Mgr Jacques Perrier

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Marie et les saints de tous les temps dans les Prières eucharistiques

Dans cette 32e chronique sur les prières eucharistiques, Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes-Lourdes, évoque la présence de Marie et des saints dans les prières eucharistiques, orientales et occidentales.

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Marie et les saints de tous les temps

Un bien commun

La mention de la Vierge Marie est commune à toutes les liturgies eucharistiques, orientales ou occidentales, depuis une haute antiquité.

Voici comment s’exprime la liturgie de saint Jean Chrysostome, la plus répandues dans le monde orthodoxe. Juste après le récit de l’Institution et l’appel de l’Esprit Saint, le prêtre mentionne « en premier lieu la toute-sainte, toute pure, bénie par-dessus tout, notre glorieuse souveraine la Mère de Dieu et toujours vierge Marie. » Le chœur enchaîne : « Il est digne, en vérité, de te célébrer, ô Mère de Dieu, bienheureuse à jamais et très pure et Mère de notre Dieu, toi, plus vénérable que les chérubins et infiniment plus glorieuse que les séraphins, qui sans corruption enfantas Dieu le Verbe, toi véritablement la Mère de Dieu, nous te magnifions. »

La liturgie latine dit la même chose, mais dans son style habituel : laconique. L’essentiel y est : « la Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu ». « Marie » est son nom humain, comme « Jésus » est celui de son Fils. Ce nom fait penser à Myriam, la sœur de Moïse. Elle est la « Mère de Dieu », expression consacrée au concile œcuménique d’Ephèse (431). Elle est vierge, selon la prophétie d’Isaïe 7, 14 dans la traduction grecque en usage à l’époque de Jésus. Elle est « bienheureuse », comme elle l’avait annoncé dans son Magnificat : « Toutes les générations me diront bienheureuse. »

L’Eucharistie n’est pas seulement le rappel d’événements passés, ni même leur actualisation : c’est déjà beaucoup mais ce n’est pas tout. Elle est aussi prophétie, anticipation, arrhes du monde à venir qui est déjà réalisé dans le ciel. L’Eucharistie et le Notre Père, pareillement, prient pour que le Règne de Dieu vienne sur la terre comme il est déjà instauré dans le ciel. Les saints et les saintes sont les citoyens de ce royaume. Et, en premier lieu, Marie.

La mention de Marie à ce moment de l’Eucharistie est donc normale puisqu’il s’agit « d’obtenir un jour les biens du monde à venir ».

Pistes nouvelles ouvertes par le pape Jean Paul II

Dans son encyclique sur l’Eucharistie (2003), le pape Jean Paul II a envisagé le rapport entre Marie et l’Eucharistie sous bien d’autres angles. Il reprend les grands moments de la vie de la Vierge et fait le lien entre ces événements et l’Eucharistie. Ces contacts ne se présentent pas dans l’ordre des épisodes rapportés par les évangiles.

A l’Annonciation, Marie, dans la foi, accepte que se réalise en elle l’Incarnation du Verbe de Dieu. C’est bien le « mystère de la foi » que l’Eglise célèbre dans l’Eucharistie. Plus précisément, le pape rapproche le fiat de Marie et l’Amen que prononce le fidèle qui communie : nous communions au Fils de Dieu devenu Fils de Marie grâce à la foi de la Vierge. On pourrait aussi rapprocher le fiat de Marie et l’Amen qui conclut la Prière eucharistique.

En allant visiter sa cousine Elisabeth, Marie est « le premier ‘tabernacle’ de l’histoire », selon l’expression du pape. Leur rencontre comme la Nativité sont inondées de joie, comme nous pouvons l’être dans la communion. Mais depuis la prophétie de Syméon jusqu’à la Croix, Marie « a fait sienne la dimension sacrificielle de l’Eucharistie ».

Sur la Croix, le Christ confie l’un à l’autre sa Mère et le Disciple bien-aimé, qui, dans son anonymat, nous représente tous. Or, dit le pape, quand Jésus dit « faites ceci en mémoire de moi », il ne s’agit pas des gestes de la Cène, mais de « tout ce que le Christ a accompli dans sa passion ». Donc, l’Eucharistie est aussi le mémorial du nouveau lien qui unit la Mère et le Disciple. Marie et l’Eucharistie forment un « binôme » aussi inséparable que l’Eglise et l’Eucharistie.

Revenant à la Visitation, le pape Jean Paul II voit dans le Magnificat un modèle de louange et d’action de grâce, en connivence avec l’Eucharistie. Plus précisément, la pauvreté des signes eucharistiques qui sont pourtant porteurs de la Présence réelle évoque l’inversion des valeurs qui réjouit Marie : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles ».

Dans le Magnificat comme dans l’Eucharistie, il y a une « tension eschatologique ». « Marie chante les ‘cieux nouveaux’ et la ‘terre nouvelle’ qui, dans l’Eucharistie, trouvent leur anticipation et, en un sens (formule que le pape Jean Paul II emploie très souvent), leur ‘dessein’ programmé. »  

La place singulière de Marie

Dans la Constitution sur l’Eglise, le concile Vatican II a consacré un chapitre entier à la Vierge Marie. C’était une manière de dire que, si éminente, incomparable, soit sa situation parmi toutes les créatures, elle est, cependant, l’une d’entre elles. C’est pourquoi, dans la Prière Eucharistique, elle est nommée en tête d’une liste plus ou moins développée de saints. Parmi eux, depuis le pape Jean XXIII, vient en tête « saint Joseph, son époux ». Lui aussi, à sa façon, a coopéré à l’Incarnation. 

La réforme qui a suivi le concile Vatican II a voulu redonner la priorité au temps liturgique sur le calendrier des saints. Celui-ci aurait spontanément tendance à devenir envahissant, ne serait-ce qu’avec les innombrables béatifications et canonisations opérées par Jean Paul II.

Mais il ne faut pas les oublier. Dieu se plaît parmi ses anges et ses saints. Il y a suffisamment de médiocrité et de péché dans l’Eglise pour qu’il vaille la peine de se rappeler que la véritable Eglise, disait sans cesse Bernanos, « c’est l’Eglise des saints ».

Les saints sont, tout d’abord, les martyrs, les apôtres ayant eux-mêmes tous subi le martyre. Leurs tombes ont été vénérées et, à défaut de célébrer l’Eucharistie sur leur tombe, ce sont leurs reliques qui ont été placées dans l’autel lui-même. Cette pratique n‘est plus obligatoire aujourd’hui mais elle est riche de sens. En célébrant l’Eucharistie, nous sommes invités à faire de nos vies une vivante offrande à la gloire de Dieu. C’est précisément ce qu’ont fait les martyrs et, par extension, les saints et les saintes aux vertus héroïques. Leurs reliques sont un lien entre l’unique sacrifice du Christ et celui de son Eglise.

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Jacques Perrier

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