Mgr Francesco Follo, 17 déc. 2018 © Mgr Francesco Follo

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La « manifestation » de Jésus à Pierre, par Mgr Francesco Follo

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Une « rencontre d’amour »

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Voici la méditation des lectures de ce IIIème Dimanche de Pâques, 1er mai 2022, par Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’UNESCO.

« Avec l’invitation à faire comme saint Pierre qui a offert sa douleur au Christ qui Christ l’a confirmé dans son amour ».

 

L’autorité de l’amour et de la miséricorde.

III Dimanche de Pâques – Année C – 1er mai 2022

Ac 5,27-32.40-41 ; Ps 29; Ap 5,11-14 ; Jn 21,1-19

 

1) L’apparition est une manifestation, comme une rencontre d’amour.

La liturgie de la messe d’aujourd’hui nous guide dans la compréhension et la réflexion de la résurrection du Christ, en nous proposant la troisième apparition de Jésus ressuscité aux apôtres.  Pour la précision, rappelons que dans le langage évangélique, le terme « apparition » a une signification bien plus profonde que celle qu’on lui donne aujourd’hui. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de l’apparition d’un fantôme ou de quelque chose d’évanescent. Quand l’évangéliste Jean parle d’ « apparition » il parle du Christ qui se révèle, d’une rencontre royale avec le Ressuscité: c’est une rencontre entre des êtres, qui débouchera sur une reconnaissance, un dialogue, un engagement. En effet, l’évangile de son disciple bien-aimé, nous dit que Jésus se manifeste aux pieuses femmes, à MarieMadeleine, aux disciples d’Emmaüs, aux apôtres dans le cénacle. Enfin, aux rencontres, que la liturgie nous a fait réécouter les dimanches précédents, l’évangile de Jean ajoute aujourd’hui l’apparition du Ressuscité à Pierre et 6 autres disciples, sur les rives du lac Tibériade. Ces derniers viennent de rentrer de leur pêche, qui était jadis leur métier.  Le jour n’est pas tout à fait levé et, Jésus se tient sur le rivage, mais ils ne savent pas que c’est Lui, ne le reconnaissent pas, et l’obscurité n’y est pour rien.

C’est lui, Jésus Ressuscité, qui les éclaire par des signes qui font remonter à leurs esprits des souvenirs. Souvenirs d’expériences vécues avec leur Maître, ce même Jésus qui, maintenant, va au-devant d’eux, se fait « rencontre », après avoir triomphé de la mort.

C’est l’amour du disciple bien-aimé qui a reconnu en premier le Christ.

C’est Pierre qui a pris l’initiative de se jeter de la barque pour arriver le premier jusqu’au Christ. Ces deux faits montrent les deux traits qui caractérisent chaque disciple : l’intuition de leur amour et leur promptitude à nager vers le Christ et jeter leurs filets de pêche, qui fait allusion à leur mission de pêcheurs d’hommes.

2) La pêche et le repas.

La fatigue nocturne des pécheurs fut vaine car Jésus avait dit « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5). Mais avec lui tout change : ils jettent à nouveau leurs filets et cette fois-ci les retirent plein de poissons : 153 gros poissons.

C’est la présence du Seigneur qui remplit les filets, et c’est toujours sa Parole qui rendra efficace, à tout moment, la mission des disciples. Cette mission sera toujours vide sans le Christ et toujours fructueuse avec lui.

Mais le Ressuscité se manifeste, c’est-à-dire apparait aux yeux des disciples, non seulement au moment de leur pêche mais également en les invitant : « Venez manger ».

Il y a une étroite connexion entre la pêche et le repas.  Les disciples reconnaissent le Seigneur quand Il leur dit : « venez manger ». Quand, au lever du jour, Jésus leur distribue le poisson, grillé sur un feu de braise avec du pain, il répète un des gestes les plus symboliques de toute sa vie sur terre : la miséricorde de la table servie. Jésus distribue pain et poissons (Jn 21,13),

Sur la rive du lac, ce geste de distribuer le poisson grillé sur un feu de braise avec le pain, se transforme en un silencieux et vivant souvenir de la multiplication des pains qui avait marqué le dernier repas du Fils de Dieu, avant de mourir. Ce jour-là, Jésus avait accompli ce geste d’amour extrême, pour marquer son dévouement total. Dévouement qui est sa vraie identité, l’identité d’un Dieu qui est Don, et s’est fait homme pour nous sauver en se donnant totalement. Jésus ressuscité se fait reconnaître en accomplissant des gestes de dévouement qui fut la vérité de tout son parcours. Ce dévouement appartient à Jésus sur terre et au Seigneur ressuscité. Cette identité l’accompagne dans chaque situation, elle révèle qui il est véritablement, et demande à être suivie en faisant don de soi.

