La bonté de saint Vincent de Paul fait percevoir la bonté de Dieu

Entretiens aux Filles de la Charité

Share this Entry

Combien le Bon Dieu est bon si Monsieur de Paul est si bon, disait en substance saint François de Sales (1567–1622) à propos de saint Vincent de Paul (1580-1660) que l’Eglise fête ce 27 septembre.

Il conseillait à qui allait visiter et soigner les malades de demeurer en présence du Christ: « Pour conserver cette union de charité avec Dieu, il faut vous tenir closes et renfermées dans votre intérieur, vous entretenant avec Notre-Seigneur. » Quitter l’oraison pour se rendre au chevet d’un malade, c’est « quitter Dieu pour Dieu », explique-t-il.

Vincent de Paul ou Vincent Depaul, né au village de Pouy près de Dax le 24 avril 1581 ou 1576 – mort le 27 septembre 1660, fut une figure marquante du renouveau spirituel et apostolique du XVIIe siècle. Il repose à Paris, dans la chapelle des Lazaristes, rue de Sèvres, mais son coeur est conservé en la chapelle de Notre Dame de la Médaille miraculeuse, chez les Filles de la charité, ses filles spirituelles, rue du Bac.

Il mourut le 27 septembre 1660, à l’âge de 79 ans. A sa mort, son œuvre s’était répandue dans toute l’Europe et même en Afrique ; la renommée de sa sainteté et de sa bonté faisait de lui un des hommes de France les plus vénérés et les plus aimés ; le peuple l’appelait : « le Père de la Patrie ». Il a été canonisé en 1737.

Ami des pauvres et des rois, capturé par les Maures, vendu et revendu, secourable pour les bébés et les vieillards, ange des prisonniers, fondateur des séminaires et des Filles de la charité: sa vie si riche est difficile à résumer en quelques paragraphes.

Voici ce qu’en dit un site de ses enfants spirituels des Equipes Saint-Vincent: « Un dimanche d’août 1617, à Châtillon-sur-Chalaronne, près de Lyon, Vincent de Paul est alerté par ses paroissiens de la situation dramatique d’une famille qui meurt de misère et de maladie. Il monte en chaire et lance un appel. A la sortie de la messe, il voit un défilé de femmes venir au secours de cette famille dans la détresse ! Aussitôt Monsieur Vincent structure cette générosité et rédige un règlement. Le 8 décembre 1617 la première Confrérie de Charité est solennellement érigée en association. Très vite, les Charités se développent dans toute la France, et essaiment en Italie et en Pologne. En 1625 Vincent de Paul fonde les Prêtres de la Mission ou Lazaristes. En 1633 avec Louise de Marillac, il fonde les Filles de la Charité. En 1830 après une interruption due à la Révolution française, les Charité renaissent sous l’impulsion de Monsieur Etienne, Prêtre de la Mission. En 1971, les Dames de Charité prennent le nom d’Equipes Saint-Vincent

Alors pourquoi ne pas plutôt lire ses conseils à ses filles spirituelles? En voici un extrait rendu fameux par la phrase: « Vous quittez Dieu pour Dieu ».

 ENTRETIEN DU 23 JUILLET 1654

A QUATRE SŒURS ENVOYÉES A SEDAN

Le jeudi 23e jour de juillet 1654, Monsieur Vincent, notre très honoré Père, donna ses instructions à nos quatre sœurs Anne Hardemont, Françoise Cabry, Jeanne-Marie et Anne Thibault, la veille de leur départ à Sedan, où elles allaient pour assister les pauvres malades.

Mes chères sœurs, vous êtes donc choisies pour aller soulager les pauvres blessés au service du roi, et pour cela je crois qu’il sera bon de voir les raisons que vous avez de vous donner à Dieu pour bien vous en acquitter.

La première est que vous êtes choisies ; et de qui, mes sœurs ? Ah ! c’est de Dieu, qui s’est adressé à vous. Quoiqu’il y ait bien des filles à Sedan et aux lieux circonvoisins, on n’a pas jeté les yeux sur elles. Ce n’est donc pas aux filles de Sedan qu’il s’adresse, c’est aux Filles de la Charité entre toutes celles de la France, et à vous, mes filles, entre toutes vos sœurs. Voilà ma première raison.

Une autre est que c’est une sainte action qui doit être faite parfaitement. Vous me pourriez demander : «Où trouvez-vous cela ?» C’est le Saint-Esprit qui le dit dans la sainte Écriture. Tout bon œuvre vient de Dieu. Or, s’il en est un bon, c’est celui de servir les malades d’autant qu’il surpasse les autres en valeur. C’est Dieu qui vous appelle là, puisque c’est pour y faire du bien ; car c’est lui qui appelle au bien tous ceux qui s’y portent ; mais c’est le diable qui appelle au mal, et le monde aussi. O Sauveur ! comment peut-on entendre ces paroles sans fondre en larmes : «Je vais faire ce qu’un Dieu a fait sur la terre !» Quel bonheur plus grand que celui-là ! Il n’y en a point, mes sœurs.

