La triple ouverture du synode, par le card. Vingt-Trois

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Et la grande liberté du pape François

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Erratum: il fallait bien sûr lire « fidélité » et non « infidélité » dans le texte. Avec nos excuses pour cette coquille malencontreuse.

 

Le synode est pour les évêques un moment pour être « ouvert » à la fois à Dieu dans la prière, les uns aux autres, dans le dialogue, et à la réalité des familles, explique le cardinal Vingt-Trois, en expliquant cette « instruction » donnée par le pape au synode. Il souligne combien celui-ci est « libre » par rapport aux pressions.

Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, président délégué du synode, est en effet intervenu lors de la première conférence de presse du synode, ce lundi 5 octobre à 13h, en la salle de presse du Saint-Siège.

La prière, le dialogue et la réalité

Il confie aussi la « première impression très forte » qui l’a « habité » ce matin « a été de percevoir de façon exceptionnelle la grande diversité des participants, diversité de continents, diversité d’Eglises – puisqu’il y a des représentants des Eglises orientales et de l’Eglise latine –, diversité d’âges, diversité d’expérience, et tout cet ensemble dont il peut paraître improbable qu’il arrive à se mettre d’accord sur quelque chose, est rassemblé autour du pape avec comme instruction – celle qu’il avait donnée déjà au cours du synode de 2014 et qu’il a redonnée aujourd’hui – l’instruction que nous abordions ce temps d’une façon ouverte : c’est-à-dire que nous soyons ouverts à Dieu qui veut nous conduire – c’est ce que nous faisons par la prière, par la méditation de la parole de Dieu –, l’ouverture les uns aux autres – c’est le style du dialogue que nous allons essayer de vivre –, l’ouverture à la réalité de ce que vivent les familles et que nous percevons, que nous avons perçue, et sur quoi nous travaillons à partir des comptes rendus que nous avons rassemblés au cours de l’année écoulée. »

Pour le cardinal Vingt-Trois, « les événements » « vécus depuis samedi sont une bonne introduction significative du synode et de son contenu » : veillée de prière samedi, messe de dimanche, première assemblée de ce lundi.

Le synode est en effet « un temps où l’Eglise est en prière », souligne l’archevêque français.
Il ajoute : le synode est « un temps où l’Eglise est réunie comme nous l’avons vécu ce matin autour du pape » et enfin, « un temps où l’on avance ensemble où l’on marche ensemble ».

« Ces trois moments de la prière, du rassemblement et de la mise en route sont une sorte de portail qui donne à penser ce que vont être ces trois semaines du synode », résume le cardinal Vingt-Trois.

La présence de l’Afrique

A propos du déséquilibre de la représentation des questions africaines, le cardinal Vingt-Trois répond : « Comme vous avez pu le constater par notre expérience très courte de ce midi, ce n’est pas nous qui avons choisi le terrain, c’est vous. Ce n’est pas nous qui avons orienté la discussion et les questions, c’est vous. Et donc cela veut dire que probablement il y a dans cette salle plus de journalistes occidentaux que de journalistes africains et qui représentent moins de populations que n’en représenterait un journaliste africain. Mais, c’est comme cela, nous sommes dans un système économique qui est tel que c’est plus facile d’avoir un réseau de presse en pays développé que dans un pays en voie de développement. »

Il encourage la prise de parole des pères africains : « Nous avons eu au cours de la précédente session du synode quelques interventions de pères africains qui ont dit exactement ce que vous dites. Et je sais, pour avoir interrogé l’un ou l’autre, qu’ils ont préparé très sérieusement la session dans laquelle nous entrons. J’espère – en tout cas je les ai encouragés – j’espère qu’ils auront la force de dire ce qu’ils ont préparé. Car il ne suffit pas qu’ils aient bien travaillé, il faut encore qu’ils puissent partager leur travail. Tout à l’heure, une d’entre vous a évoqué la vision nucléaire de la famille occidentale : c’est une vision partielle et limitée dans l’univers. Il y a, parmi les Pères du synode, un certain nombre d’entre nous qui sont témoins d’une autre expérience familiale. Et il faut que ces témoignages puissent apparaître. »

Des forces de désagrégation

Mais le cardinal fait observer que, quelles que soient les causes, les effets de la « désagrégation de la famille » se font ressentir partout : « Maintenant, quand on a dit tout cela, il faut encourager le cardinal Erdö, c’est-à-dire prendre conscience que les bouleversements auxquels notre société est confrontée, ne sont pas simplement des bouleversements « occidentaux ». Je veux dire que les événements ou les causes qui mettent en branle des millions d’Africains dans des migrations intra-africaines ne viennent pas de la conception occidentale de la famille. Ce sont des réalités qui débordent notre limite culturelle et qui ont aussi des conséquences sur les familles africaines. Comme aussi la grande migration de jeunes Africains vers les grandes métropoles africaines brise quelque chose de l’expérience familiale africaine. Donc ces bouleversements socio-économiques ne sont pas simplement des bouleversements occidentaux : ce sont des bouleversements culturels beaucoup plus larges et je pense qu’il faut que nous soyons conscients que même si l’on part d’expériences différentes, les expériences familiales différentes sont soumises à des forces de désagrégation qui ne sont pas les mêmes mais ont les mêmes effets. Et donc, c’est un aspect important : il faut que nous l’ayons à l’esprit. »

