« Les obligations découlant du droit relatif aux droits de l’homme devraient toujours guider les gouvernements dans la conception et la mise en œuvre de leurs politiques économiques », affirme Mgr Jurkovic.
Mgr Ivan Jurkovic, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, est intervenu lors de la 40e session du Conseil des droits de l’homme sur le point 3 : Dialogue interactif avec l’expert indépendant sur la dette extérieure, à Genève, le 28 février 2019.
Voici notre traduction du discours de Mgr Jurkovic.
HG
Discours de Mgr Ivan Jurkovic
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège prend note du rapport de l’expert indépendant et reconnaît que les critères d’évaluation de la dette extérieure et des politiques économiques peuvent effectivement constituer un guide important pour les États et les autres parties prenantes afin de garantir le respect et l’exécution des obligations en matière de droits de l’homme.
À cet égard, ma délégation souhaite faire part de quelques brèves observations :
- Les politiques économiques élaborées par les États devraient toujours s’efforcer d’être au service de la pleine réalisation des droits de l’homme et du développement inclusif. Toutefois, comme chacun le sait, certaines réformes économiques peuvent avoir des conséquences négatives sur l’exercice de ces droits. De l’avis de cette délégation, il est crucial de souligner une fois de plus que les obligations découlant du droit relatif aux droits de l’homme devraient toujours guider les gouvernements dans la conception et la mise en œuvre de leurs politiques économiques, afin qu’elles n’aient pas un impact négatif sur les droits civils, politiques et culturels.
- Ma délégation se félicite que le rapport reconnaisse le rôle joué par la politique fiscale pour parvenir à l’égalité, lutter contre la discrimination et renforcer la gouvernance et la responsabilité. Les politiques fiscales et monétaires constituent en effet de puissants moyens de redistribution de la richesse et de financement du développement. Dans cet esprit, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, la mise en place d’un système fiscal progressif, la redéfinition des priorités en matière de dépenses fiscales en fonction des situations de vulnérabilité sociale, devraient être les priorités absolues des gouvernements dans leur programme politique.
- Les politiques de gestion de la dette devraient être cohérentes avec pour objectif primordial de « ne laisser personne en arrière ». Si le but ultime est d’atteindre une mondialisation sans marginalisation, alors « nous ne pouvons plus tolérer un monde dans lequel vivent côte à côte ceux qui sont immensément riches et ceux qui sont misérablement pauvres, les démunis privés même de l’essentiel et les gens qui gaspillent sans réfléchir ce dont les autres ont désespérément besoin. De tels contrastes sont un affront à la dignité de la personne humaine ». (1) Alors que nous croyons que les États sont appelés à « se protéger par une gestion appropriée du système public grâce à des réformes structurelles judicieuses, une répartition raisonnable des dépenses et des investissements prudents », pour éviter un endettement insoutenable ainsi que des pertes économiques créées par des particuliers et supportées par le système public (2), nous préconisons fortement des initiatives et des efforts internationaux afin que « des réductions raisonnables et concertées de la dette publique soient réalisées dans les économies en développement » (3).
- La dette extérieure est un indicateur du manque de justice dans les flux de capitaux dans le monde. La question de la dette fait partie d’un défi plus vaste : « celui de la persistance de la pauvreté, parfois même extrême, et de l’émergence de nouvelles inégalités qui accompagnent le processus de mondialisation ». (4) Le critère des droits de l’homme est crucial pour l’évaluation des relations de dette extérieure, et il est important que le créancier et l’emprunteur assument leur propre responsabilité pour assurer que les droits de l’homme sont respectés.
- En conclusion, ma délégation tient à exprimer sa préoccupation quant à l’inclusion, dans le document, de références aux soi-disant « droits » des personnes LGBTI. À cet égard, le Saint-Siège tient à réaffirmer qu’il importe de conserver une approche holistique et intégrée, en évitant toute considération idéologique, comme celles qui concernent l’âge, le genre et la diversité. Il est de la plus haute importance que les politiques économiques et financières que nous envisageons soient fermement centrées sur la personne humaine.
Merci, Monsieur le Président.
1 Jean-Paul II. Message pour la Journée mondiale de la Paix, 1988, 1er janvier 1998.
2 Oeconomicae et pecuniariae quaestiones. Considérations pour un discernement éthique sur certains aspects du système économico-financier actuel, par. 32.
3 Ibid.
4 Jean-Paul II. Message pour la Journée mondiale de la paix, 1988.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat