« Charles de Foucauld, un itinéraire de conversions »: c’est le thème des conférences de Carême données à Notre-Dame de la Garde, par l’archevêque de Marseille, Mgr Jean-Marc Aveline.
Il a donné, dimanche 3 avril 2022, la troisième de ces conférences, sur le thème: « Là où Jésus irait ».
Dans sa première conférence, Mgr Aveline retraçait les premières années de Charles de Foucauld, puis sa carrière militaire et son exploration du Maroc, pour en tirer des « pistes » de méditation.
Dans sa deuxième conférence, Mgr Aveline a choisi pour thème, le 20 mars, « Creuser le désir ».
Dans la troisième conférence, le 27 mars, l’archevêque de Marseille abordait le thème « Être avec Jésus ».
Alors que le bienheureux Charles de Foucauld sera canonisé le 15 mai 2022, à Rome – avec Marie Rivier, Titus Brandsma ocd, Marie de Jésus Santocanale, Lazare Devasahayam, César de Bus, Luigi Maria Palazzolo, Giustino Maria Russolillo, Maria Francesca Rubatto, Maria Domenica Mantovani -, Mgr Jean-Marc Aveline propose une série de conférences sur « l’itinéraire de conversions » du futur saint, les 13, 20 et 27 mars et le 3 avril.
On peut suivre les conférences en direct à 16h sur Kto.tv .
Charles de Foucauld
Un itinéraire de conversions
Quatrième conférence : là où Jésus irait
Chers amis,
Quand nous l’avions laissé la semaine dernière, Charles de Foucauld venait d’arriver à Beni-Abbès. C’était le 28 octobre 1901. Tout juste ordonné prêtre à Viviers en juin de cette même année, il était parti à la recherche d’un endroit « où Jésus irait », selon sa propre formule, c’est-à-dire vers les brebis les plus éloignées, les plus pauvres, les plus perdues, du troupeau du Seigneur. Bien que l’Orient l’attirât beaucoup, que ce soit la Terre Sainte ou bien la Syrie, depuis ses années à la Trappe d’Akbès, il se souvenait de la fascination qu’avaient exercée sur lui, au temps de sa jeunesse, non seulement les paysages sublimes, mais surtout les populations indigènes du sud de l’Algérie et plus encore du Maroc. Peu à peu, il avait acquis la conviction que le Seigneur, qui était venu le chercher là-bas, au temps de son exploration marocaine, l’attendait maintenant là-bas, pour y vivre la vie de Nazareth et porter aux pauvres du Sahara le trésor de l’Évangile. Et l’abbé Huvelin, qui avait un temps penché pour l’Orient, comme il avait au tout début penché, avec la famille de Charles, pour qu’il se marie, l’abbé Huvelin, dans sa grande sagesse, avait compris que l’appel intérieur qui attirait Charles venait de l’Esprit Saint et qu’il fallait l’encourager. Charles avait alors demandé conseil à son ami Henri de Castries et, avec l’aide des militaires et de sa cousine, il avait installé son petit ermitage aux portes de Beni Abbès, tout près de la zone frontière avec le Maroc.[1]
Il avait pour projet d’y vivre une vie plutôt quasi-monastique, dans une solitude qu’il souhaitait n’être que provisoire, attendant que d’autres se joignent à lui et qu’il soit ainsi possible, à partir de ce premier nid, de fonder, de proche en proche, d’autres petits ermitages au Maroc. Mais ce projet de vie solitaire et contemplative aura tôt fait, comme on va le voir, de voler en éclats. C’est que le Seigneur, dans ces quinze dernières années de la vie de Charles, semble vouloir travailler son disciple pour qu’il donne beaucoup de fruit, non pas en multipliant ses projets ni même en réussissant ses œuvres, mais en se laissant labourer le cœur, conformer à la Croix du Christ et finalement tomber lui-même, comme un grain semé en terre, qui ne verra pas la moisson, si ce n’est dans son invincible espérance et son irrésistible abandon entre les mains du Père. Comme il l’avait dit une fois à Tourdes, « on travaille souvent pour autre chose qu’on ne croit » ![2]
Je voudrais évoquer, le plus brièvement possible, ces deux moments de Beni Abbès et de Tamanrasset. Puis je reviendrai, en conclusion, sur le cadeau que Dieu semble vouloir faire aujourd’hui à notre Église à travers la vie de ce grand saint qu’est Charles de Foucauld.
Beni Abbès (1901-1905)
Dès son arrivée à Beni Abbès, Charles découvre en lui quelque chose qu’il porte depuis longtemps, à savoir qu’il n’est pas tant ermite que pasteur. Une fois sa Fraternité construite et sa clôture définie, il reçoit de plus en plus de monde : « je me vois avec étonnement passer de la vie contemplative à la vie du saint ministère. J’y suis conduit malgré moi par le besoin des âmes », écrit-il à sa sœur le 17 janvier. Le 30 septembre 2002, il écrit à Mgr Guérin, qui est son responsable pastoral :
Pour avoir une idée juste de ma vie, il faut savoir que l’on frappe à ma porte au moins dix fois par heure, plutôt plus que moins, des pauvres, des malades, des passants, de sorte qu’avec beaucoup de paix, j’ai beaucoup de mouvements.[3]
Et pour sa cousine, il précise : « De 4h30 du matin à 8h30 du soir, je ne cesse de parler et de voir du monde. » Heureusement qu’il avait fait de longues cures de silence auparavant ! Mais cette vie en plein vent ne lui déplaît pas, puisqu’il est avec Jésus, auprès des pauvres. Qu’il soit devant le Tabernacle ou au chevet des pauvres, c’est toujours auprès de Jésus qu’il se tient. Saint Vincent de Paul l’avait compris naguère et les Filles de la Charité, que Charles estimait beaucoup, le vivaient elles aussi au quotidien. Cette période très riche de Beni Abbès marque pour Charles la découverte de l’action missionnaire. Je voudrais brièvement en retenir quelques intuitions, tout en repérant également quelques tâtonnements et questions, qu’il lui faudra approfondir.
Au chapitre des intuitions, je note d’abord la place centrale de la Parole de Dieu, de la bonté de son Cœur et de la puissance de l’eucharistie. Parole, Cœur, Eucharistie : tels sont les trois piliers de la petite Fraternité que Foucauld construit aux portes de Beni Abbès. Une citation de saint Jean Chrysostome, que l’abbé Huvelin lui avait jadis conseillé de lire, guide son action : « Le meilleur moyen d’être avec le Christ, c’est d’accomplir Sa volonté ; et le Christ veut, avant tout, que vous procuriez le salut de vos frères » (St. Mt 77). Charles en est convaincu : pour procurer ce salut à tous ceux qui passeront à la Fraternité, il faut qu’il leur facilite l’accès à la Parole de Dieu. Il prend pour cela plusieurs initiatives : sur les murs de la sacristie et des cellules, il écrit des phrases évangéliques et bibliques ; le soir et le dimanche après-midi, aux militaires et aux gens de passage, il lit quelques passages d’Évangile qu’il commente simplement ; surtout, il rédige en 1903 un petit fascicule intitulé L’Évangile présenté aux pauvres nègres du Sahara, comme une sorte de manuel pour les catéchistes, avec cette prière qui revient au début et à la fin de chaque chapitre et qui exprime son désir le plus profond : « Mon Dieu, faites que tous les humains aillent au ciel ».[4]
L’Eucharistie et le Cœur de Jésus, comme il l’a dessiné sur le mur de la chapelle, sont le fondement de sa vie de foi et de charité. De chaque côté de ce grand dessin, il y en a deux autres : l’un représente la Sainte Famille à Nazareth, car Charles a bien compris que la vie cachée de Jésus n’est pas moins nécessaire au salut que ne le sera sa vie publique[5] ; l’autre, la rencontre de Marie et de sa cousine Élisabeth lors de la Visitation, car Charles a bien compris également que le premier geste de la mission, c’est de porter Jésus en soi-même jusque chez les autres, avec l’unique intention de se mettre à leur service, comme Marie auprès d’Élisabeth, et de laisser le Seigneur réveiller dans le cœur de l’autre un désir qui vient de Dieu.[6]
Tout cet environnement que Charles a minutieusement aménagé, et surtout sa présence, disponible et joyeuse, simple et chaleureuse, font de cette Fraternité un lieu qui rayonne dans toute la région. Lors de la tournée pastorale de Mgr Guérin en 1903, le P. Vellard, qui l’accompagnait, raconte leur petit séjour à Beni Abbès :
Nous avons le rare bonheur de passer le saint jour de la Pentecôte chez le père de Foucauld. Sa réputation de bonté et de charité est universellement connue à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. Il nous a suffi parfois de nous dire les frères de ce « marabout » pour qu’aussitôt les indigènes nous témoignent des marques sincères de reconnaissance et de confiance.
Sur la page de garde de son bréviaire, Charles avait écrit, de sa fine écriture, le secret de tout cela, ancré dans le Mystère pascal : « Plus tout nous manque sur terre, plus nous trouvons ce que peut nous donner de meilleur la terre : la Croix. Plus nous embrassons la Croix, plus nous y étreignons Jésus qui y est attaché. » Et en haut de la page, cette phrase lapidaire : « Vis comme si tu devais mourir martyr aujourd’hui. »[7]
Mais s’il y a des intuitions, il y a également des tâtonnements et des questions dans l’action missionnaire de Charles de Foucauld. Emporté par son indignation légitime contre la pratique de l’esclavage, il manque de patience et de discernement en conduisant rapidement les esclaves rachetés vers le baptême. Il se souvient que dans l’Empire romain, ce sont souvent les esclaves qui ont constitué les premières communautés chrétiennes, et ce souvenir lui fait concevoir le projet d’une nouvelle petite chrétienté qui, au Sahara, commencerait par tous ces esclaves qu’il se propose de libérer. Mais il va trop vite. À peine arrivé depuis trois mois, il a déjà racheté un jeune esclave qu’il commence à préparer au baptême huit jours plus tard. L’année suivante, le 21 janvier 1903, il écrit, sur un ton où pointe même un peu d’orgueil :
Un enfant de treize ans et esclave depuis six ans est racheté et déclare, avant même son rachat, qu’il veut suivre la religion de Jésus, rester avec moi… Racheté aujourd’hui à midi, il entre immédiatement au catéchuménat sous le nom de Pierre (quatrième catéchumène).
Son zèle enthousiaste et naïf, trop préoccupé du nombre, se solde finalement par une série d’échecs. Le 12 avril 1903, il note : « le catéchumène Paul m’a quitté, après de grosses fautes, le catéchumène Pierre m’a quitté, il désirait retourner chez ses parents à Tiriourin, je l’y ai envoyé ; le catéchumène Joseph du Sacré-Cœur, envoyé à Alger chez les Pères Blancs en février 1902 et reconduit par eux au Soudan en octobre 1902, les a quittés et mal quittés… Il ne reste à la Fraternité que deux personnes avec moi : le petit chrétien : Abd Jesu et la vieille catéchumène aveugle, Marie. »
Il tâtonne aussi sur la méthode à adopter pour lutter contre le fléau de l’esclavage. Que la France, qui l’a légalement aboli, le tolère encore dans ses colonies, pour ne pas prendre de risque, le révolte profondément. Comme l’avait révolté, vous vous en souvenez, l’inaction de l’Europe face au massacre des Arméniens par les Turcs lorsqu’il était à Akbès. Depuis Beni Abbès, Charles tente de faire intervenir des autorités militaires et religieuses, pour alerter l’État français et tenter d’obtenir l’abolition de l’esclavage dans les colonies.[8] Mais Mgr Guérin lui recommande la prudence dans une lettre du 19 septembre 1902 : « Défiez-vous de votre zèle, soyez très prudents. […] [Il faut] veiller à ne pas se faire supprimer les moyens qu’on peut avoir de faire un peu de bien, en faisant des coups d’éclat qui d’ailleurs, ne porteront aucun résultat. » On comprend la prudence de Mgr Guérin, en ces années où les relations entre la République et l’Église sont des plus tendues ! Mais Charles n’obéit qu’à contre cœur, car il regrette qu’on ne puisse défendre ouvertement l’abolition de l’esclavage, puisque cette abolition a déjà été votée sur tout le territoire français.
Un autre lieu de tâtonnement et de questionnement est la relation avec les musulmans. Il a très vite compris que, pour que des musulmans découvrent l’Évangile, c’est avant tout la sainteté du missionnaire qui est requise, l’exemple de sa vie, sa bonté, sa charité, sa fidélité. Il refuse de penser que les musulmans seraient « inconvertissables, qu’ils ne sont pas mûrs pour l’Évangile… Tous les esprits sont faits pour la vérité, tous les cœurs pour la charité, toutes les âmes pour le bien : tous les humains sont appelés au salut éternel et à l’Église : tous les humains, les musulmans comme les autres, doivent et par conséquent peuvent se sauver et être dans l’Église… Pourquoi donc, de fait, si peu de musulmans se sauvent-ils ? », note-t-il dans son Carnet le 30 juin 1903. Et il répond ces quelques phrases d’une grande profondeur, qui semblent avoir, de loin, fortement inspiré, quatre-vingts ans plus tard, un autre trappiste, Christian de Chergé :[9]
D’abord, cette question, nous n’avons peut-être pas grâce pour la résoudre. Dieu nous donne lumière pour connaître les choses nécessaires à bien remplir la mission qu’il nous donne, mais pas pour répondre à des questions oiseuses ; sans connaître la réponse à cette question, nous pouvons très bien remplir nos devoirs missionnaires, en imitant Jésus et les apôtres. […] Que chacun de nous se convertisse, vive de foi, d’espérance, de charité ; que chacun de nous, plein de charité surnaturelle, voie Jésus dans chaque musulman qui se présente, et ne le laisse pas s’éloigner sans lui avoir fait, par la bonté, les paroles, la bienfaisance, l’exemple, tout le bien spirituel qu’il est apte à recevoir.
Souvent, Charles prend l’exemple de saint Pierre Claver et de son immense patience (plus de vingt-deux ans d’attente en vue d’une seule conversion), pour stimuler la sienne ![10] Mais curieusement, Dieu va le guider d’une autre façon. En cette année 1903, Charles reçoit de son ami Laperrine une lettre dans laquelle celui-ci lui évoque l’attitude d’une femme touarègue, il y a vingt-deux ans, en 1881, lors du massacre de la mission Flatters. Cette femme, raconte Laperrine, s’était opposée à ce qu’on achève les blessés français, les avait recueillis et soignés chez elle, refusant l’entrée de sa maison à un guerrier touareg qui voulait les achever lui-même, et s’occupant même, après leur guérison, de faire rapatrier les blessés jusqu’à Tripoli. « Elle a maintenant 40 à 43 ans, poursuit Laperrine, passe pour avoir beaucoup d’influence et est renommée pour sa charité. » Alors Charles réfléchit, dans son Carnet, en date du 21 juin 1903 :
Cette âme n’est-elle pas prête pour l’Évangile ? N’y aurait-il pas lieu de lui écrire simplement pour lui dire que la charité qu’elle pratique sans cesse et celle avec laquelle elle a recueilli, soigné, défendu, rapatrié les blessés de la mission française, il y a 22 ans, sont connues de nous et nous remplissent de joie et de reconnaissance envers Dieu. […] Nous vous écrivons cette lettre pour vous dire que chez les chrétiens, […] tous les religieux et religieuses qui entendront parler de vous, vous béniront, loueront Dieu de vos vertus et Le prieront de vous combler de grâces en ce monde et de gloire dans le ciel. Nous vous écrivons aussi pour vous demander de prier pour nous, certains que Dieu, qui a mis dans votre cœur une si ferme volonté de l’aimer et de le servir, écoute les prières que vous lui adressez. Nous vous supplions de le prier pour nous et pour tous les hommes, afin que tous nous l’aimions et Lui obéissions de toute notre âme. À lui gloire, bénédiction, honneur, louange, maintenant et toujours. Amen. Je vais envoyer copie de ce projet de lettre à Mgr Guérin, en lui demandant s’il veut écrire lui-même, ou s’il veut que j’écrive, et en lui offrant, si les relations se nouent, si je reste seul, si à ce moment cela paraît la volonté de Dieu, d’aller faire une visite, pédestrement, à cette dame.
Quelle intuition fulgurante ! Comment ne pas penser à cette autre intuition qui guida le pape Jean-Paul II lorsqu’il écrivait en 1986, pour préparer la rencontre d’Assise, que « toute prière authentique est inspirée par l’Esprit Saint » ?[11] Foucauld l’avait lui-même expérimenté au Maroc, lorsque des musulmans avaient sauvé sa vie en exposant la leur, lorsque leur prière avait touché son cœur et lorsque des juifs l’avaient eux aussi sauvé en ne le dénonçant pas.
À la fin de ce même mois de juin 1903, comprenant que le Maroc restera fermé encore longtemps, Charles s’ouvre à Laperrine de son désir d’aller chez les Touaregs.[12] Peut-être cette femme, dans le mystérieux dessein de Dieu, a-t-elle obtenu dans sa prière que la rencontre ait lieu entre son peuple et cet homme de Dieu. Qui pourra dire par quels canaux passe la grâce ? Foucauld, toujours aussi réactif, demande à Laperrine, le 29 juin, de l’aider à « aller préparer, commencer l’évangélisation des Touaregs, en m’établissant chez eux, apprenant leur langue, traduisant le Saint Évangile, me mettant en rapports aussi amicaux que possible avec eux. »[13] Guérin hésite, l’invite à la patience, comme le faisait autrefois Huvelin, mais n’ose pas s’opposer, tout en lui demandant d’attendre octobre ou novembre (lettre du 22 juillet 1903). Mais en août, Laperrine répond favorablement. Alors le 26 août, Foucauld informe Guérin et, n’ayant pas de réponse, décide de partir tout en lui écrivant que s’il veut qu’il revienne, il obéira. Il avait déjà fait la même chose, vous vous en souvenez, avec Huvelin, lorsqu’il avait quitté Nazareth. Il ajoute que s’il s’en va, ce n’est pas par manque d’obéissance, mais « parce que la plus parfaite obéissance, et cela fait partie de sa perfection, compte dans certains cas de l’initiative ». À bon entendeur, salut !
Encore une fois, Dieu l’appelle mystérieusement, mais d’une manière si forte que cet appel est irrésistible. À cause de divers incidents qui le poussent à se rendre auprès de militaires blessés, le départ de Beni Abbès n’aura lieu que le 13 janvier 1904. Il n’y reviendra qu’un an plus tard, le 24 janvier 1905. Quelques jours après son retour, le 28 janvier, il recevra, à l’improviste, la visite du général Liautey accompagné de quelques officiers. Liautey racontera plus tard à René Bazin cette visite chez Foucauld :
Le lendemain dimanche, à 7 heures, les officiers et moi, nous assistions à la messe dans l’ermitage. Une masure, cet ermitage ! Sa chapelle, un misérable couloir à colonnes, couvert en roseaux ! Pour autel, une planche ! Pour décoration, un panneau de calicot avec une image du Christ, des flambeaux en fer blanc ! Nous avions les pieds dans le sable. Eh bien ! je n’ai jamais vu dire la messe comme la disait le Père de Foucauld. Je me voyais dans la Thébaïde. C’est une des plus grandes impressions de ma vie.[14]
Mais au début du mois d’avril, Foucauld est de nouveau invité par Laperrine à accompagner une mission militaire vers le Hoggar. Il consulte l’abbé Huvelin et Mgr Guérin, car il est fortement troublé par cette perspective, qui va, une nouvelle fois, l’éloigner de sa chère clôture. Le 22 avril, il reçoit un télégramme de Mgr Guérin, en accord avec l’abbé Huvelin, qui lui dit : « Inclinerions à accepter invitation, vous laissant libre apprécier opportunité d’après circonstances ».[15] Dès la réception de ce télégramme, Charles, pas très enthousiaste, remercie quand même Jésus en ces termes : « Cœur Sacré de Jésus, que vous êtes bon de me donner aujourd’hui même, par la voix de ceux à qui vous avez dit : “Qui vous écoute m’écoute”, un ordre inattendu et qui étonne l’esprit et jette dans des difficultés, des peines et des fatigues. »[16] Il part le 3 mai 1905 et le 11 août de la même année, il décide de s’installer dans le Hoggar, à Tamanrasset, d’où il pourra, de temps en temps, retourner à Beni Abbès. J’en viens donc, plus brièvement encore, à la deuxième et dernière étape, celle de Tamanrasset.
Tamanrasset (1905-1916)
Ainsi commence la dernière partie de la vie de Charles de Foucauld. Finalement, c’est là, dans le Hoggar, que Dieu voulait l’envoyer vivre Nazareth. On peut remarquer, une fois encore, la sagesse de l’abbé Huvelin, qui l’a aidé à se simplifier, à se supporter lui-même, à assagir sa fougue, pour que prenne toute sa place en lui une autre impulsion, venant de Dieu, un désir irrésistible, une force invincible, qu’Huvelin lui a appris à discerner et à laquelle il lui a demandé d’obéir, de cette obéissance qui suscite de l’initiative ! Cette force n’est autre qu’une « impulsion intérieure de charité », selon les mots qu’emploiera bien plus tard le pape Paul VI dans son encyclique Ecclesiam suam, du 6 août 1964, pour désigner ce que signifie précisément le mot « dialogue ».[17] Paul VI écrit : « Avant même de convertir le monde, bien mieux, pour le convertir, il faut l’approcher et lui parler » (§ 70) ; « Le dialogue du salut est parti de la charité, de la bonté divine : “Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique” (Jn 3, 16) » (§ 75) ; « Le dialogue du salut fut rendu possible à tous ; adressé à tous sans discrimination aucune (cf. Col 3, 11) ; le nôtre également doit être en principe universel, c’est-à-dire catholique et capable de se nouer avec chacun, sauf si l’homme le refuse absolument ou feint seulement de l’accueillir » (§ 78). Comment ne pas reconnaître, en ces lignes, l’écho lointain de Charles de Foucauld ?
Et plus encore si l’on poursuit la lecture de l’encyclique : « On ne sauve pas le monde du dehors ; il faut, comme le Verbe de Dieu qui s’est fait homme, assimiler, en une certaine mesure, les formes de vie de ceux à qui on veut porter le message du Christ. […] Il faut se faire les frères des hommes du fait même qu’on veut être leurs pasteurs, leurs pères et leurs maîtres. Le climat du dialogue c’est l’amitié. Bien mieux, c’est le service » (§ 90). O oui, bienheureux Charles : tu n’es pas mort en vain ! Le grain que tu as semé en terre donne du fruit aujourd’hui, pour la gloire de Dieu et le salut de tous les humains.
Mais revenons à Tamanrasset ! Charles acquiert un petit lopin de terre. Son premier séjour à Tamanrasset dure un peu plus d’un an, du 11 août 1905 au 12 septembre 1906. Il profite de ce temps pour travailler autant que possible à l’établissement d’un dictionnaire touareg-français et français-touareg, pour lequel il demande l’aide de son ami Motylinski, ancien interprète militaire, spécialiste de la langue et de l’histoire berbères. Il travailla trois mois avec Charles cherchant surtout à relever poésies, textes en prose et expressions touarègues.[18]
Au cours de l’été, il se résout à devoir retourner à Beni Abbès, mais il lui est dur de quitter la solitude et le silence de Tamanrasset. Piqué au pied par une vipère le 11 août, il patiente jusqu’à ce que la plaie guérisse. Il ne part que le 12 septembre 1906, avec son ami Motylinski, et arrive à Beni Abbès le 3 novembre.[19] L’accueil qu’il y reçoit le rassure et le console, comme il l’écrit le 7 novembre à sa cousine : « Malgré ma longue absence, on se souvient de moi et on est en confiance avec moi ; moi, je n’existe pas, mais c’est le marabout, comme on m’appelle, c’est-à-dire le religieux chrétien. »
Après une petite retraite, il décide d’aller rencontrer Mgr Guérin à Maison-Carrée pour envisager la suite de son apostolat, entre Beni Abbès et Tamanrasset. Il y arrive le 29 novembre 1906. Il reçoit un compagnon, Frère Michel, et l’autorisation de partager son temps entre Beni Abbès et Tamanrasset.[20] Les deux frères quittent Maison-Carrée le 10 décembre, et arrivent à Beni Abbès le 18 décembre. Puis, après Noël, ils partent vers le sud. Mais à In Salah, le Frère Michel, malade et très éprouvé par la vie de privation que mène Charles de Foucauld, renonce à l’accompagner plus loin. Foucauld le fait conduire chez les Pères Blancs à El Goléa. Désormais seul, il ne peut même plus célébrer la messe, car l’autorisation qu’il a demandée n’est pas encore accordée. En mars 1907, Foucauld accepte de se joindre à une mission militaire qui doit traverser le Sahara jusqu’au Niger. Il rentre à Tamanrasset le 6 juillet 1907. Il y restera un peu plus d’un an, jusqu’au 25 décembre 1908.
