« La grandeur de l’amour se manifeste quand on prend soin de ceux qui sont dans le besoin, fidèlement et avec patience », explique le pape François aux jeunes à qui il indique la devise du bienheureux Piergiorgio Frassati (1901-1925) : «Vivre, pas vivoter !»
Lors de sa rencontre avec les jeunes à Turin, dimanche après midi, 21 juin, le pape a en effet improvisé son dialogue avec eux mais il leur a aussi remis un message écrit dont voici notre traduction intégrale.
Le pape souligne que le Saint-Suaire est « l’icône du plus grand des amours ».
A prospos de la confiance dans la vie, le pape déclare : « Nous ne devons pas attendre des circonstances extérieures favorables pour nous remettre vraiment en question. »
Message écrit du pape François aux jeunes
Chers jeunes,
Merci pour cet accueil si chaleureux! Et merci pour vos questions, qui nous introduisent au cœur de l’Evangile.
La première question, sur l’amour, nous interroge sur le sens profond de l’amour de Dieu, qui nous est offert par le Seigneur Jésus. Elle nous montre jusqu’où l’amour arrive: jusqu’au don total de soi, jusqu’à donner sa propre vie, comme nous le contemplons dans le mystère du Suaire, quand nous reconnaissons en lui l’icône du « plus grand des amours ». Mais ce don que l’on fait de soi ne saurait être pris pour un geste héroïque ou réservé à quelque occasion exceptionnelle. Nous pourrions en effet courir le risque de chanter l’amour, de rêver à l’amour, d’applaudir l’amour… sans nous laisser toucher et entraîner par lui ! La grandeur de l’amour se manifeste quand on prend soin de ceux qui sont dans le besoin, fidèlement et avec patience; on est donc grand en amour quand on sait se faire tout petit pour les autres, comme Jésus, qui s’est fait serviteur. Aimer c’est être proche des autres, c’est toucher la chair du Christ dans les pauvres et les plus petits, ouvrir à la grâce de Dieu les besoins, les appels, les solitudes des personnes qui nous entourent. L’amour de Dieu alors entre, transforme et fait devenir grandes les petites choses, les transforme en signes qui marquent sa présence. Saint Jean Bosco est un maître en cela, parce qu’il avait la capacité d’aimer et d’éduquer en étant proche des autres, proximité qu’il vivait avec les jeunes et les enfants.
A la lumière de cette transformation, fruit de l’amour, nous pouvons répondre à la deuxième question, sur le manque de confiance en la vie. Le manque de travail et de perspectives pour l’avenir contribuent certainement à freiner le mouvement même de la vie, en mettant beaucoup de personnes sur la défensive: penser à soi, gérer le temps et les énergies en fonction de son propre bien, limiter les risques de n’importe quelle générosité… Tout ça sont les symptômes d’une vie vécue avec retenue, que l’on veut à tout prix conserver et qui finit par conduire à la résignation et au cynisme. Or Jésus nous apprend à parcourir le chemin inverse: « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera » (Lc 9,24). Cela signifie que nous ne devons pas attendre des circonstances extérieures favorables pour nous mettre vraiment en question, mais que c’est au contraire en impliquant notre vie, et seulement comme ça – conscients de la perdre ! – que nous créons pour les autres et pour nous les conditions d’une nouvelle confiance en l’avenir. Et ici mes pensées se tournent automatiquement vers un jeune homme qui a vraiment dépensé sa vie, jusqu’à devenir un modèle de confiance et d’audace évangélique pour les jeunes générations d’Italie et du monde: le bienheureux Pier Giorgio Frassati. Sa devise était: «Vivre, pas vivoter !» Ce chemin est celui qui permet de vivre pleinement la force et la joie de l’Evangile. En vous appliquant vous retrouverez non seulement confiance en l’avenir mais vous arriverez à semer l’espérance parmi vos amis et dans les endroits où vous vivez.
Pier Giorgio Frassati avait une grande passion : l’amitié. Et votre troisième question disait ceci: comment vivre l’amitié de manière ouverte, capable de transmettre la joie de l’Evangile? J’ai su que la place où nous nous trouvons, vendredi et samedi, est très fréquentée par les jeunes. C’est comme ça dans toutes nos villes et pays. Je pense que certains d’entre vous se retrouvent ici ou sur d’autres places avec vos amis. Alors je vous pose une question – que chacun y réfléchisse et réponde en lui –: dans ces moments, quand vous êtes en compagnie, arrivez-vous à faire « transparaître » votre amitié avec Jésus dans vos comportements, dans votre attitude? Vous arrive-t-il de penser, durant vos loisirs, dans vos moments de liberté, que vous êtes de petits sarments accrochés à la Vigne qui est Jésus ? Je vous le garantis, si vous pensez à cela avec foi, vous sentirez courir en vous la sève de l’Esprit Saint, et donnerez du fruit, presque sans vous en rendre compte: vous saurez être courageux, patients humbles, capables de partager mais aussi de vous différencier, de vous réjouir avec ceux qui se réjouissent et de pleurer avec ceux qui pleurent, vous saurez aimer ceux qui ne vous aiment pas, répondre au mal par le bien. Et vous annoncerez ainsi l’Evangile!
Les saints et saintes de Turin nous enseignent que tout renouvellement, voire celui de l’Eglise aussi, passe par notre conversion personnelle, par cette ouverture de cœur qui accueille et reconnaît les surprises de Dieu, poussés par le plus grand des amours (cf. 2 Co 5,14), celui qui fait que nous devenons amis aussi de personnes seules, souffrantes et marginalisées.
Chers jeunes, avec ces frères et sœurs aînés que sont les saints, dans la famille de l’Eglise nous avons une mère, ne l’oublions pas! Je vous souhaite d’avoir pleinement confiance en cette tendre Mère, qui indiqua la présence de cet « amour plus grand » au milieu des jeunes, lors d’une fête de noces. La Vierge Marie « est l’amie toujours attentive pour que le vin ne manque pas dans notre vie» (Exhort ap. Evangelii gaudium, 286). Prions pour qu’elle ne nous laisse pas sans ce vin de joie!
Merci à vous tous! Que Dieu vous bénisse tous. Et s’il vous plait, priez pour moi.
© Traduction de Zenit, Océane Le Gall