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JO de Tokyo : « résiste un instant de plus », lettre du pape aux athlètes

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« Il vaut mieux une défaite propre qu’une victoire sale » 

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« Joue cette opportunité, dépense-toi à fond, garde ta passion. Et si quelqu’un vient te dire “ça suffit, renonce !”, essaie encore une fois : résiste un instant de plus », écrit le pape aux athlètes qui participeront aux Jeux olympiques organisés à Tokyo du 23 juillet au 8 août 2021. « Il vaut mieux une défaite propre qu’une victoire sale », avertit-il également en mentionnant le doping.

Dans la préface du livre « Le sport selon le pape François » publié par «La Gazzetta dello Sport», le pape estime que les Olympiades sont « une des plus belles idées jamais nées de l’imagination de l’homme ».

L’athlète, estime le pape, peut « montrer que dans la guerre, on tue sans jamais vaincre, tandis que dans le sport on gagne sans jamais tuer » : « En jouant ainsi, tu pourras aussi perdre mais tu auras laissé le monde (non seulement celui du sport) un peu plus beau que quand tu l’as trouvé. »

Voici notre traduction de ce texte publié par L’Osservatore Romano du 5 juin. Les JO de Tokyo, prévus en 2020, ont été reportés d’un an en raison du coronavirus.

Lettre du pape François

Cher athlète,

Quand la flamme, partie de Olympie, allumera le brasier, cela rappellera l’écho d’une voix amie : “Nous y voilà, finalement : je t’attendais, tu m’attendais. Nous nous attendions”.

Le feu, apporté par les porteurs de torche comme des antiques messagers, brûlera pendant toute la durée des Jeux olympiques. Quand je pense au sport, j’aime beaucoup l’image du feu : il est brillant, net, il ressemble à ce qui éblouit. Quand il devient flamme, il ne fait plus de fumée : il est mystérieux, brillant. Il est le feu sacré de la passion, celui qui réchauffe sans consumer. Comme cela arrive à Moïse : « Le buisson brûlait sans se consumer » (Ex 3, 2).

Je relie la passion à l’exaltation pour quelque chose d’immense, mais aussi à la douleur pénible de la souffrance. La même passion qui, du gymnase anonyme d’une ville, de ta ville, t’a conduit jusqu’ici, à un pas du grand rêve. J’essaie de m’imaginer tes mois d’attente, de préparation. Pour certains, cela a pris des années : d’anonymat, de solitude, de planification. Toi, ton entraîneur et cette voix qui, de l’intérieur, est là maintenant à te chuchoter : “Voilà ta grande occasion : joue-la à fond, mets le feu !” Ne pas jouer pourrait signifier, un jour, rendre des comptes au regret : l’un des pires n’est pas de ne pas voir eu d’occasion, mais de l’avoir eue et de ne pas avoir pu la saisir. Les Olympiades sont ta grande occasion sportive.

Les Olympiades sont le rendez-vous suprême pour la meilleure jeunesse du sport: il n’existe rien de plus haut pour un athlète. C’est une des plus belles idées jamais nées de l’imagination de l’homme, l’épreuve décisive de tes capacités physiques. Là, à l’instant le plus intense de la prestation, le monde entier te regarde, assis sur les gradins ou devant la télévision. Toi-même tu regardes le monde. Comme pour lui dire : “Je suis là, je vaux quelque chose, ma nation est fière de moi !”

Les Jeux olympiques ne durent guère plus d’un instant : pour certains même moins de dix secondes. Pour d’autres quelques heures, d’autres encore se dépensent des heures et des jours en exercices, en défis. Pour tous cependant, l’exercice d’une discipline contient aussi une sorte de présentation : “C’est moi, je suis arrivé ici, c’est mon maximum”.

