Dans la lutte contre le changement climatique, le Saint-Siège rappelle « la responsabilité particulière » des pays les plus riches d’« exprimer concrètement leur solidarité avec les pauvres, à la fois chez eux et à l’étranger » : « ils ont un devoir spécial d’aider leurs semblables dans les pays en voie de développement à faire face au changement climatique en atténuant ses effets et en les aidant à s’adapter. »
Mgr Silvano M. Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège aux Nations Unies à Genève, a prix la parole durant le Rapport technique sur « le climat et la santé » de la 68ème Assemblée mondiale de la santé (18-26 mai 2015).
« Il y a de nombreuses preuves qui montrent que le changement climatique peut être dévastateur pour la santé, en particulier parmi les populations les plus pauvres et les plus vulnérables. Les services de santé sont essentiels au développement humain intégral et à la prospérité », a-t-il souligné.
A.K.
Intervention de Mgr Tomasi
Madame la Présidente,
C’est un grand honneur de s’adresser à ce groupe distingué et à ce public sur un sujet d’une telle urgence et d’une telle importance, non seulement pour la communauté technique et scientifique mais pour toutes les personnes qui vivent actuellement sur notre planète et, tout spécialement, pour les générations futures qui marcheront sur nos pas.
L’impératif moral de respecter et de protéger la nature n’est pas un sujet nouveau pour les traditions religieuses. Les Écritures juives et chrétiennes sont remplies de ces exhortations et la plupart des principales traditions religieuses donnent des commandements semblables. L’homme n’est pas le propriétaire de la création mais son gardien. Plus récemment, les représentants de l’Église catholique ont publiquement et vigoureusement exprimé leur préoccupation à propos des dommages causés à la nature par un petit nombre de privilégiés, tandis que la santé et le bien-être de la grande majorité des êtres humains sont menacés sans qu’ils en soient responsables. Le pape Benoît XVI avait exprimé une telle préoccupation à ce sujet qu’il a été populairement étiqueté comme le « pape vert ». Le pape François a poursuivi cette tradition et a encouragé une réflexion plus profonde sur ce problème mondial. Je suis certain que vous êtes déjà bien au courant de la préparation en cours d’un document particulier d’enseignement sur la justice climatique, dont le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a dit : « J’attends avec une grande impatience la future encyclique du pape François. Elle rappellera au monde que la protection de notre environnement est un impératif moral urgent et un devoir sacré pour toutes les personnes de foi et les personnes de conscience. Il est extrêmement important que les peuples et leurs responsables entendent une voix morale forte dans les mois à venir. »
À cet égard, le 28 avril 2015, le Saint-Siège a exercé sa capacité de convocation en rassemblant au Vatican des responsables religieux, des responsables politiques, des responsables du monde des affaires, des scientifiques et des praticiens du développement, pour un colloque intitulé « Protéger la terre, donner sa dignité à l’humanité : les dimensions morales du changement climatique et l’humanité durable ». Cet événement historique était organisé par l’Académie pontificale des sciences, l’Académie pontificale des sciences sociales, le Réseau de solutions pour le développement durable et Religions pour la paix.
Ces responsables religieux et experts techniques n’ont pas laissé de place pour le déni, sous le prétexte fallacieux des soi-disant croyances religieuses, en déclarant que le changement climatique d’origine humaine est une réalité scientifique. Ils ont reconnu le « rôle vital même » joué par les religions en affirmant « la dignité inhérente à tous les individus liée au bien commun de toute l’humanité » ainsi que « la beauté, la merveille et la bonté inhérente du monde naturel ». Ils ont proclamé comme « notre devoir moral de respecter au lieu de ravager le jardin qui est notre foyer ». Ils ont noté la vulnérabilité particulière expérimentée par les pauvres et les personnes exclues qui sont menacés par « de graves menaces de perturbations climatiques, y compris la fréquence accrue des sécheresses, des tempêtes extrêmes, des vagues de chaleur et la montée du niveau de la mer ».
Les participants à ce rassemblement ont exprimé leur certitude que le monde possède la « maîtrise technologique, les moyens financiers et le savoir-faire pour atténuer le changement climatique tout en mettant fin à l’extrême pauvreté, à travers l’application de solutions de développement durable, y compris l’adoption de systèmes énergétiques à faible émission de carbone soutenus par les technologies de l’information et de la communication. » Ils ont prié le monde de « noter que le sommet sur le climat qui aura lieu à Paris plus tard dans l’année (COP21) pourrait être la dernière occasion effective de négocier des arrangements qui maintiennent le réchauffement anthropique en dessous des 2 degrés Celsius, et visent à rester bien en dessous des 2 degrés Celsius par sécurité, mais la trajectoire actuelle pourrait bien atteindre un effet dévastateur de 4 degrés Celsius ou plus. »
Mesdames et Messieurs, je ne peux pas terminer cette brève intervention sans souligner la responsabilité particulière qui doit être assumée par ceux qui vivent dans des pays à revenu élevé en se joignant par solidarité à la famille humaine mondiale, alors que nous tentons de réparer les dommages déjà causés à notre environnement, d’empêcher une dégradation ultérieure et de conserver le lien intégral entre santé et développement. Les citoyens de pays plus riches ne peuvent pas ignorer mais ils doivent exprimer concrètement leur solidarité avec les pauvres, à la fois chez eux et à l’étranger. Ils ont un devoir spécial d’aider leurs semblables dans les pays en voie de développement à faire face au changement climatique en atténuant ses effets et en les aidant à s’adapter. Il y a de nombreuses preuves qui montrent que le changement climatique peut être dévastateur pour la santé, en particulier parmi les populations les plus pauvres et les plus vulnérables. Les services de santé sont essentiels au développement humain intégral et à la prospérité.
Permettez-moi de conclure avec ces mots du pape François, dont la clairvoyance est partagée par les bouddhistes, les musulmans, les hindous et la plupart des religions : « La création n’est pas une propriété que nous pouvons dominer selon notre volonté ; et elle est encore moins la propriété de quelques-uns : la création est un don, c’est un don merveilleux que Dieu nous a fait, afin que nous en prenions soin et que nous l’utilisions dans l’intérêt de tous, toujours avec un grand respect et avec gratitude. »
Traduction de Zenit, Constance Roques