o, s’il vit, sa vie est comme un souffle, elle est vanité, parce que celui qui accumule seulement  pour lui, disperse (Lc 11,23). Il n’y a pas de lendemain qui dure pour celui qui vit de choses, parce que les choses ont une fin et le  drame des choses est que leur fin est poussière.

« L’homme qui accumule pour soi » éteint tout seul sa vie et remplace le désir d’infini avec une infinité des choses vaines. Qui dit à soi-même : « Repose-toi, mange, boit et jouit » il vit sans mystère, sans savoir que le chrétien est l’inquiétude plus grande de l’esprit, est l’impatience de l’éternité dans un monde pervers qui crucifie l’amour (Kierkergaard).

Alors, la question correcte est « comment s’enrichir devant Dieu? »: « En donnant ». Devant lui, nous sommes riches seulement de ce que nous avons donné. « A la fin de la vie nous serons jugés sur  l’Amour ( Saint Jean de la Croix), un amour reçu, donné et partagé.

 L’ être humain vit d’ une vie donnée, d’ une vie reçue et transmise. Lorsque nous arrêtons de transmettre la vie autour de nous,  à ce moment la vie flétrie en nous. L’homme vit aussi du  joyeux plaisir  du pain quotidien, mais d’un pain qui soit  » nôtre », à demander et à donner , et qui nous rend quotidiennement dépendants du ciel, de « Notre Père » , provident et miséricordieux.

  1. La vie ne dépend pas de ce que l’on a.

  La phrase de Jésus : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède » exprime la substance de la parabole d’aujourd’hui qui parle du riche satisfait d’avoir beaucoup de choses et qui pense d’avoir la vie qui dure. Le Messie parle d’ une personne insensée qui pense être en lieu sûr pendant de nombreuses années en ayant accumulé beaucoup de biens. Mais  cette nuit-là  on Lui est demandé comptes de sa vie. Donc, Jésus nous apprend combien il est stupide et vain de mettre sa propre confiance dans les biens que nous possédons. Il est insensé croire que le salut, la vie rédimée consiste dans le posséder toujours davantage. Ce n’est pas la simple propriété qui est condamnée mais l’illusion de trouver la sécurité dans les bien que l’on possède.

  Je pense qu’il soit licite affirmer que le Rédempteur a transformé en une parabole un concept traditionnel de l’Ancien Testament. C’est le concept de « vanité »  qui a son expression la plus aigüe dans le livre de Qoelet : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Qu’est-ce-que cela signifie? Qoelet (Ecclésiastique) est un homme désenchanté qui au fond de toutes les expériences de l’homme : toutes les choses que l’homme cherche et réalise ne maintiennent pas leurs promesses : au fond, elles sont inconsistantes. Qoelet identifie trois formes de vanité : l’effort stérile de l’homme ; la fragilité des  objectifs  atteints ; les nombreuses anomalies et injustices dont la vie est pleine. Mais la parabole de Jésus ne se limite  pas de constater la vanité et ne tient pas à simplement désenchanter l’homme  en le libérant de la fascination de l’avoir. Elle indique plus profondément le vrai parcours de la libération  : «  Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu »  (Lc 12,21).  Donc , c’est le « pour soi » qui n’est pas juste et qui devrait être remplacé par l’orientation de s’’enrichir « en vue de Dieu ».

Cette orientation implique trois choses concrètes :

la 1ère est que s’enrichir devant Dieu signifie  ne pas tomber dans la tentation de l’ essoufflement, de l’ angoisse, comme si tout dépendait de nous et seulement de nous ;

la 2ème  est que s’enrichir d’une manière évangélique en vue de Dieu signifie subordonner tout  ce que nous sommes et ce que nous avons – travail, biens, affections, et la vie même – à Dieu et à son amour ;

3ème est que s’enrichir devant Dieu implique – comme je l’ai écrit dessus – donner, surtout « donner en  aumône », en pratiquant – donc – la miséricorde. Cela implique vivre la vie comme « aumône » (=miséricorde) et comme don de soi, dans le partage des biens et du bien : « Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas » (Lc 12, 33)

S’enrichir en vue de Dieu se concrétise dans le « vivre pour les autres ». La richesse en vue de Dieu augmente dans le partage. Au contraire e « s’’enrichir pour soi-même »  nous plonge dans la vanité, qui nous laisse avec un poing de poussière.

S’il y a quelque chose que nous pouvons porter toujours avec nous et donc aussi outre la mort-, est le bien que nous avons fait et partagé et non les biens accumulés, qui en étant terrestres restent sur la terre.

Ceci ne signifie pas que nous chrétiens méprisons les choses créées. Bien au contraire, lorsque nous arrêtons de vouloir posséder ou consommer les créatures, elles sont vraiment valorisées. Nous voyons la  vraie beauté et pas celle fugace. Lorsque nous utilisons les biens pour le bien, déjà sur la terre notre vie est heureuse. Ce que Dieu a créé, il ne nous l’a pas donné pour que nous l accumulions  mais pour que nous nous en servions dans le chemin de notre destin éternel

Pour cela, prions : « Apprend nous, Seigneur, à utiliser sagement les biens de la terre , toujours orientés aux biens éternels (Liturgie des Heures, Laudes – Dimanche – Ière semaine).

3) Exemple des Vierges consacrées dans le monde

Les Vierges consacrées dans le monde donnent un exemple de comment vivre cette orientation aux biens éternels. Le trésor que ces femmes possèdent ne consiste pas dans les biens qu’elles ont en grande ou petite quantité. Elles s’engagent à les utiliser avec esprit de pauvreté. Leur vraie richesse est l’amour de Dieu.

En vivant avec fidélité la consécration à Dieu, elles témoignent avec toute leur existence la vérité du Psaume 15 (16) : « Garde moi, mon Dieu : j’ai fait de toi mon refuge. J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu ! Je n’ai pas d’autre bonheur que toi … Seigneur, mon partage et ma coupe : de toi dépend mon sort. La part qui me revient fait mes délices ; j’ai même le plus bel héritage !»

Ces femmes s’enrichissent sur le chemin en vue de Dieu  à travers la vie. Elles se tournent à Dieu en paix à travers l’aide du Psaume parce qu’elles ont choisi le Seigneur comme leur refuge. Les difficultés que la vie quotidienne apporte ne leur manquent pas, mais elles sont « riches » de Dieu et sont toujours au service des frères dans le Christ.

À travers la prière de ce psaume, qui devient concret dans leur vie, les vierges consacrées répètent souvent à Dieu: « Tu es mon Seigneur, seulement en toi se trouve mon bien ».

Ces femmes sont certaines que leur véritable destin, leur véritable sécurité et force est vraiment le Seigneur, qui leur donne paix et bonheur : « Le Seigneur est mon partage et ma coupe ». Cette certaine et vraie richesse n’est pas tenue pour soi avarement, mais elle est partagée avec les frères pour une réciproque nourriture de lumière.

De ce psaume elles apprennent leur-même et nous enseignent aussi à prendre, jour après jour, « le chemin de la vie » (Ibid. v. 11), qui arrive à l’éternelle douceur des Cieux, à la droite du Seigneur.

 La vocation des vierges consacrées est choix d’amour et de vie et devient un symbole d’immortalité pour tous ce qui croient et aiment Dieu. Leur témoignage aide à réciter la prière: « Que rien ne te trouble, que rien ne t’épouvante. Tout passe, seulement Dieu ne change pas. La patience obtient tout. Celui qui possède Dieu ne manque de rien: Dieu seul suffit ! Que ton désir soit de voir Dieu, ta peur de le perdre, ton douleur de ne le posséder pas. Que ta joie soit ce qui peut t’emmener envers lui et tu vivras dans une grande paix » (Sainte Thérèse d’Avila). 

Lecture patristique

Saint Basile de Césarée (329 – 379)

Homélies sur la richesse, 6, 1-2

PG 31, 261 -265.

Il y avait, dit l’évangile, un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Il se disait: Que vais-je faire? <> Je vais démolir mes greniers et j’en construirai de plus grands (Lc 12,16-18). Pourquoi donc cette terre avait-elle tant rapporté à un homme qui ne devait faire aucun bon usage de cette fertilité? C’était pour mieux mettre en lumière la patience de Dieu dont la bonté s’étend même sur de telles gens. Car il fait tomber sa pluie sur les justes et sur les injustes, et il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons (Mt 5,45) <>.

De quel état d’esprit cet homme faisait-il montre? L’aigreur du caractère, la haine des hommes, l’égoïsme, voilà ce qu’il offrait en retour à son bienfaiteur. Il oubliait que nous appartenons tous à la même nature. Il ne jugeait pas nécessaire de distribuer son superflu aux pauvres. <>

Mais ses greniers craquaient, trop étroits pour ses immenses dépôts, et son coeur d’avare n’était pas encore comblé. D’ailleurs, ses nouvelles récoltes s’ajoutaient sans cesse aux anciennes et les apports annuels venaient accroître son opulence, de sorte qu’il se trouva dans une situation sans issue. Il n’acceptait pas de se défaire de ses anciennes réserves, tant il était avare, et il n’arrivait plus à entreposer les nouvelles récoltes trop abondantes. De là les projets non réalisés et les angoisses insurmontables.

Que vais-je faire? Qui n’aurait pitié d’un homme en proie à un pareil tourment? <> Car ce ne sont pas des bénéfices que la terre lui apporte, mais des soupirs. Elle ne lui procure pas d’abondants revenus, mais des soucis, des peines et un embarras extrême. Il pousse des lamentations comme le ferait un miséreux. Ne sont-ce pas là les plaintes de celui qui est réduit à la mendicité? Que vais-je faire? Comment vais-je me nourrir, me vêtir? <>.

Considère, homme, celui qui t’a comblé de ses dons. Souviens-toi de toi-même. Rappelle-toi qui tu es, quelles affaires tu conduis, qui te les a confiées, pour quelle raison tu as été préféré à beaucoup. Tu es le serviteur du Dieu bon, tu as la charge de tes compagnons de service. Ne crois pas que tous ces biens sont destinés à ton ventre. Dispose des biens que tu as entre les mains comme s’ils appartenaient à autrui: ils te donneront du plaisir pendant quelque temps, puis s’évanouiront et disparaîtront. Mais il t’en sera demandé un compte détaillé.

Que vais-je faire? La réponse était simple: « Je rassasierai les affamés, j’ouvrirai mes greniers et j’inviterai les pauvres. J’imiterai Joseph, j’annoncerai à tous ma charité, je ferai entendre une parole généreuse: ‘Vous tous, qui manquez de pain, venez à moi. Que chacun prenne une part suffisante des dons que Dieu m’a accordés! Venez y puiser comme à des fontaines publiques.' »

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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