« Ma délégation considère que la préoccupation pour le changement climatique est inséparable de celle pour le développement humain », déclare Mgr Auza.
Voici notre traduction intégrale de l’intervention de Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique et observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU à New York, lors du débat ouvert du Conseil de sécurité sur « les défis de la paix et de la sécurité auxquels sont confrontés les petits États insulaires en développement (PEID) », le 30 juillet 2015 (cf. Zenit du 31 juillet).
« La protection de l’environnement et la réduction de la pauvreté ne sont pas des défis distincts, mais font partie d’un seul et même défi qui est d’offrir un développement humain intégral et authentique », explique Mgr Auza.
Il cite le pape François qui « propose cette « écologie intégrale » comme un paradigme capable d’articuler harmonieusement nos relations multidimensionnelles fondamentales, affirmant qu’ « il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale ».
A.B.
Intervention de Mgr Auza
Monsieur le Président,
Ma délégation vous félicite d’avoir convoqué ce tout premier débat ouvert du Conseil de sécurité sur « les défis de la paix et de la sécurité auxquels sont confrontés les petits États insulaires en développement ».
Parmi les menaces auxquelles sont confrontés les petits pays insulaires en développement (PEID), sont celles qui sont liées au changement climatique. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur les changements climatiques, certaines des menaces les plus importantes pour les petites îles incluent l’élévation du niveau de la mer, les cyclones tropicaux et extratropicaux, l’augmentation des températures de l’air et de la surface de la mer, et la modification des régimes pluviométriques. (1)
Pour les PEID, il s’agit de plus qu’une simple question environnementale ou même une question de développement : c’est une menace existentielle. Leurs populations ne peuvent pas se permettre de nouvelles élévations du niveau de la mer. Les menaces liées au climat exacerbent les effets négatifs de leur éloignement, de leurs terres petites et basses, et de leurs maigres ressources.
Ainsi, si nous voulons fournir une plus grande sécurité aux PEID, la question la plus urgente à laquelle nous devons répondre est la lutte contre le changement climatique, contre les impacts auxquels les PEID sont actuellement confrontés mais aussi la réduction des menaces futures. Cela nécessitera une nouvelle approche du développement qui passe des combustibles fossiles polluants à l’énergie durable et qui optimise l’efficacité énergétique. Les pays en voie de développement ont la possibilité de « sauter par-dessus » la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles pour un développement plus durable qui privilégie à la fois les personnes et la planète. Mais ils ont besoin d’un soutien mondial pour être en mesure de le faire.
En une année si cruciale pour les sommets des Nations Unies, nous avons une obligation morale de progresser ensemble sur ces questions. Les décideurs internationaux, nationaux et locaux, les dirigeants politiques et économiques, les institutions scientifiques et religieuses doivent tous contribuer. Différents points de vue sont plus que jamais imbriqués et complémentaires et doivent intégrer les richesses de la foi et des traditions spirituelles, le sérieux de la recherche scientifique, la responsabilité publique d’une direction politique et le travail précieux de la société civile dans des efforts concrets à tous les niveaux.
Ma délégation considère que la préoccupation pour le changement climatique est inséparable de celle pour le développement humain. La protection de l’environnement et la réduction de la pauvreté ne sont pas des défis distincts, mais font partie d’un seul et même défi qui est d’offrir un développement humain intégral et authentique. Le pape François propose cette « écologie intégrale » comme un paradigme capable d’articuler harmonieusement nos relations multidimensionnelles fondamentales, affirmant qu’ « il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale ». Ainsi, « les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature » (Encyclique Laudato Si’, 139).
Si nous perdons de vue notre unité avec l’environnement, nos attitudes envers elle « seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément » (id., 11).
Ainsi, notre souci pour la terre devrait être beaucoup plus qu’un comportement « vert » ; il doit aussi être social, parce que nous, les êtres humains, nous sommes une partie de la nature, inclus en elle et en constante interaction avec elle. Comme l’a dit le pape François aux maires des grandes villes du monde réunis le 21 juillet dernier au Vatican, « la préservation de l’environnement est un comportement social ».
Alors que nous devons tous contribuer à trouver une solution intégrée, le pape François lance un défi en particulier aux pays les plus riches qui « ont connu une forte croissance au prix de la pollution permanente de la planète », pour qu’ils assument la responsabilité de cette dette écologique en aidant les pays pauvres à se tourner vers des voies de développement durable.
Ma délégation souhaite évoquer brièvement trois domaines où nous pouvons améliorer les choses dans les prochains mois :
Premièrement, en parvenant à un accord, à Paris, pour lutter contre le changement climatique. Le pape François continue d’inviter les responsables politiques mondiaux à être courageux et à dépasser l’état d’esprit du gain à court terme qui domine l’économie et la politique actuelles. À Paris, nous avons besoin d’un accord qui « laisse un témoignage de généreuse responsabilité » (LS, 181).
Deuxièmement, en allouant des ressources financières suffisantes pour lutter contre le changement climatique et répondre aux besoins actuels. La finance climatique est un élément clé du paiement de la dette écologique et elle est vitale pour renforcer la confiance en vue d’aboutir à un accord sur le climat à Paris. Il doit y avoir un financement suffisant et prévisible pour les pays les plus pauvres et les plus touchés, comme les petits États insulaires en développement, afin qu’ils puissent planifier à long terme un développement plus durable.
Troisièmement, en augmentant l’accès à l’énergie renouvelable comme catalyseur du développement durable. Des milliards de personnes ont besoin d’accéder à l’énergie pour sortir de la pauvreté. Des milliards, en particulier les femmes et les filles, subissent les effets terribles pour la santé de la cuisine aux combustibles polluants. La plupart vivent dans des zones non raccordées au réseau et peuvent plus facilement être rejointes par de l’énergie en grande partie renouvelable hors-réseau. Les pays riches doivent aider les pays pauvres à développer des formes moins polluantes de production d’énergie en leur donnant un meilleur accès à la technologie et aux ressources financières.
Monsieur le Président,
Alors que le changement climatique et le sous-développement sont principalement des questions socio-économiques, ils peuvent sérieusement a
ffecter la paix et la sécurité des communautés locales, des régions et des nations entières et, bien sûr, de la communauté internationale. Ma délégation continuera de s’engager sur ces discussions dans le cadre de l’Assemblée générale et d’autres instances pertinentes.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
Traduction de Zenit, Constance Roques
(1) https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg2/drafts/fd/WGIIAR5-Chap29_FGDall.pd