L’air du temps et les signes des temps

A propos de la pression des media : « Nous l’avons ressentie l’année dernière très fortement et tout au long de l’année. Le travail que nous avons essayé de faire était largement coloré (…) ou infiltré (…) par des questions qui n’étaient pas forcément les plus préoccupantes pour nos participants, mais qui étaient des questions de l’air du temps ».

ll a invité à faire la différence entre « l’air du temps » et les « signes des temps » : « Les signes des temps c’est un acte de discernement et d’interprétation sur les événements à la lumière de l’Ecriture. L’air du temps c’est la pression que l’on peut faire monter ou faire baisser en fonction de la manière d’exprimer les choses. »

Ce que le card. Kasper a actualisé

Il a souligné la grande liberté du pape François et la sienne : « Personnellement (…), je ne pense pas que le pape soit complètement soumis à l’air du temps, je pense même qu’il est complètement libre. Personnellement, j’ai 73 ans: dans deux ans, je serai retiré de ma charge. Je n’ai vraiment rien à perdre. Et donc je n’ai aucune crainte à ne pas être en symphonie avec l’air du temps et je reste très libre devant ce que j’entends. »

Il précise aussi à propos de l’enseignement de l’Eglise sur le mariage : « Si vous êtes venus à Rome avec l’idée que vous alliez repartir avec un changement spectaculaire de la doctrine de l’Eglise, vous allez être déçus. Il n’y avait pas besoin de rassembler un synode pour affirmer cela, il suffisait d’écouter le pape François semaine après semaine au cours de ses audiences du mercredi pendant toute l’année écoulée. Deuxièmement, si vous avez pu imaginer un instant que la théorie que le cardinal Kasper a élaborée il y a vingt ans, sur les bords du Rhin, et qu’il nous a actualisée l’année dernière, consisterait à ouvrir, indifféremment, l’accès à la communion sans qu’il y ait de démarche et de décision personnelle vous vous trompez. Et donc il n’est pas question d’imaginer et d’attend
re que le synode recommande au pape de prendre une disposition générale qui éviterait d’affronter la question de la liberté individuelle des personnes. S’il y a un chemin à ouvrir, c’est un chemin qui suppose un engagement personnel et donc une liberté personnelle. Je pense qu’il faut que nous soyons clairs avec vous pour éviter que vous ne reposiez demain la même question qu’aujourd’hui, pour avoir la même réponse. Merci. »

Mise au point sur un « coming out »

« Si nos expériences ne sont pas pertinentes, on ne peut pas évoquer l’expérience du sous-secrétaire de la commission pour la Congrégation pour la doctrine de la foi. Si vous l’évoquez, c’est donc qu’il a une expérience pertinente.  Et donc que nous avons, tous, vous comme nous, nous sommes tous membres d’une famille, nous sommes nés de quelqu’un, nous vivons dans un tissu de solidarité naturelle avec des hommes et des femmes qui sont nos parents, nos frères et sœurs, nos neveux, nos petits-neveux et nos petits-cousins.

Que nous soyons célibataires, c’est une chose qui arrive à une proportion fort importante de nos contemporains qui ne sont pas exclus de leurs familles parce qu’ils sont célibataires. Ils continuent d’être membres d’une famille. Donc je veux dire qu’il y a une différence notable entre le statut d’appartenir à une famille et d’en avoir une certaine expérience, de vivre sa sexualité d’une façon particulière, soit dans l’engagement matrimonial soit dans l’engagement du célibat et de la chasteté, mais c’est la même sexualité. Elle n’est pas vécue de la même façon. Cela veut dire qu’il y a un ensemble d’éléments constitutifs de l’expérience humaine qui est le même pour tous. Ce qui fait la différence, c’est que nous n’avons pas l’expérience de la vie quotidienne, des contraintes quotidiennes de la vie familiale, du choc des personnes, etc. C’est vrai, mais ce n’est pas parce que l’on n’a pas « cette » expérience qu’on n’a « aucune » expérience. Et ce n’est pas parce que telle ou telle personne de notre noble corps déraille par rapport à la règle, que cela rend inaudible ce que l’on peut dire.

Nous ne sommes pas les porte-parole des individus qui composent le Corps ecclésial. Nous essayons d’être à l’écoute de la Parole de Dieu, de la mettre en pratique comme nous le pouvons avec nos faiblesses et nos pauvretés. Mais ni nos faiblesses ni nos pauvretés ne nous dispensent  de ce que nous devons faire. Pas plus que la faiblesse ou la pauvreté d’un mari vis-à-vis de sa femme et de ses enfants, ou d’une femme vis-à-vis de son mari et de ses enfants ne disqualifient la parentalité et le mariage. Ce n’est pas parce qu’il y a des époux infidèles que la fidélité est une mauvaise chose.  

Donc, nous essayons d’avancer avec modestie mais avec confiance parce que nous savons que ce que nous portons dépasse nos propres capacités, nos propres forces. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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