Une troisième raison, c’est que c’est la reine qui vous a demandées. Quoi ! mes sœurs, qui sommes-nous pour être dans la mémoire de la plus grande reine du monde, nous qui sommes de pauvres et chétives créatures, ou, pour mieux dire, des gueux ! Oui, mes filles, et vous et moi. Par conséquent nous avons grand sujet de nous humilier. Voilà donc un motif assez grand, que la reine vous mande, quoique celui-là ne soit point considérable au prix du bon plaisir de Dieu. Ah ! mes filles, le bon plaisir de Dieu, voilà ce qui vous oblige à vous y porter avec grande affection. Dieu veut que vous alliez soulager ces pauvres blessés, et votre but est de lui obéir, car que sont toutes les puissances de la terre à l’égard de Dieu ?

Voyons maintenant ce que vous devez faire pour que Dieu soit honoré. Je crois, mes sœurs, qu’il ne faut autre chose que la pratique des vertus qui composent votre esprit : la charité, l’humilité et la simplicité.

Pourquoi donc allez-vous dans ce lieu ? Pour faire ce que Notre-Seigneur a fait sur la terre. Il est venu pour réparer ce qu’Adam avait détruit, et vous allez à peu près dans le même dessein. Adam avait donné la mort au corps et causé celle de l’âme par le péché. Or, Notre-Seigneur nous a délivrés de ces deux morts, non pas que nous puissions éviter de mourir, cela est impossible, mais il nous exempte de la mort éternelle par sa grâce, et par sa résurrection il donne la vie à nos corps, car dans la sainte communion nous recevons le germe de la résurrection. Voilà donc, mes sœurs, comme Notre-Seigneur a fait le contraire de ce que notre premier père avait fait.

Pour l’imiter, vous redonnerez la vie aux âmes de ces pauvres blessés par l’instruction, par vos bons exemples, par les exhortations que vous leur ferez pour les aider ou à bien mourir ou à bien revivre, s’il plaît à Dieu les remettre en santé. Pour les corps, vous leur redonnerez la santé par les remèdes, par vos soins et par les pansements. Et ainsi, mes chères sœurs, vous ferez ce que le Fils de Dieu a fait sur la terre. Ah ! quel bonheur !

Mais, afin d’honorer Dieu par vos actions, il faut que vous alliez là dans l’esprit de vraies Filles de la Charité et de mortification et non pas pour y prendre vos satisfactions, pour y chercher vos aises, l’estime, l’honneur, ou choses semblables. O mes sœurs, il faut bien vous garder de cela, car, au lieu de donner de la gloire à Dieu, vous la lui ôteriez en la prenant pour vous. Il faut mortifier l’honneur, référer à N.-S. celui qu’on vous donnera et fuir, tant que vous pourrez, les applaudissements.

Il faut encore de la mortification pour ne pas faire ce que vous voudriez. Au lieu d’aller à la messe, demeurez auprès de ce malade. Voilà l’heure de l’oraison ; si vous entendez les pauvres qui vous appellent, mortifiez-vous et quittez Dieu pour Dieu, encore qu’il faille faire tout ce que vous pourrez pour ne point omettre votre oraison, car c’est ce qui vous tiendra unies à Dieu ; et tant que cette union durera, vous n’aurez rien à c
raindre. Or, pour conserver cette union de charité avec Dieu, il faut vous tenir closes et renfermées dans votre intérieur, vous entretenant avec Notre-Seigneur.

Il faut encore la mortification, mes sœurs, pour souffrir les petites peines qui se pourront trouver dans vos exercices, et les plaintes que ces pauvres pourront faire de vous. Il faut vous y préparer, mes filles. Quand ces messieurs qui ont soin des blessés iront les voir, peut-être entendront-ils des plaintes de vous ; les blessés leur diront que vous n’avez pas soin d’eux, que vous les laissez là depuis le matin jusques à je ne sais quelle heure. Eh bien ! mes sœurs, il faut souffrir sans vous plaindre, n’allez point chercher des raisons pour vous justifier, oh ! non, jamais ! Si le roi, la reine, le cardinal vont à l’hôpital et qu’on leur fasse les mêmes plaintes, il le faut souffrir, dans la pensée que Dieu le permet ainsi, et ne rien dire. Voilà le moyen de vous enrichir de vertus et de rendre l’honneur à Dieu. Si vous étiez rudes, ne vouliez rien endurer, preniez tout au point d’honneur, oh ! vous malédifieriez extrêmement ceux qui verraient vos déportements ; ils vous auraient autant à mépris qu’ils vous estiment, et non sans raison ; car rien n’est si contraire aux Filles de la Charité que l’orgueil

Voilà, mes chères sœurs, ce que vous ferez là-bas ; mais, avant d’arriver, sur les chemins vous observerez l’ordre qu’on a accoutumé de tenir ; vous savez avec quelle modestie il faut vous comporter sur les chemins. Ne manquez point à vos exercices, faites votre oraison, et, quand il faudra finir, que l’une donne le signal aux autres.

Pour lire la suite: Entretiens aux Filles de la Charité, Pierre Coste, tome X.

Share this Entry

Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel