Mafia : Mgr Bregantini épingle l’ignorance du territoire par le clergé

A l’occasion des funérailles d’un « boss » à Rome, un évêque italien confronté à la mafia appelle les pasteurs à plus de « réalisme » et de connaissance du territoire confié à leur responsabilité pastorale.

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Mgr Bregantini, évêque anti-mafia, proche du pape François, épingle l’ignorance du territoire par le clergé, alors que les funérailles catholiques d’un « boss » font polémique à Rome.

« C’est un fait très grave, mais il peut cependant aider l’Église à faire un pas en avant. Pour comprendre que le mal est proche de nous, et que, parfois, il peut arriver jusqu’à l’autel », déclare Mgr Giancarlo Maria Bregantini, archevêque de Campobasso-Bojano, et auparavant, pendant 13 ans, évêque de Locri-Gerace, dans un entretien accordé à La Repubblica.

Mgr Bregantini, qui a accueilli le pape François à Campobasso le 5 juillet 2014, réagit aux funérailles en grande pompe du boss mafieux Vittorio Casamonica en l’église Don Bosco de Rome, jeudi dernier, 20 août : un carrosse tiré par six chevaux, un cortège de voitures d’où on lance des roses et qui paralyse la circulation du quartier, des cuivres qui jouent la musique du Parrain, un hélicoptère qui répand des pétales de roses rouges sur l’assemblée réunie sur le parvis de l’église (ce n’est pas un épisode isolé), des affiches saluant le « roi de Rome » – vêtu de blanc – qui conquiert le « paradis ». La licence du pilote de l’hélicoptère, dont le vol n’était pas autorisé, a été « suspendue ».

Au moment où les enquêtes mafia-capitale sur les infiltrations mafieuses dans la gestion de la Ville éternelle aboutissent au procès de 59 personnes, à partir du 5 novembre, la démonstration de force a déchaîné la polémique.

Le curé déclare qu’il ignorait de qui il s’agissait et dit qu’il « referait » la célébration, au nom de la miséricorde. Le vicariat de Rome est embarrassé.

Pour sa part, Mgr Bregantini estime que l’incident aidera l’Église à avoir un regard « plus réaliste sur le territoire » : la mafia est présente partout et pas seulement en terre traditionnellement considérée comme « mafieuse ».

Rome, dit-il, n’est pas un territoire privilégié: « La mafia, la ‘Ndrangheta, la Camorra sont des réalités terribles, mais présentes dans toute l’Italie. Et s’en rendre compte est la première chose à faire. »

Puis il invite à réfléchir sur ce que signifie « habiter son territoire » : « être des sentinelles, être sur ses gardes, savoir qui habite dans les maisons du diocèse », car « connaître la région est fondamental pour la vivre, l’habiter, la changer ».

Il estime que le prêtre a eu raison de célébrer les funérailles mais il dit aussi « souffrir avec lui et avec toute l’Église de Rome pour ce qui est arrivé ». Il évoque « un cas similaire » survenu chez lui, en Calabre : « Les mafieux utilisent les funérailles et les processions de façon violente, pour s’affirmer, imposer leur force. »

« À cet égard, fait-il observer, l’Église de Calabre, qui a beaucoup souffert de cela a aujourd’hui beaucoup à enseigner à d’autres Églises. Des directives nouvelles ont été publiées, et cette souffrance peut être particulièrement utile aujourd’hui à Rome, qui peut-être jusqu’à avant-hier ne pensait pas devoir vivre les mêmes difficultés. »

Pour Mgr Bregantini, ce qui s’est passé peut aussi « aider à se purifier » : « Même l’Église a besoin de purification. »

Enfin, la famille Casamonica proteste contre l’étiquette « mafieuse » affirmant que les funérailles se sont déroulées dans la tradition de la culture « Rom » du clan romain, notamment les chevaux… Ce qui effectivement rappelle d’autres funérailles de ce type.

Vittorio Casamonica s’est éteint à 65 ans, après avoir bâti un empire fondé, indique la télévision italienne, « sur l’usure et le trafic de drogue ».

L’Osservatore Romano du 23 août titre sur « Scandale d’un enterrement : L’Evangile face à la criminalité organisée ». Et il évoque une famille « tristement fameuse (…) pour la voracité de ses tentacules dans la gestion d’affaires criminelles ». Il rappelle en même temps les appels du pape François à la conversion et la « radicale incompatibilité entre la mafia et l’Évangile » et que, lors de la messe du 21 juin 2014 dans la Piana di Sibari, en Calabre, le pape a déclaré que ceux qui persévèrent « dans cette voie du mal » et ne se repentent pas « ne sont pas en communion avec Dieu : ils sont excommuniés ».

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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