« Le tourisme et le développement des communautés »: c’est le thème du message pour la Journée mondiale du tourisme 2014 (27 septembre), en date du 1er juillet, et publié ce 11 juillet par le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement.
Parmi les initiatives qui créent la communion, le message indique notamment le travail des paroisses en région touristique : « Nombreuses sont les paroisses des zones touristiques qui accueillent les visiteurs en mettant à leur disposition des propositions liturgiques, formatrices et culturelles, avec le désir que les vacances “soient au profit d’une croissance humaine et spirituelle. C’est certainement «un temps propice pour une détente physique et également pour nourrir l’esprit à travers des espaces plus amples de prière et de méditation, pour croître dans le rapport personnel avec le Christ». »
Ces paroisses « s’efforcent de développer une “pastorale de l’amabilité”, qui leur permette de fournir une hospitalité dans un esprit d’ouverture et de fraternité, en montrant le visage d’une communauté vivante et accueillante. Et une hospitalité plus efficace nécessite une collaboration avec les autres secteurs impliqués ».
La journée est célébrée chaque année le 27 septembre, à l’initiative de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), depuis 1980.
“L’Eglise a toujours saisi cette occasion comme une opportunité pour faire connaître sa vision, chrétienne, du tourisme, et pour rappeler la responsabilité de tout un chacun dans ce domaine », commente le dicastère romain.
Voici le texte intégral officiel en français du message.
Message pour la Journée Mondiale du Tourisme 2014
“Le tourisme et le développement des communautés”
1. Le 27 septembre prochain, la Journée Mondiale du Tourisme, promue comme chaque année par l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), sera célébrée sur le thème “Le tourisme et le développement des communautés”. Conscient de l’importance sociale et économique du tourisme aujourd’hui, le Saint-Siège veut accompagner ce phénomène à partir du cadre qui lui est propre, en particulier dans le contexte de l’évangélisation.
Dans son Code Ethique Mondial, l’OMT affirme que le tourisme doit être une activité bénéfique pour les communautés de destination : “Les populations locales sont associées aux activités touristiques et participent équitablement aux bénéfices économiques, sociaux et culturels qu’elles génèrent, et spécialement aux créations d’emplois directes et indirectes qui en résultent”.[1] Ce qui signifie qu’il est nécessaire d’instaurer entre les deux réalités un rapport de réciprocité qui conduise à un enrichissement mutuel.
La notion de “développement communautaire” est étroitement liée à un plus vaste concept qui fait partie de la doctrine sociale de l’Eglise : celui du “développement humain intégral”, à partir duquel nous pouvons lire et interpréter le premier. Nous sommes éclairés sur ce point par les paroles du Pape Paul VI qui, dans l’Encyclique Populorum progressio, affirmait que “le développement ne se réduit pas à la simple croissance économique. Pour être authentique, il doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme”.[2]
Comment le tourisme peut-il contribuer à ce développement ? Pour ce faire, le développement humain intégral et, par conséquent, le développement communautaire dans le domaine du tourisme, doivent tendre à la réalisation d’un progrès équilibré, durable et respectueux, dans trois domaines : économique, social et environnemental, ce qui englobe aussi bien la sphère écologique que le contexte culturel.
2. Le tourisme est un moteur fondamental de développement économique, du fait de son importante contribution au PIL (entre 3% et 5% au niveau mondial), à l’emploi (entre 7% et 8% des emplois) et aux exportations (30% des exportations mondiales de services).[3]
Actuellement, alors que l’on constate une diversification des destinations, chaque point de la planète devient un but potentiel. C’est pourquoi le secteur du tourisme ressort comme étant l’une des options les mieux réalisables et les plus durables pour réduire le niveau de pauvreté des zones plus arriérées. S’il est développé de façon adéquate, il peut constituer un instrument précieux de progrès, de créations d’emplois, de développement d’infrastructures et de croissance économique.
Nous avons conscience de ce que, comme l’a affirmé le Pape François, “la dignité de l’homme est liée au travail”, de sorte que nous sommes appelés à affronter le problème du chômage avec “les instruments de la créativité et de la solidarité”.[4] Dans cette ligne, le tourisme apparaît comme étant l’un des secteurs le plus capable de générer un type d’emploi “créatif” et diversifié, dont les groupes plus défavorisés – parmi lesquels les femmes, les jeunes et certaines minorités ethniques – peuvent bénéficier plus aisément.
Il est essentiel que les bénéfices économiques du tourisme parviennent à tous les secteurs de la société locale, et qu’ils aient un impact direct sur les familles. En même temps, il faut recourir le plus possible aux ressources humaines locales. Il est tout aussi fondamental, pour obtenir ces bénéfices, de suivre des critères éthiques qui, avant tout, soient respectueux des individus, au niveau communautaire mais aussi de chaque personne, en refusant “une conception purement économique de la société, qui recherche le profit égoïste, sans tenir compte des paramètres de la justice sociale”.[5] En effet, personne ne peut édifier sa propre prospérité aux dépens d’autrui.[6]
Les bénéfices d’un tourisme qui soit en faveur du “développement communautaire” ne peuvent être réduits exclusivement à l’aspect économique ; ils ont d’autres dimensions tout aussi importantes, sinon plus. Parmi celles-ci, citons l’enrichissement culturel, l’opportunité de rencontres humaines, la création de “biens relationnels”, la promotion du respect réciproque et de la tolérance, la collaboration entre les organismes publics et privés, le renforcement du tissu social et associatif, l’amélioration des conditions sociales de la communauté, l’encouragement à un développement économique et social durable, et la promotion de la formation des jeunes à l’emploi, pour n’en citer que quelques-unes.
3. Le développement du tourisme exige que le rôle principal soit assumé par la communauté locale, qui doit le faire sien, avec la présence active des partenaires sociaux, institutionnels et des organismes civiques. Il est important de créer les structures adéquates de participation et de coordination, en prenant des engagements, en intégrant les efforts et en déterminant des objectifs communs et des solutions basées sur le consentement. Il ne s’agit pas de faire quelque chose “pour” la communauté, mais “avec” la communauté.
En outre, une destination touristique ce n’est pas seulement un beau paysage, ou une infrastructure confortable, mais c’est avant tout une communauté locale, avec son environnement physique et sa culture. Il faut promouvoir un tourisme qui se développe en harmonie avec la communauté qui l’accueille, avec l’environnement, avec ses formes traditionnelles et culturelles, avec son patrimoine et ses styles de vie. Et, dans cette rencontre respectueuse, la population locale et les visiteurs peuvent créer un dialogue productif qui encourage la tolérance, le respect et la compréhension réciproque.
La communauté locale, elle, doit se sentir appelée à protéger son propre patrimoine naturel et culturel, en en approfondissant la connaissance, en en étant orgueill
euse, en le respectant et en le mettant en valeur, afin de pouvoir le partager avec les touristes et le transmettre aux générations futures.
Enfin, les chrétiens du lieu aussi doivent pouvoir montrer leur art, leurs traditions, leur histoire, leurs valeurs morales et spirituelles, mais surtout la foi qui en est à l’origine et qui lui donne un sens.
4. Dans ce parcours vers un développement intégral et communautaire, l’Eglise, experte en humanité, veut apporter sa contribution en offrant sa vision chrétienne du développement, en proposant “ce qu’elle possède en propre: une vision globale de l’homme et de l’humanité”.[7]
A partir de notre foi, nous pouvons offrir le sens de la personne, le sens de communauté et de fraternité, de solidarité, de recherche de la justice, de nous savoir les gardiens (et non les propriétaires) de la création et, sous l’action de l’Esprit Saint, continuer collaborer avec l’œuvre du Christ.
Suivant ce que le Pape Benoît XVI demandait aux agents de la pastorale du tourisme, nous devons accroître nos efforts afin d’ “éclairer ce phénomène par la doctrine sociale de l’Église, en promouvant une culture de tourisme éthique et responsable, de telle sorte qu’il parvienne à être respectueux de la dignité des personnes et des peuples, accessible à tous, juste, durable et écologique”.[8]
C’est avec une joie particulière que nous constatons comment, dans diverses parties du monde, l’Eglise a reconnu le potentiel du secteur touristique et mis en route des projets simples mais efficaces.