L’année 1907 est dure pour le pays : quand Charles arrive à Tamanrasset, cela fait dix-sept mois qu’il n’a pas plu ![21] Et pour lui, qui reste seul et ne peut plus célébrer la messe, même pas le jour de Noël 1907, c’est une autre sécheresse qui le mine. « Cette nuit, pas de messe… Jusqu’à la dernière minute, j’ai espéré qu’il viendrait quelqu’un, mais rien n’est venu, ni un voyageur chrétien, ni un militaire, ni la permission de célébrer seul. Il y a trois mois, plus de trois mois, que je n’ai pas reçu de lettres… Que la volonté du Bien-Aimé soit bénie en tout ! »[22] En janvier, sa santé décline.
Je suis fatigué, pas malade, mais faible, sans appétit et dormant assez mal. Pour moi, c’est uniquement un excès de travail et une trop forte diminution de sommeil ; le froid assez vif, auquel je suis sensible, a augmenté la chose ; depuis quelques jours, je souffle, en outre, comme un vieux cheval poussif, mais sans souffrance et sans être vraiment malade ni arrêté. Je crois que le remède est dans le sommeil et une nourriture un peu fortifiante, et que les premiers jours de printemps achèveront de me remettre. Je fais le nécessaire et la lettre à Henri [Laperrine] est indigne d’un ermite, car je le prie de m’envoyer du lait concentré, un peu de vin (!) et quelques autres choses pour me remonter.[23]
Mais, plus grave encore, c’est son moral qui ne va pas, comme en témoigne cette lettre poignante à l’abbé Huvelin, écrite le 1er janvier 1908 :
Je n’ai pas besoin de me recommander à vos prières ; vous savez mes misères, vous savez combien j’ai besoin que vous priiez pour moi : plus de vingt-et-un ans que vous m’avez rendu à Jésus et que vous êtes mon père ; près de dix-huit ans que je suis entré au couvent ; dans la cinquantième année de mon âge : quelle moisson je devrais avoir et pour moi et pour les autres ! Et au lieu de cela, à moi la misère, le dénuement, et aux autres pas le moindre bien… C’est aux fruits qu’on connaît les arbres et ceci me montre ce que je suis. Priez donc bien pour votre pauvre et si indigne enfant.
Fin janvier, il apprend que le Saint-Siège l’autorise à célébrer seul le Saint-Sacrifice. Il en déborde de joie ![24] Il se refait peu à peu une meilleure santé. Mais bien qu’il n’en dise rien, il n’est pas passé loin de la mort. Le 23 janvier 1908, à cause d’une famine persistante et d’une sobriété excessive de sa part, Charles est au plus mal. Sans doute a-t-il contracté le scorbut. Toujours est-il que la nouvelle de son état se répand. Prévenu, Moussa ag Amastane, l’aménokal du Hoggar qui est son ami, accourt à son chevet, mû sans doute par sa responsabilité à l’égard des Français, mais aussi par le respect qu’il porte à ce marabout si étrange mais d’une si grande sagesse.[25] Très inquiet, Moussa donne l’ordre de lui apporter du lait. Alors les femmes vont loin chercher du lait pour lui et quelques-unes, dont une certaine Dassine, se relaient auprès de lui.[26] Cette bonté des Touaregs à son égard le touche beaucoup. Plus profondément, il réalisera plus tard qu’en lui donnant le lait qui aurait dû nourrir leurs enfants affamés, les Touaregs lui ont sauvé la vie. Comme autrefois au Maroc, c’est le monde à l’envers ! Cet épisode l’aide à progresser encore un peu plus sur son chemin de conversion. Cette fois-ci, il est dans une situation de pauvreté qu’il n’a pas programmée ! « Il a fallu cet état d’anéantissement auquel l’a réduit la maladie pour que ses hôtes lui offrent quelque chose et l’abordent à égalité », note Antoine Chatelard.[27]
La maladie, qui l’avait beaucoup éprouvé, avait aussi fortement inquiété sa famille, qui lui conseille de venir se reposer un peu en France. L’abbé Huvelin le lui conseille également. En septembre, il fête ses cinquante ans. Dans une lettre à sa cousine, il regrette l’état d’esprit de la colonisation française :
Je viens d’avoir mes cinquante ans. Je le sens et je voudrais d’autant plus mettre après moi d’autres qui prennent naturellement ma place, quand je disparaîtrai tout à fait. La solitude m’est très douce personnellement, mais que de choses on pourrait faire si on n’était pas seul ! Je souffre de voir les âmes se perdre et le règne de Jésus ne pas s’étendre faute d’ouvriers, car si les ouvriers voulaient, ils pourraient dès aujourd’hui faire beaucoup de bien. Je suis honteux pour notre pays de voir le peu qu’il fait : non qu’il ne fasse rien, mais il fait tellement moins qu’il pourrait et devrait ! Je ne sais si je ne finirai pas par aller à Alger, causer de cela avec le Supérieur général des Pères Blancs, et peut-être, à Paris, en causer avec notre Père [l’abbé Huvelin]. Il y a évidemment quelque chose à faire. Ces peuples ne peuvent pas rester perpétuellement sans prêtres. Je voudrais aussi conduire un Targui de choix en France. C’est notre Père qui décidera si tout cela est la volonté du bon Dieu ou si c’est tentation et illusion.[28]
Comme il termine, le 16 novembre 1908, la traduction des poésies touarègues, collectées par Motylinski et par lui-même (environ 6000 vers), Charles quitte Tamanrasset le 25 décembre 1908. Il s’embarque d’Alger pour Marseille le 16 février 1909. Il y restera jusqu’au 8 mars.
Dans cette dernière période de sa vie, Charles effectuera trois voyages en France, en 1909, 1911 et 1913. C’est pendant ce premier voyage qu’il va rencontrer le grand islamologue Louis Massignon, qui avait pris récemment contact avec lui, car leurs itinéraires se ressemblent beaucoup, au point que Charles pensera qu’il pourrait rapidement venir le rejoindre.[29] Ensemble, le dimanche 21 février, ils passent une nuit d’adoration à la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre.[30] Évidemment, il se rend auprès de l’abbé Huvelin, qui lui prodigue de précieux conseils, que Charles résume ainsi :
Mon apostolat doit être l’apostolat de la bonté. En me voyant, on doit se dire : « Puisque cet homme est si bon, sa religion doit être bonne. » Si l’on demande pourquoi je suis doux et bon, je dois dire : « Parce que je suis le serviteur d’un bien plus bon que moi. Si vous saviez combien est bon mon maître Jésus ». « Je voudrais être assez bon pour qu’on dise : si tel est le serviteur, comment donc est le Maître ! »[31]
Foucauld se rend aussi à Viviers pour saluer son évêque, Mgr Bonnet, qui encourage son projet de confrérie largement ouverte aux laïcs : l’Association des frères et sœurs du Sacré-Cœur de Jésus. Car Charles, et c’est là encore l’une des intuitions qui est un cadeau pour notre Église aujourd’hui, a compris qu’il s’était trompé en réduisant l’action missionnaire à celle des prêtres, des religieux ou des religieuses. Un peu par nécessité, il découvre la complémentarité des vocations baptismales et la fécondité de l’action apostolique lorsqu’elle conjugue les apports d’états de vie différents.
Le rôle des frères et des sœurs, qui ne sont ni prêtres ni religieux, n’est point d’instruire les infidèles de la religion chrétienne, d’achever leur conversion ; mais de la préparer en se faisant estimer d’eux, en faisant tomber leurs préjugés par la vue de leur vie, en leur faisant connaître, par leurs actes plus encore que par leurs paroles, la morale chrétienne ; de les y disposer en gagnant leur confiance, leur affection, leur familière amitié ; de manière que les missionnaires trouvent un terrain préparé, des âmes bien disposées, allant d’elles-mêmes à eux et auxquelles ils puissent aller sans obstacles.[32]
Le 7 mars 1909, après avoir vu sa sœur et ses neveux à Grasse, Foucauld repart en Algérie et arrive à Beni Abbès le 27 mars, où il reste environ un mois, puis reprend le chemin de Tamanrasset, où il arrive le 11 juin 1909. Ce troisième séjour durera jusqu’au 2 janvier 1911.