3) Un vrai dialogue d’amour.

L’évangile d’aujourd’hui se termine par un dialogue très connu entre Jésus et Pierre (Jn 21,1519). Pour avoir la charge de ses brebis, pour être leur berger, le messie ressuscité demande à Pierre de l’amour, rien d’autre.

Si l’Eglise est une communauté d’amour, son chef doit avoir la primeur en amour car il aime le Christ plus que quiconque. Certes, Pierre doit aimer aussi le troupeau qu’il est appelé à conduire vers la sainteté, en l’instruisant et le servant. Mais la condition pour exercer ce « ministère », cette charge, est avant tout d’aimer Jésus. Pour servir les hommes il ne suffit pas de les regarder et de regarder leurs besoins, il faut aimer Jésus Christ plus que quiconque.

Relisons cet échange : « Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. »  Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis.  Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. »  Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. » (Jn 21, 15-19).

Pourquoi le Christ a-t-il demandé à Pierre ce qu’Il savait déjà ? Saint Augustin répond : « A un triple reniement succède une triple confession : ainsi la langue de Pierre n’obéit pas moins à l’affection qu’à la crainte, et la vie présente du Sauveur lui fait prononcer autant de paroles, que la mort imminente de son Maître lui en avait arrachées. Si, en reniant le pasteur, Pierre donna la preuve de sa faiblesse, qu’il donne la preuve de son affection en paissant le troupeau du Seigneur. Quiconque fait paître les brebis du Christ, de manière à vouloir en faire, non pas les brebis du Christ, mais les siennes, celui-là est, par là même, convaincu de s’aimer lui-même et de ne pas aimer le Christ : il prouve qu’il se laisse conduire par le désir de la gloire, de la domination, de l’agrandissement temporel, et non par un élan du cœur, qui le porte à obéir, à se dévouer et à plaire à Dieu ; contre de telles gens s’élève la parole prononcée trois fois de suite par le Christ : ce sont de telles gens, que l’Apôtre gémit de voir chercher leur avantage, au lieu de chercher celui de Jésus-Christ (cf. Ph 2, 21). Que signifient, en effet, ces paroles : « M’aimes-tu ? Pais mes brebis ? » N’est-ce pas dire, en d’autres termes : Si tu m’aimes, ne songe point mes brebis, et pais-les, non pas comme les tiennes, mais comme les miennes ; travaille à les faire concourir à ma gloire, et non à la tienne ; étends sur elles mon empire, et non le tien ; cherche en elles, non ton profit, mais uniquement mon avantage » (Traité sur l’Evangile de saint Jean, 123, 4-5)

Jésus nous pose la même question : « M’aimes-tu ? Et il le fait en connaissant nos faiblesses. « Répondons comme saint Pierre qui nous montre le chemin : celui de suivre le Christ avec confiance car Il sait tout de nous, en misant moins sur nos capacités à lui être fidèles que sur son incontrôlable fidélité » (Pape François).

4) Une question répétée ?

L’amour ne se répète pas, il contemple. Demander plusieurs fois à celui que l’on aime « m’aimestu ? », n’est pas « se répéter » mais « vérifier » – au sens étymologique de « présenter comme vrai » des liens d’amour – « inviter » à cette contemplation qui renforcera l’appartenance. Dans le cas de saint Pierre, Jésus « interroge » le premier des apôtres pour renouveler, dans le pardon, les liens qui les unissent à Dieu. Saint Pierre, plutôt que de répéter trois fois la même réponse, réaffirme trois fois la reconnaissance d’une appartenance qu’il avait renié à trois reprises durant la passion de son Bien-aimé. Au lever de ce jour-là, qui devint une belle journée, Pierre vit le Christ ressuscité sur la rive du lac Tibériade, se jeta de la barque pour être le premier à rejoindre à la nage l’Ami qui l’attendait. Arrivé sur le rivage, il se mit à genoux et le contempla, autrement dit sa prière devenait à la fois un geste et un regard vers le mystère de l’amour qui se tenait debout devant lui. Pierre était resté avec sa souffrance, celle d’un ami faible, qui avait trahi. Jésus Christ le confirma dans son amour et le remit debout, lui demanda de Le suivre en prenant la tête de la communauté de l’amour : l’Eglise.