Il y a toujours plus d’associations chrétiennes qui organisent des voyages de tourisme responsable dans des régions en développement, ainsi que d’autres qui promeuvent le tourisme dit “solidaire ou de volontariat”, où les personnes emploient le temps de leurs vacances pour collaborer à des projets de coopération dans les pays en voie de développement.
Remarquables aussi sont les programmes de tourisme durable et solidaire, promus par des Conférences épiscopales, des diocèses ou des congrégations religieuses dans des zones désavantagées, qui accompagnent les communautés locales en les aidant à créer des espaces de réflexion, en encourageant la formation et l’autodétermination, en offrant leurs conseils et en collaborant à la rédaction de projets, et en favorisant le dialogue avec les autorités et avec d’autres groupes. Tout cela a conduit à la création d’une offre touristique gérée par les communautés locales, à travers des associations et des micro-entreprises consacrées au tourisme (logement, restauration, guide, production artisanale, etc.).
De plus, nombreuses sont les paroisses des zones touristiques qui accueillent les visiteurs en mettant à leur disposition des propositions liturgiques, formatrices et culturelles, avec le désir que les vacances “soient au profit d’une croissance humaine et spirituelle. C’est certainement «un temps propice pour une détente physique et également pour nourrir l’esprit à travers des espaces plus amples de prière et de méditation, pour croître dans le rapport personnel avec le Christ»”.[9] Aussi s’efforcent-elles de développer une “pastorale de l’amabilité”, qui leur permette de fournir une hospitalité dans un esprit d’ouverture et de fraternité, en montrant le visage d’une communauté vivante et accueillante. Et une hospitalité plus efficace nécessite une collaboration avec les autres secteurs impliqués.
Ces propositions pastorales sont chaque jour plus significatives, en particulier lorsque se développe un type de “touriste existentiel”, qui cherche à instaurer des liens avec la population locale et aspire à se sentir comme un membre de la communauté hôte, en participant à sa vie quotidienne et en mettant en valeur la rencontre et le dialogue.
De sorte que le souci ecclésial dans la sphère touristique s’est concrétisé dans de nombreux projets, engendrés par une multitude d’expériences nées de l’effort, de l’enthousiasme et de la créativité de nombreux prêtres, religieux et laïcs qui entendent, de la sorte collaborer au développement socio-économique, culturel et spirituel de la communauté locale, et l’aider à regarder vers l’avenir avec espoir.
En étant consciente que sa première mission est d’évangéliser, l’Eglise désire ainsi offrir sa collaboration, souvent humble, pour répondre aux situations concrètes des peuples, en particulier de ceux qui se trouvent le plus dans le besoin. Elle le fait, avec la conviction que “nous évangélisons aussi quand nous cherchons à affronter les différents défis qui peuvent se présenter”.[10]
Cité du Vatican, 1erjuillet 2014
Antonio Maria Card. Vegliò
Président
X Joseph Kalathiparambil
Secrétaire
====
NOTES
[1] Organisation Mondiale du Tourisme, Code Ethique Mondial du Tourisme, 1er octobre 1999, art. 5 § 1.
[2] Paul VI, Encyclique Populorum progressio, 26 mars 1967, n° 14.
[3] Cf. Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) et Conseil Mondial des Voyages et du Tourisme (WTTC), Lettre ouverte aux Chefs d’Etat et de Gouvernement sur les voyages et le tourisme.
[4] François, Discours aux dirigeants et aux ouvriers des aciéries de Terni, et aux fidèles du diocèse de Terni-Narni-Amelia, 20 mars 2014.
[5] François, Audience générale, 1er mai 2013.
[6] “Les pays riches ont démontré qu’ils avaient la capacité de créer du bien-être matériel, mais souvent au détriment de l’homme et des couches sociales les plus faibles” (Conseil Pontifical “Justice et Paix”, Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, 2 avril 2004, n° 374).
[7] Paul VI, Encyclique Populorum progressio, 26 mars 1967, n° 13.
[8] Benoît XVI, Message à l’occasion du VIIème Congrès mondial de la Pastorale du Tourisme, Cancún (Mexique), 23-27 avril 2012.
[9] VIIème Congrès mondial de la Pastorale du Tourisme, Déclaration finale, Cancún (Mexique), 23-27 avril 2012.
[10] François, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n° 61.