Mgr Francesco Follo invite à « faire la communion » et à « adorer le Christ eucharistique comme la Vierge Marie le faisait », dans ce commentaire des lectures de la messe de dimanche prochain, 23 juin 2019 (Année C), en la Fête du Corps et du Sang du Christ.
L’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO à Paris propose, comme lecture patristique un texte de saint Jean Chrysostome et la « Séquence » pour cette solennité.
Le Corps du Christ : Pain de Vie, Pain des anges pour les hommes
1) Le Corps du Christ offert pour nous.
A Noël, le Verbe s’est fait chair, aujourd’hui nous célébrons le fait que « la chair devient Parole » (H.U. von Balthasar).
Il serait inutile que la Parole devienne esprit. Le Verbe ne peut se donner à nous que comme chair. Ce que Dieu a à nous dire, il nous le dit corporellement, avec sa chair et avec son sang. Cette chair et ce sang sont vraiment une communication, une parole, une offrande, un don d’une qualité très spéciale parce qu’elle est divine. Quand nous recevons l’Eucharistie, presque toujours nous ne pensons qu’à la chair et au sang et nous oublions que « le Verbe s’est fait chair ». Nous oublions que ce que nous recevons est la Parole de Dieu qui nous est adressée. Parole pleine de signification, pleine de présence. Parole faite chair pour se donner complètement à nous.
Dire « Je t’aime » est facile à dire, mais difficile à prouver. Puisque ce sont les actes qui démontrent les paroles, ces actes doivent être corporels. Et c’est vrai aussi dans l’amour entre les personnes humaines où la parole doit se faire chair pour accomplir sa vérité : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour son ami ». Et le Verbe s’est fait chair pour donner la vie afin que nous ayons la Vie. « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. » (Jn 8, 54 -58).
Son incarnation a rendu possible l’offrande complète de sa vie, pour le salut de nous qui mangeons son corps, buvons son sang, devenant Celui qui mange et demeure en lui. Donc, permettez-moi de parler de deux « Noël » du Christ. Dans le premier, à Bethléem (qui veut dire « Maison du pain »), il est né à la vie terrestre, a été enveloppé de langes et déposé dans une mangeoire, comme pour indiquer qu’il sera mangé lui aussi. Lors du second Noël, à Jérusalem (qui veut dire « Ville de la paix »), Jésus, par son sacrifice sur la croix, naît à la vie du ciel. Son corps nu fut « totalement revêtu de l’Esprit-Saint » (St Jean Chrysostome, Homélie VI, PG 46, 753) et donné pour tous comme pain de vie éternelle. Le Cénacle, avec le premier saint repas, et la croix, avec le sacrifice divin, sont offerts comme lieux de la miséricorde où trouver la grâce, le pardon et une aide.
Dans l’année C, les lectures de la messe de la fête du Corps et du Sang du Seigneur mettent le don, l’offrande en évidence.
En effet, le passage de la Genèse (première lecture) nous propose le roi de la paix, Melchisédech qui ne fait rien d’extravagant ou d’ostentatoire mais qui offre simplement le pain et le vin, en bénédiction (action de grâces, louange). Saint Paul, dans la seconde lecture tirée de sa première lettre aux Corinthiens, transmet à son tour ce qu’il a reçu en don. En présentant la multiplication des pains (cf. la troisième lecture), l’évangéliste saint Luc met sur les lèvres de Jésus les paroles suivantes : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Les disciples répondirent : « Nous n’avons que cinq pains… », puis ils obéirent (= prêter l’oreille) au Messie et firent asseoir la foule en groupes, offrant ainsi à Jésus l’occasion d’accomplir le miracle de la multiplication des pains. À première vue, l’Évangile de ce dimanche semble s’éloigner du thème de l’Eucharistie. En effet, il nous renvoie au miracle de la multiplication des pains et des poissons, épisode très connu mais qui paraît loin de ce dernier repas de Pâques, consommé par Jésus à Jérusalem. En réalité, le récit de Luc parle aussi, à sa manière, d’un repas, un banquet improvisé dans un endroit désert, pour des invités assez inhabituels. Les plus de cinq mille personnes présentes, grâce au geste de charité obéissante des apôtres, reçurent du pain pour continuer à vivre une vie qui a une fin. Avec l’Eucharistie, le pain de la vie, nous recevons en don une nourriture miraculeuse pour la vie éternelle.
Par ce don magnifique de l’Eucharistie, qui est le fruit de la passion et de la mort du Christ, notre cœur, affamé d’éternité, est rassasié par Jésus qui pour nous s’est « fait » pain vivant et manne céleste. En effet, le froment semé en terre sert à produire le pain de la terre, qui permet de vivre mais n’empêche pas de mourir. En étant élevé sur la Croix, le Sauveur est semé dans le ciel, il se « fait » pain du ciel, éternel, « pain des anges fait pain pour les hommes », pèlerins de l’éternel et que ce pain fortifie en vue du bien et de la fidélité à Dieu. Par la communion, nous sommes vraiment en Dieu et Dieu est vraiment en nous.
- Participation à l’offrande eucharistique.
L’offrande de Jésus immolé s’est transformée en vie pour nous. Comment pouvons-nous y participer ? Saint Jean Chrysostome fit une fois une demande similaire, lors d’une homélie : « Comment pourrions-nous faire une hostie de notre propre corps ? » et il y répondit ainsi : « Que vos yeux ne regardent rien de mauvais et vous aurez offert un sacrifice ; que votre langue ne profère aucune parole inconvenante, et vous aurez présenté une offrande ; que votre main ne commette pas de péché et vous aurez offert un holocauste ». Qu’à l’offrande du Corps et du Sang du Seigneur que nous faisons sur l’autel, se joigne le sacrifice de notre existence. Chaque jour, nous puisons dans le Corps et le Sang du Seigneur cet amour libre et pur qui fait de nous des ministres (du mot latin minister = minus quam alter = inférieur = serviteur) dignes du Christ et témoins de sa joie.
Dans l’Eucharistie, le Sauveur vient à nous non pas tant pour récompenser nos vertus mais pour nous communiquer la force de devenir des saints, c’est-à-dire des personnes guidées par la sagesse de son amour et dont il est l’hôte constant de leur cœur. Nous sommes saints, non pas si nous accomplissons des gestes extraordinaires mais si nous sommes unis au Christ, si nous faisons nôtres ses attitudes, ses pensées, si nous modelons notre vie sur la sienne. Plus nous allons communier, plus nous serons en communion avec Dieu et avec nos frères et sœurs. Laissons-nous guider par cet amour divin, afin que l’ « Amen » que nous disons lorsque nous recevons l’hostie consacrée soit non seulement affirmé par nos lèvres mais senti avec notre cœur.
Le pain eucharistique est le fruit du don de soi du Christ, fruit de sa passion et de sa mort, fruit de son amour « excessif ». Il ne nous reste qu’à l’adorer et à le remercier de nous avoir ancrés dans l’éternité comme ses frères, de nous avoir mis dans les mains du Père comme des enfants de son Fils, d’avoir fait « revivre » notre chair dans sa chair. « La participation à l’Eucharistie, sacrement de la Nouvelle Alliance, est le sommet de l’assimilation au Christ, source de vie éternelle et force du don total de soi (Bienheureux Jean-Paul II, Veritatis splendor, 21).
- Procession et adoration
Si le Jeudi saint met en évidence le lien étroit qui existe entre la dernière Cène et le mystère de la mort de Jésus sur la Croix, aujourd’hui, la fête du Corpus Domini, avec la procession et l’adoration communautaire de l’Eucharistie, attire l’attention sur le fait que le Christ s’est immolé pour l’humanité tout entière.
Il est le Dieu avec nous, l’Emmanuel, et nous sommes invités à l’apporter au monde : aujourd’hui, avec la procession, et chaque jour par le témoignage des pas de notre cœur, qui trouve sa stabilité dans son amour.
Que son passage, avec nous et par nous, à travers les maisons et les rues de notre monde, soit pour nous une offrande de joie, de vie immortelle, de paix et d’amour.
Le fait de montrer Jésus dans les rues du monde sous le signe sacramentel du pain consacré éduque aussi à le percevoir sous le signe de chacun de nos frères, sous le signe de tous les événements de notre vie. En apportant cet Évangile eucharistique dans le monde, nous apportons cette présence divine aux hommes et aux femmes de tous les temps, leur offrant la grande bénédiction de Dieu : Jésus-Christ en personne.
Et l’amour nous rassemble, nous invite à marcher en suivant le Christ avec les pas de notre cœur, nous appelle à l’adorer. De l’abime de notre être de créatures fragiles, nous ne pouvons qu’adorer : « De fait, l’adoration n’est que le sentiment de notre néant, mais ce n’est pas un sentiment qui avilit, ce n’est pas un sentiment qui nous humilie : c’est un sentiment d’humilité, mais non d’humiliation, parce que l’âme expérimente son néant dans la mesure où elle se rend présente devant la grandeur absolue » (Divo Barsotti). De l’adoration naissent la familiarité et la confiance parce que l’adoration eucharistique est l’adoration du Dieu qui est l’amour immense, la grâce infinie et la miséricorde sans limites.
C’est une adoration qui fait vivre une véritable et complète adhésion au Christ, telle que l’expriment les vierges consacrées qui, par leur don total d’elles-mêmes, sont entrées dans un rapport d’intimité et d’union particulières avec le Christ, jusqu’à faire de lui le centre de leur existence, comme la Vierge Marie, qui fut la première vierge consacrée chrétienne et qui fut la personnification même de l’adoration de Jésus.
Il y a un rapport profond entre la virginité et l’adoration : l’une et l’autre sont envahies par la soif passionnée de voir l’Aimé face à face, de pouvoir enfin le serrer dans les bras, atteindre l’union si longtemps désirée. Comme pour la virginité, il semble que l’adoration n’ait pas d’objectif « pratique » mais elle est « au moins » une manière de manifester que le Seigneur est tout et qu’il vaut la peine de se donner et de passer du temps uniquement pour lui. Le corps et le cœur consacrés à Dieu dans la virginité, le temps que nous passons dans l’adoration devant Jésus, n’enlèvent rien à notre vie et à notre travail. Cela nous enracine intimement en Dieu et nous rapproche profondément les uns des autres, intensifie notre amour mutuel, rend plus vivante et plus réelle la présence du Christ : quelque chose, ou mieux, quelqu’un qui vraiment nous unit.
Lecture Patristique
Saint Jean Chrysostome
Le réalisme eucharistique de Jean Chrysostome nous est bien connu [8] En fait, et précisément à cause de l’importance que Jean accorde à la doctrine de notre incorporation au Christ, Jean est reconnu comme le docteur de l’Eucharistie. Citons seulement deux beaux textes [9] :
- Moi, je m’insinue en toi de toutes parts. Je ne veux plus rien entre nous deux : je veux que les deux deviennent un. Homélie in 1 Tim, 15
- Bâtissons donc sur le Christ, qu’il soit notre fondement, comme la vigne l’est pour le sarment, et que rien ne s’intercale entre nous et lui : si venait la moindre séparation, nous péririons à l’instant. Car le sarment vit de son rattachement et la construction tient par l’appui qu’elle trouve : si celui-ci venait à se dérober, elle s’effondrerait, n’ayant pas de soutien. Et ne nous attachons pas seulement au Christ, accolons-nous à lui ; le moindre intervalle nous ferait mourir. Car il est écrit (Ps 72, 27) : « Ceux qui s’éloignent de toi périront » Accolons-nous donc à lui et accolons-nous par les œuvres. Car, dit-il, « C’est celui qui observe mes commandements qui demeure en moi » (Jn 14, 21). Et en vérité, il fait notre union avec lui de beaucoup de manières. Vois : il est la tête, nous, le corps, peut-il y avoir un espace vide entre la tête et le corps ? Il est le fondement, nous l’édifice ; lui, la vigne, nous, les sarments ; lui, l’époux, nous, l’épouse ; lui, le berger, nous, les brebis ; lui, la voie, nous, les voyageurs nous, le temple, lui, l’habitant ; lui, l’aîné, nous, les frères lui, l’héritier, nous, les cohéritiers, lui, la vie, nous les vivants ; lui, la résurrection, nous, les ressuscités ; lui, la lumière, nous, les illuminés. Tout cela parle d’union, tout cela indique qu’il ne peut demeurer d’intervalle, fût-ce le plus petit. Qui se sépare, même très peu, verra la brèche grandir et sera écarté. Est-ce que notre corps, quand un glaive y fait une déchirure même exiguë, ne périt pas ? Est-ce qu’un édifice, par des fissures même étroites, ne va pas à sa ruine ? Est-ce qu’une branche, coupée de la racine, même délicatement, ne dessèche pas ? Ce, peu de chose, vous le voyez, n’est pas peu, c’est presque tout. Homélie 8 in 1 Co, 4)
Comme lecture (presque) patristique à méditer, je propose la Séquence:
écrite par saint Thomas d’Aquin et qui est lue en ce jour au cours de la liturgie de la messe. C’est une composition magnifique qui nous introduit dans les contenus théologiques de l’Eucharistie de manière claire et profonde. Je présente ceux qui sont, à mon avis, à souligner, tout en proposant ci-dessous le texte latin intégral avec sa traduction littérale.
