Reliquaire de Ste Teresa de Calcutta, canonisation, 5 sept. 2016 © capture de Zenit / CTV

Reliquaire de Ste Teresa de Calcutta, canonisation, 5 sept. 2016 © capture de Zenit / CTV

« Le pouvoir de l’amour s’exerce par le service », par Mgr Follo

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Mère Teresa, pour comprendre ce que les disciples ont eu du mal à comprendre

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« La prière et le service aux autres ne sont pas des dimensions opposées, mais des aspects essentiels de notre vie en tant que don et non en tant que pouvoir », fait observer Mgr Francesco Follo dans cette méditation sur l’Evangile de dimanche prochain, 17 octobre 2021 (29e dimanche du Temps ordinaire – Année B).

Pour l’observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris (France), « Mère Teresa de Calcutta, proclamée sainte le 5 septembre 2016 par le pape François, a annoncé l’Évangile avec sa vie entièrement donnée aux pauvres, mais en même temps elle était enveloppée dans (par) la prière. Cette sainte nous aide à comprendre ce que les disciples de Jésus ont eu du mal à comprendre ».

Comme lecture patristique, Mgr Follo propose une page de saint Jean Chrysostome.

AB

Le pouvoir de l’amour s’exerce par le service

             1) Se mettre au service de Dieu enveloppés dans (par) la prière.

            Le récit de l’Evangile de ce XXIXe dimanche (Mc 10,35-45) semble nous répéter certains mots que le Christ a déjà exprimé précédemment : « Quiconque veut être le premier d’entre vous sera le serviteur de tous » (Mc 10,44). Ces paroles de Jésus aux disciples indiquent le chemin qui mène à la « grandeur » évangélique. C’est le chemin que le Christ lui-même a parcouru jusqu’à la Croix ; un chemin d’amour et de service, qui renverse toute logique humaine : Soyez le serviteur de tous !

Mère Teresa de Calcutta s’est toujours laissée guider par cette logique. Cette Fondatrice des Missionnaires de la Charité qui -il y a 18 ans- fut proclamée « Bienheureuse » en ce même XXIXe dimanche de 2003, par le Pape Jean-Paul II, a été au complet service de l’amour. Dans son homélie de ce dimanche-là, ce Pape a dit « Je suis personnellement reconnaissant à cette femme courageuse, que j’ai toujours sentie à mes côtés. Icône du Bon Samaritain, elle allait partout pour servir le Christ en les plus pauvres des pauvres. Même les conflits et les guerres ne pourraient pas l’arrêter ». Avec le témoignage de sa vie, Mère Teresa rappelle à tous que la mission évangélisatrice de l’Église passe par la charité, nourrie de prière et d’écoute de la parole de Dieu. Emblème de ce style missionnaire est l’image qui dépeint la nouvelle Bienheureuse qu’elle a, d’une main, celle d’un enfant et, de l’autre, glisse le chapelet. Contemplation et action, évangélisation et promotion humaine » (19 octobre 2003).

Mère Teresa de Calcutta, proclamée sainte le 5 septembre 2016 par le pape François, a annoncé l’Évangile avec sa vie entièrement donnée aux pauvres, mais en même temps elle était enveloppée dans (par) la prière. Cette sainte nous aide à comprendre ce que les disciples de Jésus ont eu du mal à comprendre.

Ils ne comprennent pas le Christ qui annonce sa Passion. La réaction des apôtres, à la troisième prédiction de la Passion est pire que les précédentes.
Après la première, il y eut une discussion entre Jésus et Pierre. Ceux-ci pensaient encore comme les hommes et non comme Dieu et, donc, voulait convaincre le Christ de ne pas aller mourir.
Après la seconde, il y eut l’incompréhension de tous les apôtres, occupés à se disputer en raison de celui qui serait le plus grand.
Après la troisième, c’est comme si Jésus n’avait rien dit. Bien au contraire, Jacques et Jean veulent que Jésus fasse leur volonté. En effet, ils demandent à Jésus : « Nous voulons nous asseoir un à ta droite et un à ta gauche » (Cf. Mc 10,37) pendant que les autres se fâchent en raison de cette requête.
La réaction n’est certainement pas en ligne avec l’amour humble prêché par le Maître. Jésus rassemble patiemment autour de lui les autres apôtres et s’adressant aussi bien aux deux qui cherchaient le pouvoir et l’honneur qu’aux dix autres, irrités par cette requête peut-être parce qu’elle avait été faite avant qu’ils ne puissent la faire eux-mêmes, explique que l’apôtre le plus grand est celui qui sert.
Qui est le plus grand ? Dans le Règne de Dieu, celui qui sert est grand et le meilleur service est celui de donner sa vie. Déjà, servir c’est un peu mourir, c’est la croix quotidienne. Mais si l’on accepte cette croix, nous nous unissons au service que le Christ offre à toute l’humanité, manifestant l’amour gratuit et miséricordieux de Dieu.

Avec patience, Jésus enseigne que pour être grand avec Lui et comme Lui, il faut exercer l’autorité comme Lui l’a fait : en servant. Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa propre vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,45). Cette phrase est le point culminant de l’enseignement tout entier de Jésus. C’est une phrase qui va au-delà du simple exercice de l’autorité fait avec patience, douceur et humilité. C’est de cette façon que l’auteur de l’Imitation du Christ la commente : « Si tu veux régner avec Jésus, porte la croix avec Lui. Seuls les serviteurs de la croix trouvent le chemin de la béatitude et de la vraie lumière » (Cf. Cap 56).
Pour participer à sa grandeur, Jésus ne nous demande pas seulement de faire comme Lui, mais d’’être comme Lui : des serviteurs. « Chacun peut être grand, parce que chacun peut servir. Il n’est pas nécessaire d’avoir un diplôme pour servir. Il est seulement nécessaire d’avoir un cœur plein de grâce » (Martin Luther King) régénéré par l’amour du Christ sur la croix.

2) L’autorité appartient à celui qui aime et l’exerce dans le service[1].
Dans le Christianisme, l’autorité est conçue et vécue comme exercice de l’amour, parce que pour le Christ, qui L’aime est celui qui peut et doit guider ses autres amis en se faisant leur serviteur.
Cela est l’enseignement qui vient du texte de Saint-Marc que nous examinons aujourd’hui. Aux disciples qui demandent à Jésus de partager Sa grandeur, Lui, il répond en enseignant que la grandeur est dans le service et que le service est un chemin de croix, c’est-à-dire de don de soi pour que l’ami vive. Ce n’est pas beau de souffrir, mais c’est un devoir, beau et joyeux, même si le prix à payer est le renoncement de soi-même : « Il est plus joyeux de donner que de recevoir » (Actes 20,35). Cet enseignement vient aussi de la part d’un non chrétien comme le poète indien Tagore : « Je rêvais d’une vie qui fût joie. Je me suis réveillé. La vie était service. J’ai servi et dans le service j’ai trouvé la joie ». Et M. Teresa de Calcutta a complété en disant : « Là où Dieu est, il y a amour. Et là où il y a amour, il y a toujours le service. Le fruit de l’amour est le service, le fruit du service est la paix ».
La vraie grandeur, qui est celle de Dieu, est celle d’être serviteur de l’amour, parce que servir, est, dans le Nouveau Testament, la traduction concrète d’aimer. Aimer veut dire servir l’autre. Au contraire l’égoïsme signifie se servir de l’autre.
Dans la mentalité dominante, l’autorité est conçue et exercée comme pouvoir, presque synonyme de domination et, dans ce sens, elle est le contraire du service. Mais prenons en considération que même Jésus a une grande autorité et a agi avec autorité[2]. Cependant Jésus a aussi été celui qui a présenté le Nouveau Testament surtout en faisant recours à l’hymne du serviteur souffrant (Is 52,13-53,12), comme une personne qui a donné sa vie pour les autres, en exprimant grandement la vérité qu’il n’y a de meilleur ami que celui qui donne sa vie pour les autres. « Voici mon serviteur que je soutiens, celui que j’ai élu et qui me plait » (Is 42,1). C’est Dieu qui parle et présente « son » serviteur : c’est Lui qui l’’a choisi, c’est Lui qui le soutient.
Chaque vocation dans l’Ecriture est toujours en vue d’une mission pour affronter celle qui a besoin de la grâce. Dieu dit que son serviteur est une « bonne chose » et qu’il a posé en lui son Esprit. « Ecoutez-moi, écoutez attentivement, lointaines nations ; le Seigneur m’a appelé du sein maternel, dès le ventre de ma mère il a prononcé mon nom » (Is 49,2). Il a fait de ma bouche une épée aiguisée, il m’a caché à l’ombre de sa main, m’a fait devenir une flèche aigue, il m’a mis dans son carquois. (Ibid)
En bref, pour nous, le serviteur est un homme, choisi parmi les hommes ; il n’est ni meilleur ni plus capable que les autres ; c’est Dieu qui va à sa rencontre, qui le purifie et le rend capable de lui dire oui ; l’appel à être saint se concrétise dans la mission aux autres, en tant qu’envoyé de Dieu. Cette mission consiste avant tout à annoncer la parole, à prêter sa voix à Dieu, à être son témoin. Selon l’Evangile, l’autorité est donc une qualification que Dieu donne pour un service. Si nous voulions nous exprimer avec une page de l’évangile de Saint-Jean, nous pourrions nous référer au lavement des pieds, le soir de la dernière cène au cénacle.
L’épisode du lavement des pieds nous renvoie à l’évangile de Marc, où Jésus s’inquiète d’être assimiler aux grands de la terre : il ne veut pas être servi, mais servir. En donnant sa vie, il veut démontrer qu’il sait porter jusqu’aux extrêmes conséquences la vérité à laquelle il s’est consacré et la mission que le Père lui a confiée. Il veut nous faire comprendre que la vie chrétienne est une vie dans la joie, parce que servir Dieu, le prochain, et l‘église donne de la joie. « Qui donne aux autres, qu’il le fasse avec simplicité, qui aide les pauvres, qu’il le fasse avec joie ». (Rm 12,7-8).