Cela fait six mois qu’il avait quitté Tamanrasset ! Tout est en bon état. « Et toi, tu es à Nazareth comme le Pauvre », lui avait écrit Moussa Ag Amastane, qui aide ainsi Foucauld à comprendre que la pauvreté est la vraie clôture de l’humble et du petit.[33] Une petite méditation en la fête de saint Pierre et saint Paul, qu’il glisse à la fin d’une lettre à Mgr Guérin, exprime bien son état d’esprit :
C’est aujourd’hui la fête de saint Pierre et de saint Paul. Il m’est doux de vous écrire en ce jour. Ne nous effrayons d’aucune difficulté : ils en ont vaincu bien d’autres ! Et ils sont toujours là ! Pierre est toujours au gouvernail de la barque. Si des disciples de Jésus pouvaient se décourager, quelle cause de découragement auraient eu les chrétiens de Rome, le soir de leur martyre à tous deux ? J’ai souvent pensé à cette soirée-là : quelle tristesse, et comme tout aurait semblé avoir sombré, s’il n’y avait pas eu dans les cœurs la foi qu’il y avait ! Il y aura toujours des luttes et toujours le triomphe réel de la Croix dans la défaite apparente. Ainsi soit-il ![34]
Mais il lui manque un compagnon. Il ne comprend pas que des âmes ardentes ne soient pas tentées, comme la sienne, de venir travailler dans cet immense champ à défricher afin de le préparer pour la moisson. Et les chrétiens qui, ni en France ni en Algérie, ne s’intéressent à l’annonce de la foi aux musulmans ![35] Charles s’indigne en silence du peu d’ardeur vraiment missionnaire de son Église, plus soucieuse de s’entretenir elle-même que d’aller au loin à la rencontre de toute l’humanité, surtout des plus pauvres.
Le 14 mai 1910, il apprend avec peine la mort de Mgr Guérin, survenue le 19 mars 1910, Préfet apostolique de Ghardaïa, âgé seulement de trente-sept ans, terrassé en pleine activité par une fièvre typhoïde.[36] En juin, Foucauld se fait construire un petit ermitage à une cinquantaine de kilomètres de Tamanrasset, en plein cœur de l’Ahaggar, au point le plus central du massif montagneux qui est la citadelle du pays. Il pense que dans cet environnement plus retiré, il aura de meilleurs liens avec les nomades.[37] L’ermitage est sur une montagne en forme de plateau appelée Asekrem, à plus de 2600 mètres d’altitude. Il se compose de deux pièces, une chambre et une chapelle.[38]
Le 10 juillet meurt l’abbé Huvelin, son confesseur depuis 1886. Il l’apprend, par une lettre de sa cousine, le 15 août et ne retient pas ses larmes.
C’est un brisement pour moi comme pour vous. Que Jésus soit béni de tout ! Qu’Il soit béni de nous l’avoir donné, qu’Il soit béni de nous l’avoir tant laissé, et qu’Il soit béni d’avoir fait entrer son fidèle serviteur dans la gloire éternelle ![39]
Après Mgr Guérin et l’abbé Huvelin, c’est un autre appui de Charles de Foucauld qui s’éloigne : Laperrine est nommé colonel du 18e Régiment de Chasseurs et part pour la France.[40] De son côté, Charles célèbre Noël à Tamanrasset, puis, le 2 janvier 1911, se dirige vers Alger pour un deuxième voyage en France, qui durera un mois, du 16 février au 16 mars 1911.
C’est un véritable marathon ! Charles se rend d’abord chez l’évêque de Viviers le 18, rend visite le 19 à un directeur du séminaire de Nîmes, puis monte à Notre-Dame des Neiges le 20 février. Mais le 21, il est déjà à Paris où il descend chez sa cousine au 10, avenue Percier. Il rencontre à nouveau Louis Massignon. Il se rend ensuite à Nancy, Lunéville, Saverne et revient à Paris le 2 mars. Puis il descend à Bergerac et Angoulême, avant de revenir à Paris le 7 mars. Le 8, il est à Dijon et revoit sa sœur au château de Barbirey, qu’il quitte le 13 mars pour se rendre à Lyon. Le 14, il célèbre à Notre-Dame de Fourvière et rencontre l’abbé Crozier, aumônier du Pensionnat « aux Lazaristes ».[41] Il travaille avec lui sur l’Union des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus. Il cherche surtout des adhérents. Le 14 au soir, il retrouve Mgr Bonnet à Viviers, de 17h30 à 20h30. Il voyage ensuite de nuit vers Marseille, d’où il s’embarque le 15 mars à midi pour Alger.
Le 16, il est de retour à Maison Carrée. Il choisit le P. Voillard, assistant général des Pères Blancs, comme directeur spirituel. Celui-ci lui conseille de garder ce rythme d’un voyage en France tous les deux ans. Charles repasse à Beni Abbès et rentre à Tamanrasset où il arrive le 3 mai 1911, pour un quatrième séjour qui durera près de deux ans, jusqu’au 28 avril 1913.
L’abbé Crozier, malade, ne peut accepter la direction de l’Union. Il engage toutefois un de ses dirigés, Joseph Hours, à se mettre en relation avec Charles de Foucauld.[42] Leur correspondance est instructive pour mieux comprendre l’évolution de la pensée de Charles sur l’apostolat des laïcs. Par exemple celle-ci, du 3 avril 1913 : « [La charité] oblige le chrétien à aimer le prochain, c’est-à-dire tout humain, comme soi-même, et par conséquent à faire du salut du prochain, comme de son propre salut, la grande affaire de sa vie. Tout chrétien doit donc être apôtre ; ce n’est pas un conseil, c’est un commandement, le commandement de la charité. »
Charles travaille sans relâche à son dictionnaire et sa grammaire. « Il connaît notre langue mieux que nous-mêmes », aimaient dire les Touaregs ! Mais c’est long, beaucoup plus long qu’il ne pensait : « Je n’aurai pas fini avant trois ou quatre ans : cela fera douze ans employés à cela ; c’est beaucoup ! »[43] En novembre 1912, les nouvelles qui lui parviennent de la guerre italo-turque l’inquiètent un peu, même si les Touaregs n’en ont cure. Le 15 décembre, il rentre à Tamanrasset, où la sècheresse dure depuis plus de vingt mois. Charles prépare son futur voyage en France et repère un jeune Targui, Ouksem, qu’il compte bien emmener avec lui. Ils quittent Tamanrasset le 28 avril à 6 heures du matin.[44] Ils débarquent à Marseille le 11 juin et ils vont y passer tout l’été, jusqu’au 29 septembre 1913. C’est le dernier voyage en France de Charles de Foucauld.[45]
Ces trois voyages qu’il aura effectué en France, lui ont permis de faire naître l’Union des frères et sœurs du Sacré-Cœur de Jésus. Certes, ce n’est pas une congrégation, comme il l’avait d’abord souhaité ; ce n’est qu’une confrérie, une sorte de Tiers-Ordre, composé de prêtres, de religieux et de laïcs. À la mort du P. de Foucauld, elle comptera 49 membres. C’est cette Union qui transmit la flamme et permit qu’entre les années 1920 et 1930, on vît fleurir toute une pléiade d’initiatives et de créations diverses.
Pour l’instant, dès son retour à Tamanrasset, Charles se remet à ses travaux.
