Mgr Bernardito Auza © Mission du Saint-Siège à l'ONU

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Le Saint-Siège plaide pour la "responsabilité de protéger"

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Appel de Mgr Auza aux Nations-Unies (Traduction intégrale)

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« Le Saint-Siège confirme la validité pérenne de la Responsabilité de protéger et, souhaitant réaffirmer son attachement à ce principe, il appelle à sa mise en œuvre complète, impartiale et cohérente ». C’est ce qu’a déclaré Mgr Bernardito Auza qui affirme aussi que la communauté internationale a « la responsabilité d’utiliser les moyens diplomatiques, humanitaires et pacifiques appropriés… pour aider à protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. »
Le nonce apostolique et observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies, est en effet intervenu au Dialogue interactif informel sur le rapport du Secrétaire général sur la responsabilité de protéger : la responsabilité de protéger et de prévenir, ce mercredi 6 septembre 2017 à New York.
Si les moyens pacifiques sont « insuffisants », a poursuivi Mgr Auza, et que « les autorités nationales manquent manifestement de protéger leurs populations », la communauté internationale doit « prendre des mesures collectives, de manière rapide et décisive, par le biais du Conseil de sécurité » et « en coopération avec les organisations régionales compétentes ».
Enfin, le représentant du Saint-Siège a souligné « l’importance croissante de la mise en œuvre concrète de la Responsabilité de protéger dans le contexte des crises migratoires et des réfugiés ».
Voici notre traduction de la déclaration en anglais de Mgr Bernardito Auza
HG
 
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège tient à vous remercier de cette occasion pour aborder l’importance cruciale de la responsabilité de protéger et de prévenir.
Le rapport du Secrétaire général s’ouvre en reconnaissant honnêtement qu’il existe « un écart entre notre engagement déclaré envers notre responsabilité de protéger et la réalité quotidienne à laquelle sont confrontées les populations exposées au risque du génocide, de crimes de guerre, du nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité. » [1] Combler cette lacune est une responsabilité collective qui nous appelle tous à une action urgente.
La responsabilité de protéger est intrinsèque à la relation entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés, tout en étant un élément essentiel du bien commun. Il existe un consensus universel selon lequel cette responsabilité première des États individuels de protéger leurs propres populations est le premier pilier de la norme.
Bien que la responsabilité de protéger n’ait été définie que très récemment, au cours du Sommet mondial de 2005 [2], en fait, elle a toujours été implicite dans l’idée qui a donné naissance aux Nations Unies. Au cours de la première partie du seizième siècle, lorsqu’émergeait le concept d’États souverains nationaux, le frère dominicain Francisco de Vitoria, considéré à juste titre comme l’un des pères du droit international et des concepts qui se sont finalement développés dans les Nations Unies, décrivait la responsabilité des gouverneurs de protéger leurs propres sujets comme un aspect de la raison naturelle partagée par toutes les nations et une règle pour un ordre « international » dont la tâche était de règlementer les relations entre les peuples [3].
Aujourd’hui, il existe également un consensus politique plus ou moins général selon lequel cette responsabilité collective de tous les États est le deuxième pilier de la norme.
Il existe le consensus croissant selon lequel la communauté internationale, par l’intermédiaire des Nations Unies, a également la responsabilité d’utiliser les moyens diplomatiques, humanitaires et pacifiques appropriés, conformément aux chapitres VI et VIII de la Charte, pour aider à protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité.
Dans ce contexte, les pays sont convenus qu’ils devraient être prêts à prendre des mesures collectives, de manière rapide et décisive, par le biais du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, y compris le chapitre VII, au cas par cas et en coopération avec les organisations régionales compétentes, selon le cas, si les moyens pacifiques sont insuffisants et que les autorités nationales manquent manifestement de protéger leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité.
Le plus grand défi dans la mise en œuvre de la Responsabilité à protéger réside dans ce troisième pilier. C’est pourquoi ce pilier était au cœur des délibérations des dirigeants mondiaux dans la définition du principe lors du Sommet mondial de 2005.
Confronté à la preuve que le nombre croissant de crimes d’atrocité commis au cours des dernières décennies est dû à l’échec des États individuels à protéger leurs propres populations, associé aux difficultés de la communauté internationale à exercer sa responsabilité collective à cet égard, le troisième pilier était et reste un coup de semonce à la communauté internationale pour surmonter ces difficultés face aux atrocités de masse.
Le consensus, la sincérité, la transparence, la confiance mutuelle et la réforme adéquate des articles 2.7 et 39 de la Charte de l’ONU sont censés être la réponse à l’opposition potentielle entre la souveraineté nationale et l’intervention extérieure. Renforcer le troisième pilier et le rendre « plus réalisable » est la clé d’une mise en œuvre « rapide et décisive » de la responsabilité de protéger.
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège confirme la validité pérenne de la Responsabilité de protéger et, souhaitant réaffirmer son attachement à ce principe, il appelle à sa mise en œuvre complète, impartiale et cohérente. Une telle demande signifie, comme le recommande le rapport du Secrétaire général, s’acquitter des obligations découlant des droits internationaux relatifs aux droits de l’homme et du droit international humanitaire et condamner les attaques délibérées contre des civils et des infrastructures civiles.
Cela signifie prévenir ou arrêter les atrocités et protéger les populations contre celles-ci par une plus grande responsabilité juridique, politique et morale. Le Saint-Siège soutient donc les initiatives qui faciliteront le respect des obligations découlant de la responsabilité de protéger, telles que le Code de conduite concernant l’action du Conseil de sécurité contre le génocide, les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité, ainsi que l’inclusion de mandats pour protéger les civils dans les opérations de maintien de la paix.
Enfin, le Saint-Siège souhaite souligner l’importance croissante de la mise en œuvre concrète de la Responsabilité de protéger dans le contexte des crises migratoires et des réfugiés. L’utilisation de menaces pour commettre des atrocités contre des populations ou leur perpétration réelle comme stratégie pour les déplacer de force doit être condamnée, empêchée ou arrêtée. Le droit de tous à rester dans leur propre pays d’origine et le droit de retourner et de retrouver leur propriété doivent également être appliqués selon la norme.
Au-delà de toute considération, notre humanité commune nous pousse tous à aider les victimes des crimes d’atrocités et à répondre par solidarité à leurs besoins de la manière la plus humaine et fraternelle possible. Lorsque la communauté internationale ne parvient pas à exercer de manière adéquate la responsabilité de la protection, nous avons tous une grande et urgente responsabilité, comme l’a proposé le pape François, d’accueillir, de protéger, de promouvoir et d’intégrer les victimes de ces échecs [4].
Merci, Monsieur le Président.
 

  1. A / 71/1016 -S / 2017/556.
  2. A / RES / 60/1, points 138 et 139.
  3. Cf. Benoît XVI, Discours à l’Assemblée générale des Nations Unies, 18 avril 2008.
  4. Pape François, Message pour la 104èmeJournée des migrants et des réfugiés (14 janvier 2018)
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Hélène Ginabat

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