            3) Le service des vierges consacrées[3].
En réfléchissant à la grandeur des vierges consacrées et à comment elles exercent l’amour serviable, j’ai pensé qu’il était important d’écrire les choses suivantes. Les vierges consacrées dans le monde consacrent leur vie et toutes leurs forces d’amour à Dieu et à son règne. Elles témoignent que chaque vocation est un accueil de la charité de Dieu et est une réponse à Lui dans le service aux autres. Elles rappellent la source théologale de l’amour surtout à travers la virginité qui rappelle cette virginité du cœur et des affections qui naissent et qui se nourrissent de la féconde et intime communion avec le Seigneur
Ces femmes suivent en particulier l’exemple de Notre Dame. La Vierge Marie a répondu « Oui » à la proposition d’« être pour l’autre ». Non seulement elle a compris la portée et la grandeur de l’appel de Dieu mais dans ses paroles : « Me voilà, je suis la servante de Dieu » elle a interprété d’une façon exemplaire la vraie attitude de service demandé par Dieu. Un service actif, silencieux qui, sous la croix est devenu coopérant de la volonté du Père, et peut être, comme jamais encore, ces paroles n’ont résonné dans son cœur à ce moment-là : « Me voici je suis la servante de mon Seigneur. »
Qui aime sert tout le monde et comme le Christ, va à la recherche en particulier des exclus, des pêcheurs. Avec leur vie chaste elles proclament que Dieu les regarde, les aime et les sauve.
Leur importance n’est pas mesurée par ce qu’elles produisent, mais par l’esprit et par le panache qui les anime et par la communion ecclésiale qu’elles vivent.
Leur vocation est un « service » qui démontre par la consécration et par la vie qui en découle que l’on peut passer d’un « moi » possessif à un « moi » oblatif.
Ces femmes montrent comment l’on fait pour aimer le prochain comme soi-même. Il suffit d’aimer Jésus, parce que qui aime vraiment, aime aussi ceux que l’Aimé aime.
Ceci enseigne ainsi le Rite de la consécration des vierges. Grâce à ce rite l’Eglise célèbre la décision d’une femme de donner au Christ-époux sa propre virginité et, en invoquant sur elle le don de l’’Esprit, la dédie pour toujours au service cultuel du Seigneur et à un service d’amour en faveur de la communauté ecclésiale et du monde.
La consécration est une réponse à l’appel de Dieu Père « source pure d’où naît le don de l’intégrité virginale ». A travers le Christ, Lui appelle les vierges « pour un dessin d’amour (….) pour les unir plus intimement à lui et les mettre au service de l’église et de l’humanité »(Rite de la consécration des vierges, n29 – Homélie) . Pour cela, l’église invoque sur elles toutes les vertus, grâces et charismes dont elles ont besoin pour vivre leur vocation, en priant de cette façon : « Concède, Père, par don de ton Esprit qu’elles soient prudentes dans la modestie, sage dans la bonté, austère dans la douceur, chastes dans la liberté. Ferventes dans la charité ne mettent rien avant ton amour, vivent dans la louange sans désirer la louange ».( Ibid, n.38- de la prière de consécration

 

Lecture Patristique

Saint Jean Chrysostome (+ 407)

Homélie contre les Anoméens, 8, 6

PG 48, 116-111.

Voyant que Jacques et Jean s’étaient écartés de leur groupe et intriguaient pour obtenir les honneurs les plus élevés, les dix autres disciples donnèrent libre cours à leur colère. C’est alors que Jésus entreprit de corriger les passions déréglées des uns et des autres. Il les appela donc et leur dit: Les chefs des nations païennes commandent en maîtres. Les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut être le premier sera le dernier de tous (Mc 10,42-44).

Manifestement, en convoitant ainsi les premières places, les plus hautes charges et les honneurs les plus élevés, les deux frères voulaient, à mon avis, avoir autorité sur les autres. Aussi Jésus s’oppose-t-il à leur prétention. Il met à nu leurs pensées secrètes en leur disant : Celui qui veut être le premier sera le serviteur de tous (Mc 10,44). Autrement dit : « Si vous ambitionnez le premier rang et les plus grands honneurs, recherchez le dernier rang, appliquez-vous à devenir les plus simples, les plus humbles et les plus petits de tous. Mettez-vous après les autres. Telle est la vertu qui vous procurera l’honneur auquel vous aspirez. Vous en avez près de vous un exemple éclatant, puisque le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude (Mc 10,45). Voilà comment vous obtiendrez gloire et célébrité. Voyez ce qui m’arrive : je ne recherche ni honneur ni gloire, et pourtant le bien que je réalise ainsi est infini. »

Nous le savons : avant l’Incarnation du Christ et son abaissement, tout était perdu, tout était corrompu ; mais, après qu’il se fût humilié, il a tout relevé. Il a aboli la malédiction, détruit la mort, ouvert le paradis, mis à mort le péché, déverrouillé les portes du ciel pour y ramener les prémices de notre humanité. Il a propagé la foi partout dans le monde. Il a chassé l’erreur et rétabli la vérité. Il a fait monter sur un trône royal les prémices de notre nature.

Le Christ est l’auteur de biens infiniment nombreux, que ni ma parole, ni aucune parole humaine ne saurait décrire. Avant son abaissement, il n’était connu que des anges, mais, depuis qu’il s’est humilié, la race humaine tout entière l’a reconnu.

 

NOTES

[1] On peut penser au passage qui suit la Résurrection, sur la rive du Lac de Tibériade où Jésus Christ demande à Pierre : « M’aimes-tu ? ». « Oui. » « Sois le berger de mes brebis ».

[2] C’est Marc lui-même qui se réfère au fait que Jésus enseigne depuis le début avec autorité (1,27).

[3]  L’Ordo Virginum est une forme de vie consacrée ; dans le code de droit canonique, il est inséré au can.604 dans la partie III «  Les instituts de vie consacrée et de société de vie apostolique (Libvre II : « De Populo Dei ») : « A ces différentes forme de vie consacrée s’ajoute l’ordre des vierges les quelles, émettant le saint vœu de suivre le Christ au plus près, sont consacrées à Dieu par l’Evêque diocésain selon le rite liturgique approuvé et unies dans des noces mystiques au Christ, fils de Dieu, se dévouant au service de l’Eglise ».

 

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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