Etsuo Akiba, du Japon, capture @ Vatican Media

Etsuo Akiba, du Japon, capture @ Vatican Media

Japon : une réflexion sur le pays le plus âgé au monde

Intervention d’Etsuo Akiba

Share this Entry

Une réflexion sur « le pays le plus âgé au monde avec un taux de natalité en baisse » : c’est ce qu’a offert Etsuo Akiba, professeur à l’Université de Toyama au Japon, académicienne de l’Académie pontificale pour la vie, connectée au Vatican pour la présentation d’un document sur la vieillesse, ce 9 février 2021.

Voici

Intervention d’Etsuo Akiba

En raison de la rapide escalade de l’infection depuis décembre dernier, au Japon, le nombre de morts dues à la Covid-19 a dépassé 6.000. Les personnes de 60 ans et plus représentent 98 pour cent de tous les décès. Actuellement, à Tokyo, le nombre de morts en dehors des hôpitaux augmente drastiquement. Mais les médias japonais ne racontent pas les conditions réelles de la mort des personnes âgées, leurs histoires personnelles, où et comment ils sont morts. La souffrance des petits-enfants et des proches qui ont perdu une personne aimée n’est pas partagée par le grand public. Sur fond de l’indifférence de l’opinion publique à l’égard de la mort des personnes âgées, il existe une grave discrimination vis-à-vis des malades de maladies infectieuses et également le fossé entre générations, dû à l’émergence d’une vision mononucléaire de la famille après la seconde guerre mondiale. Il y a, à la base, une idée d’autodétermination qui découle d’une forte vision individualiste.

Pour ce qui est des jeunes générations, elles ont tendance à s’assembler dans une zone métropolitaine centrale restreinte pour vivre et travailler dans un gratte-ciel. La vie scolaire est dominée par une vision éducative non orientée vers les valeurs. Les étudiants doivent s’engager dans une forte compétition à l’intérieur d’un cercle fermé. Le boulisme en classe est très répandu. Ceux qui ne tiennent pas le coup s’isolent, parfois pendant de longues années et, dans le pire des cas, se suicident. Aujourd’hui, en temps de pandémie, le nombre des suicides chez les étudiantes est en hausse. En ce qui concerne la génération plus âgée, la tendance est de déménager en périphérie, pour vivre dans un appartement pensé pour ces personnes et indépendant de leurs enfants. La plus grande peur des personnes âgées est l’agnosie, l’incapacité à reconnaître des objets et des visages familiers. La tendance est de rédiger une « Ending Note », refusant les soins palliatifs avant de perdre sa capacité d’autodétermination. Ces deux générations ne dialoguent pas entre elles. L’autodétermination de chaque génération et les efforts de développement personnel sont cruciaux.

D’un autre côté, certaines villes de province peu peuplées et avec une population vieillie, mais ayant la chance d’avoir d’abondantes ressources naturelles, et qui maintiennent la culture religieuse traditionnelle japonaise, ont sérieusement cherché à créer une communauté régionale de soutien mutuel, refusant la séparation des générations. Par exemple, la préfecture de Toyama, sur la Mer du Japon, définie de façon discriminatoire comme « l’arrière du Japon », où la neige est abondante, est en train de promouvoir le « Compact City Project », un projet de liaison intergénérationnel en collaboration avec notre université et l’industrie du jardinage paysagiste. Le « Toyama Day Care System », introduit par une infirmière à la retraite il y a 30 ans, s’est également développé au point de devenir un projet national. Des personnes âgées et des enfants porteurs de handicap vivent ensemble dans la grande maison traditionnelle japonaise prévue pour héberger les trois générations, avec le soutien de ceux qui appartiennent à la famille et du personnel aidant. Il a été possible de signaler le cas extraordinaire d’enfants souffrant du TDAH (trouble du déficit de l’attention) dont la condition s’est améliorée à la maison.

Non seulement au niveau des communautés régionales, mais au niveau général, les Japonais doivent croire dans l’importance d’une vision communautaire éthiquement fondée. C’est pourquoi, nous devons surmonter notre traumatisme, la perte de l’éthique commune japonaise enracinée dans le « State Shintoism » (Shintoïsme d’État, coutume des traditions populaires) avant la Seconde guerre mondiale. Non pas pour revenir à un nationalisme obtus, mais pour creuser plus profondément dans nos racines, pour ramener notre éthique nationale à son origine ultime, au bien commun suprême partagé par tous les êtres humains. La guerre mondiale actuelle contre la Covid-19 est une rare possibilité pour nous de fuir la mentalité solitaire d’un pays insulaire et d’atteindre une perspective cosmopolite. Maintenant, le développement de la Bioéthique mondiale, promue par l’Académie pontificale pour la Vie, nous ouvre à notre commune origine, au Créateur de l’univers, et pourrait être un instrument puissant. En outre, elle pourrait être un instrument pour le travail missionnaire. En effet, tout le monde sait qu’au Japon, un bon nombre d’intellectuels ont été baptisés adultes et âgés.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Share this Entry

Hélène Ginabat

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel