Audience à la Direction nationale antimafia et antiterrorisme © L'Osservatore Romano

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Italie: la mafia est "une culture de mort" qui s’oppose à l’Évangile

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Le pape encourage des juges anti-mafia (Traduction intégrale)

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« Le phénomène mafieux, expression d’une culture de mort, doit être contrecarré et combattu. Il s’oppose radicalement à la foi et à l’Évangile, qui sont toujours pour la vie ». C’est ce qu’a affirmé le pape François devant les membres de la Direction nationale italienne antimafia et antiterrorisme, qu’il a reçus le 23 janvier 2017, au Vatican.
Après les salutations de Franco Roberti, procurateur national antimafia et antiterrorisme, le pape a encouragé le travail des juges engagés à combattre le crime organisé, notamment le terrorisme et les organisations mafieuses telles la camorra et la ‘ndrangheta : « Je désire vous exprimer mon estime et mes encouragements pour votre activité, difficile et risquée », leur a-t-il dit. Il leur a souhaité « la force d’avancer, de ne pas (se) décourager ».
Le pape a aussi souhaité la conversion des mafieux, « afin qu’ils s’arrêtent, qu’ils cessent de faire le mal, se convertissent et changent de vie ». « L’argent des affaires sales et des délits mafieux est un argent couvert de sang et produit un pouvoir inique », a-t-il dénoncé avant de mettre en garde contre « la première corruption » : « le diable entre dans les poches ».
Au fil de son discours, le pape François a particulièrement appelé à « la lutte contre la traite des personnes et la contrebande des migrants : il s’agit là de très graves délits qui frappent les plus faibles d’entre les faibles ! ». « La société a besoin d’être assainie de la corruption, des extorsions, du trafic illicite de drogues et d’armes, de la traite d’êtres humains, parmi lesquels tant d’enfants réduits en esclavage », a-t-il insisté.
Enfin, il a préconisé « des interventions éducatives » auprès des nouvelles générations afin de « partir des consciences pour assainir les intentions, les choix, les comportements individuels ».
AK
Discours du pape François
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous accueillir, vous qui représentez la Direction nationale antimafia et antiterrorisme. Je vous salue cordialement et je remercie le Dr Franco Roberti pour ses paroles.
Les fonctions qui vous sont confiées par l’État concernent la poursuite des délits des trois grandes organisations criminelles d’ordre mafieux : mafia, camorra et ‘ndrangheta. Exploitant les carences économiques, sociales et politiques, elles trouvent un terrain fertile pour réaliser leurs déplorables projets. Il est de vos compétences de lutter contre le terrorisme, qui revêt toujours plus un aspect cosmopolite et dévastateur. Je désire vous exprimer mon estime et mes encouragements pour votre activité, difficile et risquée, mais plus que jamais indispensable pour racheter et libérer le pouvoir des associations criminelles qui se rendent responsables de violences et d’abus tachés de sang humain.
La société a besoin d’être assainie de la corruption, des extorsions, du trafic illicite de drogues et d’armes, de la traite d’êtres humains, parmi lesquels tant d’enfants réduits en esclavage. Ce sont d’authentiques plaies sociales et, en même temps, des défis mondiaux que la collectivité internationale est appelée à affronter avec détermination. Dans cette perspective, j’ai appris que votre activité de lutte contre le crime se déroule opportunément en collaboration avec vos collègues d’autres États. Ce travail, réalisé en synergie et avec des moyens efficaces, constitue une barrière efficace et une défense pour la sécurité de la collectivité.
La société a une grande confiance dans votre professionnalisme et votre expérience de juges engagés à combattre et à éradiquer le crime organisé. Je vous exhorte à consacrer tous vos efforts spécialement dans la lutte contre la traite des personnes et la contrebande des migrants : il s’agit là de très graves délits qui frappent les plus faibles d’entre les faibles ! À cet égard, il est nécessaire d’augmenter les activités de protection des victimes en prévoyant une assistance légale et sociale de nos frères et sœurs en quête de paix et d’un avenir. Ceux qui fuient leur pays à cause de la guerre, des violences et des persécutions ont le droit de trouver un accueil adéquat et une protection convenable dans les pays qui se disent civilisés.
Pour compléter et renforcer votre précieuse œuvre de répression, il faut des interventions éducatives qui aient du souffle, adressées en particulier aux nouvelles générations. Dans ce but, les différentes agences éducatives, parmi lesquelles les familles, les écoles, les communautés chrétiennes et les réalités sportives et culturelles, sont appelées à favoriser une conscience morale et légale orientée vers des modèles de vie honnêtes, pacifiques et solidaires qui, petit à petit, puissent vaincre le mal et aplanir la voie vers le bien. Il s’agit de partir des consciences pour assainir les intentions, les choix, les comportements individuels, afin que le tissu social s’ouvre à l’espérance d’un monde meilleur.
Le phénomène mafieux, expression d’une culture de mort, doit être contrecarré et combattu. Il s’oppose radicalement à la foi et à l’Évangile, qui sont toujours pour la vie. Ceux qui suivent le Christ ont des pensées de paix, de fraternité, de justice, d’accueil et de pardon. Quand la sève de l’Évangile coule dans le disciple du Christ, elle fait mûrir de bons fruits bien reconnaissables aussi à l’extérieur, avec des comportements correspondants que l’apôtre Paul identifie comme « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (Ga 5,22).
Je pense à toutes les paroisses et associations catholiques qui sont témoins de ces fruits. Elles effectuent un excellent travail sur le territoire, visant à la promotion des personnes, une promotion culturelle et sociale qui veut extirper progressivement la racine de la mauvaise plante de la criminalité organisée et de la corruption. Dans ces initiatives, se manifeste aussi la proximité de l’Église à ceux qui vivent des situations dramatiques et qui ont besoin d’être aidés à sortir de la spirale de la violence et d’être régénérés dans l’espérance.
Chers frères et sœurs, que le Seigneur vous donne toujours la force d’avancer, de ne pas vous décourager mais de continuer à lutter contre la corruption, la violence, la mafia et le terrorisme. Je suis conscient du fait que le travail que vous effectuez comporte aussi le risque pour votre vie, je sais cela ; et le risque d’autres dangers pour vous et pour vos familles. C’est ainsi qu’agit la mafia. Pour cette raison, cela requiert un supplément de passion, de sens du devoir et de force d’âme ainsi que, de notre part, de la part de tous les citoyens qui bénéficions de votre travail, [un supplément] de soutien, de prière et de proximité. Je vous assure que je vous suis très proche, dans votre travail, et que je prie pour vous.
En même temps, que le Seigneur juste et miséricordieux touche le cœur des hommes et des femmes des différentes mafias, afin qu’ils s’arrêtent, qu’ils cessent de faire le mal, se convertissent et changent de vie. L’argent des affaires sales et des délits mafieux est un argent couvert de sang et produit un pouvoir inique. Nous savons tous que le diable « entre dans les poches » : c’est là, la première corruption.
Pour vous, vos familles et votre travail, j’invoque le soutien du Seigneur. Je le redis : je vous suis très proche. Et tout en vous demandant à vous aussi de prier pour moi, je vous bénis de tout cœur.
Que le Seigneur vous bénisse, vous et vos familles.
[Bénédiction] Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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