« C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution. À cette table du nouveau Roi, la nouvelle Pâque de la nouvelle loi met fin à la Pâque ancienne. L’ordre ancien cède la place au nouveau, la vérité chasse l’ombre, la lumière dissipe la nuit. Ce que le Christ a fait à la Cène, Il a ordonné de le refaire en mémoire de Lui. Instruits par ces commandements sacrés, nous consacrons le pain et le vin en victime de salut. C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son Corps et le vin en son Sang. Ce que tu ne comprends pas, ce que tu ne vois pas, la foi vive l’affirme, hors de l’ordre naturel des choses. Sous des espèces différentes, signes seulement et non réalités, se cachent des choses sublimes. Sa chair est nourriture, son Sang est breuvage, pourtant le Christ tout entier demeure sous l’une ou l’autre espèce. Par celui qui le reçoit, il n’est ni coupé ni brisé, ni divisé : Il est reçu tout entier. Qu’un seul le reçoive ou mille, celui-là reçoit autant que ceux-ci et l’on s’en nourrit sans le détruire. Les bons le reçoivent, les méchants aussi, mais pour un sort bien inégal : pour la vie ou pour la mort. Mort pour les méchants, vie pour les bons, vois comme d’une même communion l’effet peut être différent. Quand le Sacrement est rompu ne te laisses pas ébranler, mais souviens-toi qu’il y a autant sous chaque fragment que dans le tout. La réalité n’est pas divisée, le signe seulement est fractionné ; mais ni l’état ni la taille de ce qui est signifié n’est diminué. »
NOTE
Etymologie du mot « eucharistie » et histoire très brève de l’origine de la fête du Corps et du Sang du Christ
« èu » est un adverbe qui signifie « bien », dans toutes les acceptions du termes, alors que « chàris » signifie « grâce, don ».
Le verbe grec « eucharistèo » signifie « remercier », mais de fait l’expression « eucharistèa » peut être comprise soit comme « remerciement » à l’égard de Jésus pour son sacrifice et le salut du genre humain, soit comme « bonne charité », au sens de l’acte véritable du Christ lorsqu’il a subi la mort pour le salut du genre humain.
La fête du Corpus Domini tire ses origines du miracle de Bolsena (petite ville sur le lac homonyme dans la province de Viterbe, Italie). Un prêtre de Bohême, en 1263, alla célébrer la messe dans l’église de Sainte Christine ; il était tourmenté par des doutes sur la présence réelle dans le Corps du Seigneur, dans l’hostie consacrée. Au moment de la fraction de l’hostie, sous ses yeux terrifiés, tombèrent du calice des gouttes de sang, sur le corporal et sur le pavement. Le pape Urbain IV, qui résidait à Orvieto, fut aussitôt informé ; il fit examiner le prodige par d’illustres théologiens de l’époque, parmi lesquels Saint Thomas d’Aquin et Saint Bonaventure de Bagnoregio. Le miracle ayant été constaté, le pape institua la fête du Corpus Domini qui devait être célébrée chaque année dans tout le monde chrétien.
- Lauda, Sion, Salvatorem lauda ducem et pastorem, in hymnis et canticis,
- Quantum potes, tantum aude, quia major omni laude nec laudare sufficis.
- Laudis thema specialis, Panis vivus et vitalis hodie proponitur.
- Quem in sacræ mensa cenæ turbæ fratrum duodenæ datum non ambigitur.
- Sit laus plena, sit sonora ; Sit jucunda, sit decora mentis jubilatio.
- Dies enim solemnis agitur in qua mensæ prima recolitur hujus institutio.
- In hac mensa novi Regis, novum Pascha novæ legis, phase vetus terminat.
- Vetustatem novitas, umbram fugat veritas, noctem lux eliminat.
- Quod in cena Christus gessit, faciendum hoc expressit, in sui memoriam.
