Dans le livre-entretien « Dieu est jeune », publié le 20 mars 2018 aux Editions Robert Laffont/Presses de la Renaissance le pape François déplore « l’exacerbation d’une esthétique artificielle » qui « déshumanise la beauté de l’homme ». Et d’interroger : « Pourquoi donc voudrait-on ressembler à une norme standard ? Pourquoi ne nous aimons-nous pas tels que Dieu nous a faits ? Pourquoi l’être humain, les hommes comme les femmes, se fait-il toujours plus esclave du paraître et de l’avoir, en oubliant combien il est indispensable d’être ? »
Au fil de ses conversations avec Thomas Leoncini, journaliste et écrivain italien de 32 ans, le pape confie que « l’industrie des soins esthétiques et de la chirurgie plastique (lui) fait peur ». « Nous ne pouvons pas nous permettre qu’elle devienne une nécessité pour l’être humain », insiste-t-il.
Il distingue le culte de l’apparence du fait de « prendre soin de soi » : « il s’agit alors de respect, de décorum, d’une valorisation positive de soi-même, qui est le fruit d’une estime de soi légitime et du sentiment de sa propre dignité. C’est là le juste soin du corps et de sa propre image, qui exprime à l’extérieur un soin et une beauté intérieurs ».
Ma grande peur était de ne pas être aimé
Émaillant le dialogue d’anecdotes personnelles de son enfance et de son adolescence, le pape confie notamment : « Quand j’étais jeune, ma grande peur était de ne pas être aimé. » Comment surmonter cette peur ? « En recherchant l’authenticité », répond le pape : « J’ai combattu moi aussi contre la société de l’apparence et je continue à le faire en m’acceptant tel que je suis… La société de l’apparence se construit sur la vanité, et quel est le symbole par excellence de la vanité ? Le paon. Imagine un paon : quand on pense à cet animal, on le voit toujours avec sa roue ouverte, éclatante de couleur. Mais la réalité est autre. Tu veux voir la réalité du paon ? Regarde-le par derrière. La vanité a toujours un revers. »
Dans cette société de l’apparence, fait-il observer, « il semble que grandir, vieillir, entrer dans la maturité, soit un mal. C’est synonyme d’une vie épuisée, insatisfaite. Il semble qu’aujourd’hui tout soit maquillé ou masqué. Comme si le fait même de vivre n’avait plus de sens ».
Pour le pape, le besoin de paraître va de pair avec une immaturité : « Il y a trop de parents qui sont des adolescents dans leur tête, qui jouent à la vie éphémère éternelle et qui, consciemment ou non, rendent leurs enfants victimes de ce jeu pervers. » Or, « une société construite sur l’éphémère et sur l’exclusion ne crée que des plaisirs momentanés et illusoires, et non des joies profondes et durables ».
« On voit trop souvent, note encore le pape, des adultes jouer à l’enfant, éprouver la nécessité de se mettre au niveau de l’adolescent, sans comprendre que c’est un leurre. C’est le jeu du diable… C’est comme si les adultes disaient : ‘tu es jeune, tu as cette grande possibilité et cette énorme promesse, mais je veux être plus jeune que toi, je peux l’être, je peux feindre de l’être et en cela aussi être meilleur que toi' ».
Il met en garde contre cette immaturité qui confond l’instant et le temps : « quand quelqu’un raisonne avec des phrases du type ‘je veux cela pour toute ma vie’, bien souvent il raisonne dans l’instant, en s’imaginant être dans le temps ».
Le pape François fustige aussi la « pensée unique » qui est « faible parce qu’elle n’est pas authentique, elle n’est pas personnelle, elle est imposée, de sorte que personne sans doute ne la ressent comme la sienne propre : tout le monde tend à la vivre, mais sans la penser ».
"Dieu est jeune" @ Robert Lafont/Presses de la Renaissance 2018
"Dieu est jeune": le pape déplore l'esthétique artificielle qui "déshumanise la beauté de l’homme"
« Pourquoi ne nous aimons-nous pas tels que Dieu nous a faits ? »