L'Homme naît… inachevé

Les indispensables… Episode 38

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Résumé des épisodes précédents* : A la naissance, par rapport aux animaux, l’être humain est particulièrement démuni. Il apparait comme un grand prématuré : ses muscles et son cerveau sont loin d’avoir atteint la maturité du poulain ou du chimpanzé à la naissance. Quelles conséquences ?

Certainement d‘abord une grande exposition aux différents dangers, d’autant plus que, comme nous avons vu ces dernières semaines, l’enfance du petit d’homme est beaucoup plus longue que celles des autres mammifères,  ce qui fait de lui un être particulièrement fragilisé.
De même, on constate que le gamin va devoir tout apprendre. Certes, on observe que des espèces animales « apprennent »  certaines choses, sans doute tout n’est-il inné chez eux, mais l’Homme se distingue par une grande ignorance de base. Une ignorance considérable.
 Il semble entièrement démuni de ce magnifique «  instinct » dont sont dotés tous les animaux autour de lui, et qui fait d’eux des êtres plutôt… assez sûrs d’eux.
Non seulement pour savoir ce qui est bon ou mauvais à manger ou à boire, mais aussi pour savoir comment se comporter. On découvre  même que si on le compare avec toutes les espèces animales à l’état sauvage, (1) l’Homme est hélas, l’espèce  qui est la plus malade pour cause d’intoxications diverses. En effet, il semble ne pas (ou ne plus ?) être guidé par son instinct pour  connaitre ce qui est bon ou mauvais à manger, à boire ou à fumer, pour son organisme.
On devinera que cette ignorance le rend encore plus vulnérable, au moins depuis plusieurs milliers d’années. La connaissance du bon et du mauvais lui échappe. A la différence des autres, il va devoir l’apprendre, cette connaissance.

Certains pourraient interpréter cette situation périlleuse comme « mauvaise », puisqu’elle nous nuit (2). Et pourtant, ce sérieux handicap contribue à notre liberté.
En effet, le fait que le comportement de l’Homme ne soit  pas entièrement « programmé » par l’instinct, contribue à son autonomie et à sa liberté d’action. Avec tous les risques que cela comporte, bien sûr : on peut aimer ou ne pas aimer la liberté (celle des autres, par exemple)…

Si nous naissions avec un cerveau achevé (du moins, avec le même degré d’achèvement que les animaux) notre conduite, comme la leur, serait globalement dictée par ces magnifiques programmations animales qui permettent de régler les cycles de toute cette foisonnante biosphère où nous naissons : la planète Terre.
Ces programmations incroyablement élaborées qui poussent les oiseaux migrateurs à partir vers le sud en temps utile, les saumons à remonter les rivières pour aller pondre leurs œufs, les empereurs à parcourir ces kilomètres sur la banquise pour quelques lunes de miel (nous parlons ici des manchots/empereurs, pas des empereurs de Chine ni ceux de la Rome antique ou de la sainte Russie). (Nous parlons de ces sortes de pingouins, pas des manchots à qui il manque un bras et qui seraient incapables de marcher à quatre pattes sur la banquise, ça glisse beaucoup trop !)… Mais nous, tout ça, remonter des fleuves glacés à la nage, ce n’est pas notre tasse de thé, et nous ne savons pas trop quoi faire… (Voler vers le sud, éventuellement…)

Attention, toutes les programmations ne sont pas totalement effacées chez nous, il en reste, comme nous le verrons(3). Car nous ne tombons pas du ciel, contrairement à ce que croyait Platon ! Et nous ne sommes pas plus « jetés  dans ce monde » (comme disait Heidegger) que la pomme n’est jetée dans le pommier. Au contraire, nous sommes le fruit de ce monde, nous « montons » de la Terre avec dans notre organisme l’empreinte active des programmations de nos ancêtres.
Et nos ancêtres remontent très loin, vous savez. Ils remontent aux premières formes de vie monocellulaire dont tous les vivants sont les descendants. Ou plutôt : les montants, car on voit que ça monte, d’où le nom de « progression » ou « évolution »(4). Cela se voit dans notre ADN (5) et notre système nerveux. (Nous y reviendrons).
D’ailleurs, pour ceux qui s’intéressent aux récits fondateurs, la Bible dit que les Hommes, tout comme les animaux, sont des « âmes vivantes », mais l’Homme, quant à lui, reçoit quelque chose en plus qui fait la différence :  nishmat hayim = un souffle de vies, qui est le plus souvent compris par les commentateurs juifs, comme ce qu’ils appellent : l’âme intellectuelle. Les différentes interprétations exprimées à ce sujet, autorisent à y voir le « paquet cadeau » de ces facultés comme l’intelligence/raison, la volonté, la liberté et l’agir… On notera que ce « package » exige une configuration obligatoire : avoir reçu au préalable un gros cerveau avec un néo-cortex capable d’accueillir un bon paquet de neurones actifs ou à faire soi-même (do it yourself !) et donc, tout ce qui est nécessaire pour exercer l’analyse consciente et accéder à une toute nouvelle étape de l’Histoire : l’étape cruciale de la conscience réfléchie.
Sans entrer dans des détails trop techniques que les neurochirurgiens savent très bien expliquer, on sait qu’à un moment donné dont la date est l’objet de nombreux débats, il y a des hommes : des homo sapiens. On ne sait pas dire exactement quand, mais toujours est-il que depuis quelques milliers d’années, des auteurs égyptiens, babyloniens, hébreux, grecs, amérindiens, précolombiens et d’autres, ont pu noter ce constat dans leurs écrits : désormais, «  il y a de l’homme… »  Comme disent les auteurs bibliques : «Dieu dit « faisons DE l’Homme ». En hébreu : ha-adam, traduction : LE Humain, ou LE genre humain, ou LE Homme… bref : L’humanité.

Si on s’intéresse aux récits de l’Antiquité, on notera que l’Homme n’est pas « fait » de la même façon que le reste de la création. En effet, on se souvient que le Créateur disait « que la lumière soit », et la lumière fut… Que ceci soit, et ceci fut…Et ainsi de suite, comme une ritournelle. Mais pas pour l’Homme. Dieu ne dit pas : « que l’Homme soit » et l’homme fut… » Qu’est-ce que ça change ?

 (A suivre…)

Brunor
          *retrouvez les épisodes précédents sur www.brunor.fr

(1)   Attention, je n’ai pas dit  à l’état domestique, où les animaux peuvent perdre certaines programmations et changer de comportement.

(2)   On pourrait même aller jusqu’à l’interpréter comme une punition ou, au moins, comme la conséquence d’un « mauvais » comportement.

(3)   Et nous verrons qu’elle jouent un rôle assez considérable.

(4)   Le fait qu’on observe une évolution ne nous dit pas si elle se fait toute seule, ou si elle est guidée par une « Intelligence organisatrice », comme dirait Aristote.

(5)    Puisque mon ADN à moi, est le même que celui du chimpanzé qui n’est pas mon ancêtre, mais mon cousin : nous avons un grand-père commun qui vivait il à 7 millions d’années.

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