Aujourd’hui, l’ami et frère Jésus s’adresse à nous, vient vers nous et nous demande « m’aimestu ? » et non « qu’as-tu fait ? »

A un monde qui défigure l’amour, en le confondant avec le plaisir, Jésus Christ proclame la loi de l’amour qui, en apportant miséricorde, purifie, élève et sanctifie.

La sainteté consiste à vivre pleinement l’amour envers Dieu et envers notre prochain. Il n’y en a qu’une mais elle peut prendre plusieurs formes, dont l’une est celle des vierges consacrées dans le monde. Ces femmes, en se dévouant totalement pour le Christ, grâce à une vie où rien ne passe avant Lui, montrent que la sainteté ne consiste pas à ne jamais avoir trahi, mais à réaffirmer chaque jour leur amitié nuptiale avec Jésus. « Conscientes que l’amour de Dieu est surtout un amour de miséricorde et que les femmes ont cette caractéristique » (Pape François), les vierges consacrées se sentent appelées à une tâche spéciale : être dans le monde les reflets de cette miséricorde et de cette tendresse. Par leur vie, elles Lui consacrent, ainsi qu’à son royaume, toute la force d’amour qui les habite, témoignent que chaque vocation est « accueil » – accueillir l’amour de Dieu et y répondre – en servant notre prochain. En se donnant totalement au Christ, elles se voient confier une mission particulière : être dans le monde le reflet spécial de la miséricorde et de la tendresse de Dieu. (cf rituel de consécration des vierges, autre formule de bénédiction finale prononcée par l’Evêque : « Que Dieu vous établisse aux yeux du monde comme signe et témoin de Son amour ! ».

Lecture Patristique

Saint Augustin d’Hippone (354 – 430)

Sermon Guelferbytanus 16, 1, PLS 2, 579

Voici que le Seigneur, après sa résurrection, apparaît de nouveau à ses disciples. Il interroge l’apôtre Pierre, il oblige celui-ci à confesser son amour, alors qu’il l’avait renié trois fois par peur. Le Christ est ressuscité selon la chair, et Pierre selon l’esprit. Comme le Christ était mort en souffrant, Pierre est mort en reniant. Le Seigneur Christ était ressuscité d’entre les morts, et il a ressuscité Pierre grâce à l’amour que celui-ci lui portait. Il a interrogé l’amour de celui qui le confessait maintenant, et il lui a confié son troupeau.

Qu’est-ce donc que Pierre apportait au Christ du fait qu’il aimait le Christ ? Si le Christ t’aime, c’est profit pour toi, non pour le Christ. Si tu aimes le Christ, c’est encore profit pour toi, non pour lui. Cependant le Seigneur Christ, voulant nous montrer comment les hommes doivent prouver qu’ils l’aiment, nous le révèle clairement : en aimant ses brebis.

Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? – Je t’aime. – Sois le pasteur de mes brebis. Et cela une fois, deux fois, trois fois. Pierre ne dit rien que son amour. Le Seigneur ne lui demande rien d’autre que de l’aimer, il ne lui confie rien d’autre que ses brebis. Aimons-nous donc mutuellement, et nous aimerons le Christ. Le Christ, en effet, éternellement Dieu, est né homme dans le temps. Il est apparu aux hommes comme un homme et un fils d’homme. Étant Dieu dans l’homme, il a fait beaucoup de miracles. Il a beaucoup souffert, en tant qu’homme, de la part des hommes, mais il est ressuscité après la mort, parce que Dieu était dans l’homme. Il a encore passé quarante jours sur la terre, comme un homme avec les hommes. Puis, sous leurs yeux, il est monté au ciel comme étant Dieu dans l’homme, et il s’est assis à la droite du Père. Tout cela nous le croyons, nous ne le voyons pas. Nous avons reçu l’ordre d’aimer le Christ Seigneur que nous ne voyons pas, et nous crions tous : « J’aime le Christ ».

Mais, si tu n’aimes pas ton frère que tu vois, comment peux-tu aimer Dieu que tu ne vois pas (1Jn 4,20) ? En aimant les brebis, montre que tu aimes le Pasteur, car justement, les brebis sont les membres du Pasteur. Pour que les brebis soient ses membres, le Pasteur a consenti à devenir la brebis conduite à la boucherie (Is 53,7). Pour que les brebis soient ses membres, il a été dit de lui : Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29). Mais cet agneau avait une grande force. Veux-tu savoir quelle force s’est manifestée chez cet agneau ? L’agneau a été crucifié, et le lion a été vaincu.

Voyez et considérez avec quelle puissance le Seigneur Christ gouverne le monde, lui qui a vaincu le démon par sa mort. Aimons-le donc, et que rien ne nous soit plus cher que lui.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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