J’ai sur la planche : 1° Dictionnaire abrégé touareg-français ; 2° Dictionnaire noms propres touareg-français ; 3° Dictionnaire abrégé français-touareg ; 4° Dictionnaire touareg-français (plus complet) ; 5° Recueil de poésies et proverbes touareg : 6° Recueil de textes touareg en prose ; 7° Grammaire touarègue. Le 1 est fini et son impression commence dans quelques jours ; le 2 et le 4 seront, j’espère, finis dans le courant 1914 et imprimés dès qu’ils auront été terminés ; les 3, 5 et 6 seront pour 1916 et 1917 ; le 7 pour 1918… si Dieu me prête vie, santé…[46]
Il essaie cependant de travailler de manière plus raisonnable : « soyez sans inquiétude, je n’ai plus la force de me tuer au travail ! », écrit-il à Mme de Bondy.[47] Un jour de 1914, il reçoit un petit livre que lui envoient les Clarisses de Nazareth. Il vient de paraître et s’intitule Histoire d’une âme, d’une certaine Thérèse, qui fut carmélite à Lisieux et dont il a probablement entendu parler lors de ses passages en France. On ne sait pas si Charles a lu le livre, mais ce que l’on sait, quand on relit aujourd’hui les textes de Thérèse et ceux de Charles, c’est que le bon Dieu a donné à la France, en ce début du XXe siècle, deux grands saints pour que par eux, l’Église tout entière soit profondément renouvelée dans sa mission.[48]
O Église de France, n’oublie pas les faveurs dont Dieu t’a comblée ! Tu en es redevable à l’Église universelle. Ne perds pas ton temps à te chercher des managers, des leaders ou des coaches, car tu as seulement besoin de saints ! Puise dans ce trésor qui t’a été confié par les vies de Charles et de Thérèse, que Paul Claudel avait déjà réunies, et qui ont déjà inspiré tant d’apôtres en ton sein, comme Madeleine Delbrêl, Jules Monchanin, Jacques Maritain et tant d’autres encore.[49] Apprends à lire pour aujourd’hui la belle figure de Petite sœur Magdeleine, qui apporta cette touche de féminité, si complémentaire et si importante, aux intuitions de Charles de Foucauld.[50] Écoute, de par le monde, ce qui naît encore aujourd’hui, dans le sillon tracé par Charles et poursuivi par tant et tant de Petits frères et de Petites sœurs, depuis René Voillaume, Albert Peyriguère et Charles-André Poissonnier, par l’immense réseau des Fraternités Charles de Foucauld, ouvertes à tous les états de vie, et jusqu’aux Disciples de l’Évangile, fondées plus récemment au Nord de l’Italie et qui ont aujourd’hui reçu la charge de veiller sur les Archives Charles de Foucauld à la Maison diocésaine de Viviers.[51]
Je reviens à Charles. La situation se dégrade peu à peu.
Ces derniers temps, j’ai eu une occupation supplémentaire : j’ai installé une enceinte renfermant un puits (enceinte carrée de quatorze mètres de côté) qui puisse servir de refuge à la population, en cas d’attaque par des coureurs ennemis, et pour qu’au cas échéant on soit pourvu de vivres, d’instruments et de remèdes : j’y ai transporté mon ermitage ; ma nouvelle installation est à un kilomètre de l’ancienne et beaucoup plus près du village, ce qui, pour les relations avec la population, est un avantage.[52]
Le 15 octobre, la construction de son petit fortin est achevée. Il termine tous ses travaux linguistiques le 28 novembre 1916.[53] Trois jours plus tard, le 1er décembre 1916, il sera assassiné. Au matin de ce jour, comme à son habitude, il écrit plusieurs lettres, qui seront ses dernières et nous permettent de saisir, une dernière fois, le fond de son âme. L’une est adressée à Louis Massignon, enrôlé comme interprète à l’Armée d’Orient, qui l’a informé de sa décision de quitter le commandement et de rejoindre la troupe en passant comme sous-lieutenant dans un régiment d’infanterie coloniale :[54]
Très cher frère en Jésus, je reçois ce matin vos lettres des 3 et 9 octobre, ému à la pensée des dangers plus grands que vous allez peut-être courir, que vous courez probablement déjà. Vous avez bien fait de demander à passer dans la troupe. Il ne faut jamais hésiter à demander les postes où le danger, le sacrifice, le dévouement sont plus grands : l’honneur, laissons-le à qui le voudra, mais le danger, la peine, réclamons-les toujours. Chrétiens, nous devons donner l’exemple du sacrifice et du dévouement. […] Notre coin de Sahara est en paix. J’y prie pour vous de tout mon cœur et en même temps pour votre foyer. […] Je vous embrasse, comme je vous aime, dans le Cœur de Jésus.[55]
Puis il écrit une lettre, la sept-cent-trente-quatrième (entre 1889 et 1916), à sa cousine germaine, la vicomtesse Olivier de Bondy, qui souffre beaucoup et à qui il avait promis de toujours dire « la chère vérité ».
Ces souffrances, ces inquiétudes anciennes et récentes, acceptées avec résignation, offertes à Dieu en union et aux intentions des douleurs de Jésus, sont non pas la seule chose, mais la plus précieuse que le bon Dieu vous offre pour que vous arriviez devant Lui, les mains pleines. Notre anéantissement est le moyen le plus puissant que nous ayons de nous unir à Jésus et de faire du bien aux âmes ; c’est ce que saint Jean de la Croix répète presque à chaque ligne : « Quand on peut souffrir et aimer, on peut beaucoup, on peut le plus qu’on puisse en ce monde. On sent qu’on souffre, on ne sent pas toujours qu’on aime, et c’est une grande souffrance de plus ; mais on sait qu’on voudrait aimer, et vouloir aimer, c’est aimer. »[56]
Il écrit également à sa sœur, Mme Raymond de Blic, et enfin à son ami Laperrine, lui donnant des nouvelles de la région. Enfin, dans ses notes personnelles, il écrit, ce matin-là :
Il ne me semble pas qu’il n’y ait du danger pour nous, en ce moment, du côté de la Tripolitaine et des Senoussistes. Nos troupes ont été fortement renforcées et j’espère qu’elles rejetteront l’ennemi au-delà de nos frontières. Depuis septembre, pas de nouvelles alertes. Le pays est très calme.
Mais le soir, vers 19 heures, des Senoussistes, au nombre d’environ une quarantaine, arrivent à Tamanrasset.[57] Leur but, semble-t-il, est de s’emparer du P. de Foucauld et de le garder comme otage après avoir pillé le fortin. Mais comment y pénétrer ? Un habitant du village offre ses services. Il connaît les usages du Père et le mot de passe. Il s’approche et annonce le courrier (c’est l’heure où doit passer le courrier du Sud). Charles entrouvre la porte et tend la main. Il est alors saisi et jeté devant la porte du fortin. On le fait mettre à genoux, ses bras derrière le dos, puis on les lui attache aux chevilles. Pendant qu’ils pillent l’intérieur, un jeune homme d’une quinzaine d’années est chargé de sa garde. Tout à coup, l’une des sentinelles donne l’alarme. Elle vient d’apercevoir les deux méharistes de Fort Motylinski qui, ignorant tout du drame, s’approchent du bordj pour saluer le Père avant de regagner le Fort. Les rebelles font feu sur les soldats. À l’arrivée des deux militaires, le Père fait un mouvement instinctif, prévoyant sans doute le sort qui leur est réservé. Son gardien, complètement affolé, pensant qu’on vient au secours du prisonnier, porte le canon de fusil près de la tête du prêtre, et tire.[58] La balle entra derrière l’oreille droite et sortit par l’œil gauche. Charles de Foucauld est mort.
Le lendemain matin, malgré la défense des Senoussistes, Charles de Foucauld est inhumé dans le fossé sud-est, sans le débarrasser des liens qui tenaient ses membres attachés. Le capitaine de La Roche, commandant le Fort Motylinski, est prévenu. Mais il ne peut se rendre à Tamanrasset que le 21 décembre. Après avoir reconnu les tombes, il plante une croix sur celle du P. de Foucauld. Il pénètre ensuite dans le bordj-ermitage. Tout est bouleversé, piétiné, déchiré. On retrouve quelques objets de culte ou de piété : un chemin de croix, un chapelet, les feuillets éparpillés de son dictionnaire et les lettres du jour, cachetées et timbrées. Dans le sable, le capitaine de La Roche découvre un petit ostensoir. L’Hostie sainte y est encore renfermée. Avec un infini respect, il le ramasse, l’essuie et l’enveloppe d’un linge. Quant à l’hostie, il ne sait que faire. Il appelle un maréchal des logis, ancien séminariste, qui consomme l’hostie. Le grain de blé, tombé en terre, portera beaucoup de fruits ![59]
Et moi, je vous demanderai une chose : priez pour que j’aime, priez pour que j’aime Jésus, priez pour que j’aime sa Croix ; priez pour que j’aime la Croix non pour elle-même, mais comme le seul moyen, la seule voie de glorifier Jésus : « Le grain de blé ne rapporte du fruit qu’en mourant… Quand je serai élevé, alors j’attirerai tout à moi. » Et comme le remarque saint Jean de la Croix, c’est à l’heure de son anéantissement suprême, de sa mort, que Jésus a fait le plus de bien, qu’Il a sauvé le monde…[60]
Moussa ag Amastane, averti de la mort de son ami par un courrier rapide envoyé par le capitaine de la Roche, rédige, dès le 13 décembre, une lettre pleine d’émotion à « Marie, la sœur de Charles notre marabout » :
Dès que j’ai appris la mort de notre ami, votre frère Charles, mes yeux se sont fermés ; tout est sombre pour moi ; j’ai pleuré et j’ai versé beaucoup de larmes, et je suis en grand deuil. Sa mort m’a fait beaucoup de peine. […] Charles le marabout n’est pas mort pour vous autres seuls, il est mort aussi pour nous tous. Que Dieu lui donne la miséricorde et que nous nous rencontrions avec lui au paradis ![61]
Oui, merci Charles ! Tu nous l’avais suggéré au tout début de nos entretiens : ce ne sont pas les saints qu’il faut imiter, c’est Jésus, « le modèle unique », comme tu disais.[62] Mais à travers toi, nous avons beaucoup appris de lui ! Et surtout la confiance que nous pouvons lui faire. Un jour, à Nazareth, tu avais dit en parlant de Lui : « Il me tend la main pour faire route dans la vie, la main dans sa main. »[63] et il nous apprend, tout en marchant, l’amour infini du Père. « Mon Dieu, comme vous êtes bon » !