Quand je vous observe, avec une certaine admiration pour ce que vous réussissez à faire, je pense que le sport, plus de construire une personnalité, révèle une personnalité. Vous arrivez chacun aux Olympiades avec votre histoire, votre chemin, vos rencontres : c’est votre globalité humaine, avant même d’être athlétique. Et, dans votre unicité, vous dites qui vous êtes, d’où vous arrivez, jusqu’où vous êtes parvenus à vous pousser. Voilà pourquoi tu pourras aussi accepter la défaite, mais je suis convaincu que tu n’accepterais jamais, de toi-même, de renoncer à essayer. C’est l’une des lois les plus précieuses de l’âge de la jeunesse : chaque heure perdue aujourd’hui est un morceau de malheur demain.

Rêve, donc : explore, repousse ta limite, défie l’adversaire. Fais-le avec style, mais sans perdre le sens de la mesure, en offrant le meilleur de ton coeur avant même ton physique.

Sans raccourcis : il vaut mieux une défaite propre qu’une victoire sale !

Et pendant que tu t’impliques, n’oublie pas d’aimer ce que tu fais, indépendamment du résultat : le risque est grand, en courant à tout prix après une médaille, d’emprunter un chemin de traverse, de trahir la confiance reçue. Certains, malgré tout leur engagement, ne recevront aucune médaille : beaucoup parleront de défaite, même de débâcle.

Pourtant, si l’on y pense, même dans la défaite est cachée une victoire : c’est tout le chemin que tu as parcouru pour arriver jusqu’ici, les choses que tu as apprises et celles pour lesquelles tu as souffert, le beau et le “laid” pour relever un défi. Ne la rejette pas : observe-la, écoute-la. Il y a des entreprises qui sont nées exactement là où tout le monde voyait la fin de l’athlète.

Dans ma vie j’ai découvert que dans une défaite, sont cachés aussi des points de méditation : si tu acceptes de briser la coquille, l’amande que tu y trouves a du goût.

La victoire à tout prix, en revanche, peut se transformer en arrogance, en t’illusionnant sur le fait que, puisque tu es arrivé là, tout t’est permis. Il n’en est pas ainsi ! Le sport est engagement, sacrifice : avant même cela, il est loyauté. Se mêler à du doping ce n’est pas seulement tromper ton adversaire, c’est piétiner ta dignité. C’est voler à Dieu la flamme divine. Une médaille remportée ainsi aujourd’hui, quelle valeur peut-elle avoir demain ?

«La vie est une opportunité, cueille-la — écrit sainte Teresa de Calcutta — La vie est un défi, affronte-la». Saisis-la: le talent, quand il croise une opportunité, devient d’or, d’argent, de bronze…

Ton geste sportif revient à donner une annonce de beauté au monde, perturbé par mille disgrâces : “Il y a une île d’opportunités, au milieu d’une mer de difficultés”.

Tu ne fais pas un appel aux armes. Tu fais beaucoup plus : montrer que dans la guerre, on tue sans jamais vaincre, tandis que dans le sport on gagne sans jamais tuer. En jouant ainsi, tu pourras aussi perdre mais tu auras laissé le monde (non seulement celui du sport) un peu plus beau que quand tu l’as trouvé.

A toi, qui porte la force des rêves et de l’impossible, je confie mon espérance : qu’aucun jeune n’accepte que d’autres signent la vie à sa place.

C’est l’espérance que saint Paul, très grand lutteur, a confiée à son ami Timothée : « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. » (2Tim 4, 7). Joue cette opportunité, dépense-toi à fond, garde ta passion. Et si quelqu’un vient te dire “ça suffit, renonce !”, essaie encore une fois : résiste un instant de plus. Cela pourrait être l’instant décisif : il y a des instants qui, en eux-mêmes, valent tout l’or du monde.

La vie est le plus grand de ces instants.

Je t’accompagne par ma prière : que tu puisses devenir le meilleur de ce que tu gardes dans ton coeur. Toi si tu peux, souviens-toi de moi : pour que je parvienne à faire de même.

Pape François

Traduction de Zenit, Anne Kurian-Montabone

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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