« Que le bien commun soit la boussole qui oriente l’activité productive », souhaite le pape François.
Le pape François a en effet rencontré les entrepreneurs de la Confédération générale de l’industrie italienne (Cofindustria), samedi dernier, 27 février 2016, en la salle Paul VI du Vatican.
« Que le bien commun soit la boussole qui oriente l’activité productive, afin que croisse une économie de tous et pour tous qui ne fasse pas ‘attendre le regard d’un indigent’ (Sir 4,1). C’est vraiment possible si la simple proclamation de la liberté économique ne l’emporte pas sur la liberté concrète de l’homme et sur ses droits, si le marché n’est pas un absolu mais honore les exigences de la justice et, en dernière analyse, de la dignité de la personne. Parce qu’il n’y a pas de liberté sans justice et qu’il n’y a pas de justice sans respect de la dignité de chacun », a déclaré le pape.
Il a appelé à construire « le bien commun » et un « nouvel humanisme du travail ».
Voici notre traduction complète du discours prononcé par le pape François en italien.
A.B.
Discours du pape François
Mesdames et Messieurs, bonjour !
Je vous salue tous, représentants du monde de l’entreprise qui êtes venus si nombreux. Je remercie le président, Monsieur Squinzi, ainsi que Monsieur Ghizzoni et Madame Marcegaglia, des paroles qu’ils m’ont adressées.
Par cette rencontre qui constitue une nouveauté dans l’histoire de votre Association, vous vous êtes proposés de confirmer un engagement : celui de contribuer par votre travail à une société plus juste et plus proche des besoins de l’homme. Vous voulez réfléchir ensemble à l’éthique de l’entreprise ; ensemble vous avez décidé de renforcer la référence aux valeurs qui sont « l’épine dorsale » des projets de formation, de mise en valeur du territoire et de promotion des relations sociales, et qui permettent une alternative concrète au modèle consumériste du profit à tout prix.
« Faire ensemble », c’est l’expression que vous avez choisie comme guide et comme orientation. Elle incite à collaborer, à partager, à préparer la route à des rapports réglés par un sens commun de la responsabilité. Cette voie ouvre un champ à de nouvelles stratégies, de nouveaux styles, de nouveaux comportements. Comme notre vie serait différente si nous apprenions vraiment, jour après jour, à travailler, à penser et à construire ensemble !
Dans le monde complexe de l’entreprise, « faire ensemble » signifie investir dans des projets qui sachent impliquer des sujets souvent oubliés ou négligés. Parmi ceux-ci, surtout, les familles, foyers d’humanité, dans lesquels l’expérience du travail, le sacrifice qui l’alimente et les fruits qui en dérivent, trouvent un sens et une valeur. Et, ensemble, avec les familles, nous ne pouvons pas oublier les catégories les plus faibles et les plus marginalisées, comme les personnes âgées, qui pourraient encore apporter des ressources et de l’énergie par une collaboration active, et qui sont pourtant trop souvent écartées, considérées comme inutiles et improductives. Et que dire ensuite de tous ces travailleurs potentiels, spécialement les jeunes qui, prisonniers de la précarité ou de longues périodes de chômage, ne sont pas sollicités par une demande de travail qui leur donne non seulement un salaire honnête, mais aussi la dignité dont ils se sentent parfois privés ?
Ensemble, toutes ces forces peuvent faire la différence pour une entreprise qui mette au centre la personne, la qualité de ses relations, la vérité de son engagement à construire un monde plus juste, un monde vraiment pour tous. En effet, « faire ensemble » veut dire positionner le travail non pas sur le génie solitaire d’un individu, mais sur la collaboration de tous. En d’autres termes, cela signifie « faire en réseau » afin de mettre en valeur les dons de tous, sans pour autant omettre l’unicité irremplaçable de chacun. Au centre de chaque entreprise, qu’il y ait donc l’homme : non pas abstrait, idéal, théorique, mais l’homme concret, avec ses rêves, ses besoins, ses espérances et son labeur.
Cette attention à la personne concrète comporte une série de choix importants : cela signifie donner à chacun ce qui lui est dû, arrachant les pères et les mères de famille à l’angoisse de ne pas pouvoir donner un avenir, ni même un présent, à leurs enfants ; cela signifie savoir diriger, mais aussi savoir écouter, en partageant avec humilité et avec confiance des projets et des idées ; cela signifie faire en sorte que le travail crée un autre travail, que la responsabilité crée une autre responsabilité, que l’espérance crée une autre espérance, surtout pour les jeunes générations, qui en ont aujourd’hui plus que jamais besoin.
Dans mon exhortation apostolique Evangelii gaudium, j’ai relancé le défi de nous soutenir mutuellement, de faire de l’expérience commune une occasion pour « de plus grandes possibilités de rencontre et de solidarité entre tous » (n. 87). Devant tant de barrières d’injustices, de solitudes, de défiance et de suspicion qui sont encore érigées de nos jours, le monde du travail, dont vous êtes des acteurs de premier plan, est appelé à faire des pas courageux pour que « se trouver et faire ensemble » ne soit pas seulement un slogan, mais un programme pour le présent et pour l’avenir.
Chers amis, vous avez « une vocation noble orientée à produire de la richesse et à améliorer le monde pour tous » (Lett. enc. Laudato si’, n. 129) ; vous êtes par conséquent appelés à être des constructeurs du bien commun et des artisans d’un nouvel « humanisme du travail ». Vous êtes appelés à protéger le professionnalisme et, en même temps, à prêter attention aux conditions dans lesquelles le travail s’effectue, pour que ne se produisent ni des accidents ni des situations désagréables.
Que votre voie maîtresse soit toujours la justice, qui refuse les raccourcis des recommandations et du favoritisme, les déviations dangereuses de la malhonnêteté et des compromis faciles.
Que la loi suprême soit en tout l’attention à la dignité de l’autre, valeur absolue et intouchable.
Que ce soit cet horizon d’altruisme qui distingue votre engagement : il vous portera à refuser catégoriquement que la dignité de la personne soit piétinée au nom d’exigences de productivité, qui masquent les myopies individuelles, les tristes égoïsmes et la soif de gain.
Que l’entreprise que vous représentez soit au contraire toujours ouverte à ce « sens plus large de la vie », qui lui permettra de « servir vraiment le bien commun, par ses efforts pour multiplier et rendre plus accessibles à tous les biens de ce monde » (Exhort. apost. Evangelii gaudium, n. 203).
Que le bien commun soit la boussole qui oriente l’activité productive, afin que croisse une économie de tous et pour tous qui ne fasse pas « attendre le regard d’un indigent » (Sir 4,1). C’est vraiment possible si la simple proclamation de la liberté économique ne l’emporte pas sur la liberté concrète de l’homme et sur ses droits, si le marché n’est pas un absolu mais honore les exigences de la justice et, en dernière analyse, de la dignité de la personne. Parce qu’il n’y a pas de liberté sans justice et qu’il n’y a pas de justice sans respect de la dignité de chacun.
Je vous remercie de votre engagement et de tout le bien que vous faites et que vous pourrez faire. Que le Seigneur vous bénisse. Je vous demande, s’il vous plaît, de ne pas oublier de prier pour moi. Merci !
Maintenant, je voudrais demander au Seigneur de vous bénir tous, vos familles et vos entreprises.
© Traduction de Zenit, Hugues de Warren
PHOTO.VA - OSSERVATORE.VA - Audience du pape François à la Cofindustria, 27 février 2016
Le bien commun, boussole de l'activité productive: le vœu du pape François
Audience aux entrepreneurs italiens (traduction complète)