Ouverture
[64]La dernière place, la fraternité, l’abandon : telles sont, à mes yeux, les notes par lesquelles le « frère universel », accomplissant lui-même un long cheminement de conversion personnelle, a préparé l’Église à comprendre un peu mieux sa vocation à la catholicité.[65] Cette œuvre de préparation, de défrichage, il avait bien conscience qu’elle lui était dévolue. Mais il croyait que c’était pour que se déploie un jour une conquête civilisationnelle et aussi spirituelle, d’abord et avant tout dans son cher Maroc. En réalité, l’Esprit lui donnait de préparer autre chose : la prise de conscience, par l’Église, de sa vocation à la catholicité et de la conversion à laquelle il lui faut elle aussi consentir en vue de s’y ajuster.
Dans cette perspective, j’estime que la canonisation de Charles de Foucauld peut représenter une belle opportunité pour encourager les catholiques à se convertir à la vocation de l’Église à la catholicité : comme à Nazareth, une « catholicité de la dernière place » (faite de service, de présence, d’accueil des plus petits, etc.) ; comme à Béthanie, une « catholicité de la fraternité », par le dialogue et la coopération avec tous les hommes de bonne volonté, et par la dynamique de l’amitié ; et comme à Gethsémani, une « catholicité de l’abandon » apprenant à coopérer avec l’Esprit Saint, en rendant témoignage au Fils et en s’abandonnant entre les mains du Père. Comme le dit Lumen gentium 13 :
À faire partie du peuple de Dieu, tous les hommes sont appelés. […] Ainsi, l’unique peuple de Dieu est présent à tous les peuples de la terre, empruntant à tous les peuples ses propres citoyens, citoyens d’un royaume dont le caractère n’est pas terrestre mais céleste. […] Mais comme le royaume du Christ n’est pas de ce monde (cf. Jn 18, 36) l’Église ou peuple de Dieu par qui ce royaume prend corps, ne retire rien aux richesses temporelles de quelque peuple que ce soit, au contraire, elle sert et assume toutes les richesses, les ressources et les formes de vie des peuples en ce qu’elles ont de bon ; en les assumant, elle les purifie, elle les renforce, elle les élève. Elle se souvient en effet qu’il lui faut faire office de rassembleur avec ce Roi à qui les nations ont été données en héritage (cf. Ps 2, 8) et dans la cité duquel on apporte dons et présents (cf. Ps 71 [72], 10 ; Is 60, 4-7 ; Ap 21, 24). Ce caractère d’universalité qui brille sur le peuple de Dieu est un don du Seigneur lui-même, grâce auquel l’Église catholique, efficacement et perpétuellement, tend à récapituler l’humanité entière avec tout ce qu’elle comporte de biens sous le Christ chef, dans l’unité de son Esprit.[66]
Telle est la belle vocation de l’Église à la catholicité ! En précurseur, se laissant guider par l’Esprit jusque « là où Jésus irait », Charles de Foucauld, qui répétait dans sans cesse sa prière : « Mon Dieu, faites que tous les humains aillent au ciel ! », avait bien entrevu cette vocation et en fait aujourd’hui, de la part de son Seigneur, le cadeau à notre Église. Que Dieu soit loué !
+ Jean-Marc Aveline
Archevêque de Marseille
[1] « Le Protocole du 20 juillet 1901 et, ensuite, les accords des 20 avril et 7 mai 1902, jetèrent les bases d’une collaboration franco-marocaine pour l’encadrement des tribus nomadisant dans la région, surtout les Doui Menia et les Ouled Jerir, et la surveillance des frontières, encore mal définies, entre les régions sous domination française et les territoires relevant toujours du Sultan marocain » (Bernard Jacqueline, « Introduction », dans Charles de Foucauld, Carnet de Beni Abbès (1901-1905), Paris, Nouvelle Cité, 1993, p. 19).
[2] Retrouver la citation (dans la première ou la deuxième conférence).
[3] Rappelons que Mgr Guérin, qui vient d’avoir vingt-neuf ans, vient d’être nommé préfet apostolique du Sahara.
[4] Charles de Foucauld, L’Évangile présenté aux pauvres nègres du Sahara, Première édition intégrale, avec un Avant-Propos du Père Gorrée, Éditions Arthaud.
[5] Insister sur cette intuition christologique très importante (dans Retraite JMA).
[6] Citer une citation très importante sur la Visitation (dans Retraite JMA).
[7] Rappeler la citation du 6 juin ( ?) 1897 à Nazareth (citée dans KTO 1, 2 ou 3) : « Pense que tu dois mourir… »
[8] En 1888, à la demande de Léon XIII, Mgr Lavigerie avait lancé une campagne contre l’esclavage, qui, en 1890, lors de la Conférence de Bruxelles à ce sujet, avait abouti à la création de l’œuvre anti-esclavagiste.
[9] Citer Christian de Chergé : le Testament plus un article de la Lettre de Ligugé sur « Nos différences ont-elles le sens d’une communion ? »
[10] Précisions sur Pierre Claver.
[11] Citer Dominum et vivificantem (18 mai 1986) et le 27 octobre (Assise) ou le 22 décembre (Curie).
[12] Laperrine était de deux ans plus jeune que Charles de Foucauld ; tous deux avaient suivi à deux ans de distance la même formation militaire : deux ans à St Cyr et un an à Saumur. En 1881-1882, ils se trouvent dans le même régiment (4e Chasseurs d’Afrique) dans le sud-oranais, et s’ils ont pu ainsi se rencontrer, ils n’ont pu vraiment se lier d’amitié, compte-tenu des mouvements de leurs unités respectives. Leur première vraie rencontre en terre d’Afrique se situe le 6 mars 1903, quand le commandant Laperrine, venant d’Alger, s’arrête à Beni Abbès où Charles de Foucauld est installé depuis un peu plus d’un an. Cette visite est déterminante car à partir de leur entretien, poursuivi par correspondance, sur les projets français au Maroc et au Sahara, il apparaîtra à l’un et à l’autre que si l’accès vers le Maroc semble difficile à envisager, il existe en revanche des ouvertures possibles vers le Sahara central, en voie de ralliement à la France et où Laperrine désire attirer Charles de Foucauld.
[13] Antoine Chatelard, Charles de Foucauld. Le chemin de Tamanrasset, p. 169. (vérifier)
[14] Gorée p. 202. Cf., plus précis : Positio, p. 101. Ajouter article JMA.
[15] Carnet de Beni Abbès, 22 avril 1905, p. 173. Référence ?
[16] Charles de Foucauld, L’Esprit de Jésus, p. 284. Référence ?
[17] « À propos de cette impulsion intérieure de charité qui tend à se traduire en un don extérieur, nous emploierons le nom, devenu aujourd’hui usuel, de dialogue » (§ 66).
[18] Vérifier et préciser.
[19] De Calassanti-Motylinski, interprète militaire durant la campagne contre Bou Amana, était un savant professeur d’arabe et de berbère. Il mourut du typhus au mois de mars 1907 à Constantine.
[20] Il s’agit d’un jeune Breton, Jean-Marie Goyat, qui a vécu trois ans chez les Pères Blancs sous le nom religieux de Frère Gilles et qui pense, après son retour du service militaire accompli à Tunis dans un régiment de Zouaves, qu’il est appelé à la même vie que Charles de Foucauld.
[21] « C’est la pleine famine pour un pays qui vit surtout de lait et où les pauvres vivent presqu’exclusivement de lait. Les chèvres sont aussi sèches que la terre, et les gens autant que les chèvres » (Lettre à Mme de Bondy, du 17 juillet 1907).
[22] Lettre à Mme de Bondy, du 25 décembre 1907.
[23] Lettre du 15 janvier 1908 à Mme de Bondy.
[24] « Après avoir essuyé un premier refus de cette autorisation, Mgr Guérin avait décidé de ne pas la redemander à la Congrégation Propaganda Fide. Il pria donc le P. Burtin, procureur des Pères Blancs à Rome, d’intervenir directement auprès du Pape Pie X, qui donna l’autorisation viva voce » (cf. Positio, p. 116).
[25] Développer sur Moussa, son histoire, son rôle auprès de Charles.
[26] Préciser (cf. Salenson).
[27] Antoine Chatelard, Charles de Foucauld. Le chemin vers Tamanrasset, Paris, Karthala, 2002 (troisième édition), p. 258.
[28] Lettre du 20 septembre 1908 à Mme de Bondy.
[29] Préciser longuement sur Louis Massignon (cf. Retraite JMA, et autres).
[30] Insérer le récit qu’en fait Massignon dans Écrits mémorables.
[31] Carnets de Tamanrasset, p. 188-189. Positio p. 121.
[32] Lettre du 11 mars 1909 à l’abbé Caron.
[33] Cf. Fr. Milad Aïssa, dans Œuvres spirituelles, p. 44.
[34] Lettre du 29 juin 1909 à Mgr Guérin.
[35] Insérer textes sur les musulmans dans Retraite JMA et Homélie JMA Sacré-Cœur.
[36] Développer sur la personnalité de Guérin.
[37] « Un ou deux repas pris ensemble, une journée ou une demi-journée passées ensemble mettent en relations plus étroites qu’un grand nombre de visites d’une demi-heure ou d’une heure comme à Tamanrasset » (Lettre du 15 août 1911 à Mme de Bondy).
[38] Cf. Lettre du 16 juin 1910 à Mme de Bondy.
[39] Lettre du 15 août 1910 à Mme de Bondy. L’année suivante, le 16 juin 1911, il revient sur cette disparition dans une lettre admirable : « On n’a pas deux Pères comme l’abbé Huvelin dans la vie ; lorsqu’on en a eu un, et pendant tant d’années, on doit une reconnaissance profonde au bon Dieu d’une grâce si rare et, bien que tout soit possible, il n’y a pas à espérer de recevoir une seconde fois un tel bien. Combien existe-t-il, dans un siècle, de directeurs comme notre Père ? Nous avons reçu une immense grâce, il nous faut vivre de reconnaissance et nous aider des souvenirs du passé. “Qui vous écoute m’écoute”, a dit Notre Seigneur aux Apôtres : c’est Lui qui parle par les bouches autorisées aux âmes de bonne volonté : nous avons eu le bonheur que, pour nous, Il a parlé pendant bien des années par la bouche d’un saint, et d’un saint si uni à son Cœur, qui vivait si haut et qui était tout charité : amabo nunquam satis ; toujours l’esprit vers les choses d’en haut, et le cœur là où était son esprit. » (Amabo nunquam satis sont les dernières paroles prononcées par l’abbé Huvelin en mourant). Et quelques mois plus tard, le 16 mars 1912, il lui écrit encore : « La parole que vous me dites de notre Père : “Je voudrais être assez bon pour que vous vous disiez : si tel est le serviteur, comment donc est le maître ?”, est le fond de ses conseils, les dernières fois que je l’ai vu : c’est là ce qu’il voulait que fût mon apostolat. »
[40] Insérer bilan des relations Foucauld-Laperrine.
[41] Antoine Crozier est né à Duerne (diocèse de Lyon) en 1850. Il est ordonné prêtre en 1877. Disciple d’Antoine Chevrier, fondateur du Prado, il dirige l’école cléricale de Notre-Dame de la Roche, en 1886, puis devient aumônier à Lyon du Pensionnat « Aux Lazaristes ». Il eut la grâce de faire germer autour de lui un nombre surprenant de vocations sacerdotales. « Il faut, disait-il souvent, recueillir les vocations comme on recueille les parcelles consacrées. » Il est mort à Lyon le 19 avril 1916. Le P. de Foucauld s’agrégea explicitement à l’Union sacerdotale fondée en 1882 par l’abbé Crozier et il adopta, en 1903, de façon intégrale, sa méthode de méditation, exposée notamment dans une petite brochure intitulée « Comment il faut aimer le bon Dieu », tirée à deux millions d’exemplaires et traduite en sept langues. De son côté, l’abbé Crozier envoya les âmes qui lui étaient les plus chères à l’Union de prières en faveur de la conversion des infidèles, fondée par Charles de Foucauld. En 1914, l’abbé Crozier publia une notice sur Charles de Foucauld.
[42] Précisions sur Joseph Hours et citations de quelques lettres (cf. Retraite JMA).
[43] La langue berbère est apparentée aux langues sémitiques du nord, comme le cananéen, alors que l’arabe est apparenté aux langues sémitiques du sud, comme le syriaque. Cependant, jamais les groupes berbérophones n’ont pris conscience de leur unité linguistique. Ils mettent plutôt en valeur leurs différences. En revanche, l’arabe a bénéficié de la diffusion de l’islam. La population du Maroc est essentiellement d’origine tamazight.
[44] Cf. Gorrée p. 285. À ne pas confondre avec un autre Ouksem, Ouksem-fils-de-Ourar, qui est chef de la tribu des Dag Rali. Il était nomade mais possédait une maison à Tamanrasset. Il avait été de ces guerriers qui avaient combattu les Français le 7 mai 1902. Mais il respectait Charles et la réciproque était vraie. Ils échangeaient des conseils, Charles essayant de l’intéresser à l’agriculture et de le convaincre de se sédentariser.
[45] Développer le récit de ce voyage, très important. Cf. Retraite JMA.
[46] Lettre du 10 février 1914 à Mme de Blic.
[47] Lettre du 17 mars 1914.
[48] Insérer quelques citations de Claudel et de Boulanger.
[49] Modifier la phrase en précisant davantage et en étoffant. Donner citations des deux conférences de Madeleine Delbrel et indiquer l’ouvrage de Bernard Pitau.
[50] Préciser sur ps Magdeleine et indiquer qu’elle Vénérable depuis peu. Voir Leproux.
[51] Apporter des précisions sur chacun de ceux qui sont cités et peut-être sur d’autres.
[52] Lettre du 23 juin 1916 à Mme de Bondy. Le 1er septembre 1916, il écrit au général Mazal, commandant la Ve Armée : « J’ai transformé mon ermitage en fortin ; il n’y a rien de nouveau sous le soleil : je pense, en voyant es créneaux, aux couvents fortifiés et aux églises fortifiées du Xe siècle. Comme les choses anciennes reviennent, et comme ce qu’on croyait à jamais disparu reparaît ! » (Gorrée p. 371).
[53] Donner les références de tout ce qui a été publié.
[54] Précisions sur l’importance de cet événement dans la vie de Massignon et sur sa réaction quand il a appris la mort de Charles. Cf. Retraite JMA.
[55] Lettre du 1er décembre 1916 à Louis Massignon.
[56] Lettre du 1er décembre 1916 à Mme de Bondy.
[57] Préciser les différents récits dont nous disposons. Voir la Positio, Six, Chatelard (surtout) et Sourisseau.
[58] Note sur l’affolement. Cf. Retraite JMA.
[59] Insérer texte de Simone Veil. « Il restera de toi… »
[60] Lettre du 27 février 1903 à Mme de Blic. C’était aussi une formule de saint Jean de la Croix (cf. Lepetit p. 95).
[61] Bazin p. 466. Positio p. 152.
[62] Référence Le Modèle unique.
[63] Note Retraite 1898 ou 1899. La dernière place, p. 258.
[64] Il faudrait développer trois points : le mystère pascal ; la comunion des saints ; la catholicité.
[65] Préciser ce qu’il faut entendre par catholicité. Voir texte JMA dans Documents Épiscopat.
[66] Insérer quelques lignes commentaire Leproux.