- Docti sacris institutis, panem, vinum in salutis consecramus hostiam.
- Dogma datur christianis, quod in carnem transit panis et vinum in sanguinem.
- Quod non capis, quod non vides animosa firmat fides, præter rerum ordinem.
- Sub diversis speciebus, signis tantum et non rebus, latent res eximiæ.
- Caro cibus, sanguis potus, manet tamen Christus totus, sub utraque specie.
- A sumente non concisus, non confractus, non divisus, integer accipitur.
- Sumit unus, sumunt mille, quantum isti, tantum ille nec sumptus consumitur.
- Sumunt boni, sumunt mali, sorte tamen inæquali : vitæ vel interitus.
- Mors est malis, vita bonis, vide paris sumptionis quam sit dispar exitus.
- Fracto demum sacramento, ne vacilles, sed memento tantum esse sub fragmento quantum toto tegitur.
- Nulla rei fit scissura signi tantum fit fractura ; qua nec status, nec statura signati minuitur.
- Ecce panis angelorum factus cibus viatorum, vere Panis filiorum non mittendis canibus.
- In figuris præsignatur, cum Isaac immolatur, Agnus paschæ deputatur datur manna patribus.
- Bone pastor, Panis vere, Jesu, nostri miserere, Tu nos pasce, nos tuere, Tu nos bona fac videre in terra viventium.
- Tu qui cuncta scis et vales, qui nos pascis hic mortales tuos ibi commensales, Coheredes et sodales Fac sanctorum civium. Amen. Alleluia.
Loue, Sion, ton Sauveur, loue ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants.
Autant que tu le peux, tu dois oser, car Il dépasse tes louanges et tu ne pourras jamais trop Le louer.
Le sujet particulier de notre louange, le Pain vivant et vivifiant, c’est cela qui nous est proposé aujourd’hui.
Au repas sacré de la Cène, au groupe des douze frères, Il a été clairement donné.
Que notre louange soit pleine, qu’elle soit sonore ; qu’elle soit joyeuse, qu’elle soit belle la jubilation de nos cœurs.
C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution.
À cette table du nouveau Roi, la nouvelle Pâque de la nouvelle loi met fin à la Pâque ancienne.
L’ordre ancien cède la place au nouveau, la vérité chasse l’ombre, la lumière dissipe la nuit.
Ce que le Christ a fait à la Cène, Il a ordonné de le refaire en mémoire de Lui.
Instruits par ces commandements sacrés, nous consacrons le pain et le vin en victime de salut.
C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son Corps et le vin en son Sang.
Ce que tu ne comprends pas, ce que tu ne vois pas, la foi vive l’affirme, hors de l’ordre naturel des choses.
Sous des espèces différentes, signes seulement et non réalités, se cachent des choses sublimes.
Sa chair est nourriture, son Sang est breuvage, pourtant le Christ tout entier demeure sous l’une ou l’autre espèce.
Par celui qui le reçoit, il n’est ni coupé ni brisé, ni divisé : Il est reçu tout entier.
Qu’un seul le reçoive ou mille, celui-là reçoit autant que ceux-ci et l’on s’en nourrit sans le détruire.
Les bons le reçoivent, les méchants aussi, mais pour un sort bien inégal : pour la vie ou pour la mort.
Mort pour les méchants, vie pour les bons, vois comme d’une même communion l’effet peut être différent.
Quand le Sacrement est rompu ne te laisses pas ébranler, mais souviens-toi qu’il y a autant sous chaque fragment que dans le tout.
La réalité n’est pas divisée, le signe seulement est fractionné ; mais ni l’état ni la taille de ce qui est signifié n’est diminué.
Voici le pain des anges devenu l’aliment de ceux qui sont en chemin, vrai Pain des enfants à ne pas jeter aux chiens.
D’avance il est annoncé en figures, lorsqu’Isaac est immolé, l’Agneau pascal sacrifié, la manne donnée à nos pères.
Ô bon Pasteur, notre vrai Pain, Jésus, aie pitié de nous. Nourris-nous, protège-nous, fais-nous voir le bonheur dans la terre des vivants.
Toi qui sais tout et qui peux tout, Toi qui sur terre nous nourris, fais que, là-haut, invités à ta table, nous soyons les cohéritiers et les compagnons des saints de la cité céleste. Amen. Alléluia.