Vol Bagdad-Rome (A330, Alitalia), 8 mars 2021, avec le p. Dieudonné Datonou © Vatican Media

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Questions au pape François (5) : « la migration est un double droit »

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Il remercie le Liban et la Jordanie pour leur accueil

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La cinquième question posée au pape François par la journaliste française, Philippine de Saint Pierre (M. C. KTO), sur le vol de retour Bagdad-Rome, le 8 mars 2021, évoquait entre autres les défis auxquels sont confrontés aujourd’hui les chrétiens irakiens.

« La migration est un double droit, a affirmé le pape : le droit de ne pas migrer et le droit de migrer ». Et d’en conclure : « Il faut des mesures urgentes pour que les gens aient du travail dans leur pays et n’aient pas besoin d’émigrer. Et aussi des mesures pour protéger le droit à la migration »

Soulignant également que « l’intégration des migrants est la clé », le pape a saisi l’occasion pour remercier « les pays généreux, les pays qui accueillent les migrants » et pour citer le Liban et la Jordanie.

Philippine de Saint Pierre (M.C. KTO) : Sainteté, nous avons vu le courage, le dynamisme des chrétiens irakiens, nous avons également vu les défis qu’ils doivent affronter, la menace de la violence islamiste, l’exode et le témoignage de la foi dans leur environnement. Ce sont les défis des chrétiens dans toute la région. Nous avons parlé du Liban, mais aussi de la Syrie, de la Terre Sainte… Il y a dix ans, un synode s’est tenu pour le Moyen-Orient, mais son développement a été interrompu par l’attaque contre la cathédrale de Bagdad. Pensez-vous réaliser quelque chose pour tout le Moyen-Orient, un synode régional ou une autre initiative ?

Je ne pense pas à un synode. Les initiatives, oui ; je suis ouvert à beaucoup, mais je n’ai pas pensé à un synode. Vous avez jeté la première semence, nous verrons, nous verrons ce qui se passera.

La vie des chrétiens en Irak est une vie tourmentée, mais pas seulement celle des chrétiens… Je viens de parler des yézidis…, et d’autres religions qui ne se soumettaient pas au pouvoir de Daech. Et cela, je ne sais pas pourquoi, mais cela leur a donné une très grande force. Il y a le problème dont vous parlez, de la migration. Hier, pendant que nous rentrions en voiture de Qaraqosh à Erbil, [il y avait] beaucoup de monde, de jeunes, l’âge est très peu élevé. Beaucoup de personnes jeunes. Et la question que quelqu’un m’a posée : mais quel est l’avenir pour ces jeunes ? Où iront-ils ? Beaucoup devront quitter leur pays, beaucoup. Avant de commencer le voyage, l’autre jour, vendredi, douze Irakiens réfugiés sont venus me saluer : l’un d’eux avait une prothèse à la jambe parce qu’il s’était enfui sous les camions et qu’il avait eu un accident… Enfuis, beaucoup, beaucoup. La migration est un double droit : le droit de ne pas migrer et le droit de migrer. Ces gens n’ont aucun des deux, parce qu’ils ne peuvent pas ne pas migrer, ils ne savent pas comment faire. Et ils ne peuvent pas migrer parce que le monde n’a pas encore pris conscience que la migration est un droit humain.

Parlant de l’hiver démographique en Italie, un sociologue italien m’a dit : « D’ici quarante ans, nous devrons ‘importer’ des étrangers pour qu’ils travaillent et paient les impôts de nos retraites ». Vous les Français, vous êtes plus malins, vous avez devancé de dix ans avec la loi de soutien à la famille, votre niveau de croissance est très élevé. Mais la migration est vécue comme une invasion. Hier après la messe, j’ai voulu – parce qu’il l’a demandé – recevoir le papa d’Alan Kurdi, cet enfant… C’est un symbole, Alan Kurdi est un symbole ; c’est pourquoi j’ai offert la sculpture à la FAO. C’est un symbole qui dépasse un enfant mort dans la migration : un symbole d’une civilisation morte, de civilisations qui meurent, qui ne peuvent pas survivre, un symbole de l’humanité. Il faut des mesures urgentes pour que les gens aient du travail dans leur pays et n’aient pas besoin d’émigrer. Et aussi des mesures pour protéger le droit à la migration. C’est vrai que chaque pays doit bien étudier sa capacité d’accueil. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de les recevoir pour les laisser sur la plage ; il s’agit de les recevoir, de les accompagner, de les faire progresser et de les intégrer. L’intégration des migrants est la clé.

Deux anecdotes : à Zaventem, en Belgique, les terroristes étaient belges, nés en Belgique mais émigrés islamiques ‘ghettoïsés’ et non intégrés. L’autre exemple : quand je suis allé en Suède, la ministre était là pour me saluer à mon départ : elle était très jeune et avait une physionomie particulière, pas typique des Suédois. C’était la fille d’un migrant et d’une Suédoise : tellement intégrée qu’elle est devenue ministre ! Regardons ces deux choses, qui nous ferons beaucoup, beaucoup, beaucoup réfléchir. Intégrer. Sur la migration qui est, à mon avis, le drame de la région. Je voudrais également remercier les pays généreux, les pays qui accueillent les migrants : le Liban, le Liban a été généreux avec les migrants, deux millions de Syriens là-bas, je crois… [un million et demi de Syriens plus 400 mille Palestiniens] ; la Jordanie – malheureusement nous ne survolerons pas la Jordanie – le Roi est si gentil, le roi Abdullah, il voulait nous rendre hommage avec ses avions à notre passage, je le remercie maintenant ; la Jordanie est très extrêmement généreuse : plus d’un million et demi de migrants. Et beaucoup d’autres pays, pour n’en évoquer que deux. Merci à ces pays généreux ! Merci, merci beaucoup !

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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