Les pèlerins d'Emmaüs ou comment la messe nous convertit

Lectio Divina pour le Dimanche III de Pâques (4 mai)

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Deux disciples déçus, en marche vers Emmaüs, la tristesse au cœur… Image de l’homme post-moderne, qui tourne le dos à son histoire passée en compagnie du Christ, et ressasse ses désillusions, sans se rendre compte de Sa Présence sur nos chemins … Comme jadis sur les routes de Palestine, Jésus ressuscité se penche sur nos difficultés, écoute nos objections, nous prend par la main et nous convertit profondément. Pour nous mener à la fraction du pain : toute la pédagogie de la Messe est là. Au lieu de fuir Jérusalem, nous découvrons sa Présence à l’œuvre dans l’Église :

« Aujourd’hui aussi, nous pouvons entrer en conversation avec Jésus et écouter sa Parole. Aujourd’hui aussi, il rompt le pain pour nous et se donne lui-même comme notre Pain. Et ainsi, la rencontre avec le Christ ressuscité qui est possible aujourd’hui aussi, nous donne une foi plus profonde et authentique, trempée, pour ainsi dire, au feu de l’événement pascal ; une foi robuste parce qu’elle se nourrit non d’idées humaines, mais de la Parole de Dieu, et de sa présence réelle dans l’Eucharistie. » (1)

L’intégralité de cette Lectio Divina est disponible en ligne.

Lumière sur les Lectures

L’évangile (Lc 24,13-35) nous montre un Jésus pédagogue et plein de délicatesse, qui se met en route avec les pèlerins d’Emmaüs. Il leur fait accomplir tout un itinéraire de conversion, depuis la tristesse en se rappelant les événements de la Passion (ils s’arrêtèrent, le visage sombre) jusqu’à le reconnaître pleinement (à la fraction du pain). Il a fallu réchauffer progressivement leurs cœurs par l’explication des Écritures : moment unique où Jésus s’est livré à un cours d’exégèse !

Les deux pèlerins, dans leur déception, rapportaient les faits avec exactitude (vv. 19-24) : ils avaient toutes les connaissances nécessaires… mais il leur manquait encore la foi. Cette foi ne peut naître que de la rencontre avec le Ressuscité. Lorsque cette rencontre s’accomplit, Jésus disparut à leurs regards : désormais, sa relation de Ressuscité avec ses disciples est une communion intérieure basée sur la foi, source de joie et anticipation du Ciel. La liturgie l’exprime :

« Accueille, Seigneur, les dons de ton Église en fête : tu es à l’origine d’un si grand bonheur, qu’il s’épanouisse en joie éternelle. Par Jésus, le Christ notre Seigneur. » (2)

Pour la méditation

Tout l’épisode des pèlerins d’Emmaüs ressemble à une messe : les deux liturgies de la Parole (Jésus explique les Écritures) et de l’Eucharistie (Jésus rompt le pain). Nous pouvons ainsi relire ce passage comme une description profonde de la conversion que la messe met en œuvre.

Ne nous voilons pas la face : de nombreux fidèles viennent à nos assemblées liturgiques sans vraiment y croire, par habitude ou convenance. Quelle espérance les anime ? Souvent, un simple espoir humain que « ça va aller mieux », avec une perspective rabaissée aux attentes matérielles que nourrit la société de consommation… Sans parler des souffrances personnelles qui engendrent frustration, doutes, révoltes. Ils ressemblent vraiment aux deux pèlerins désabusés, qui tournent le dos à Jérusalem :

« Ce drame des disciples d’Emmaüs apparaît comme un reflet de la situation de nombreux chrétiens de notre temps : il semble que l’espérance de la foi ait échoué. La foi elle-même entre parfois en crise à cause d’expériences négatives qui font que nous nous sentons abandonnés par le Seigneur. » (3)

La liturgie de la messe s’efforce de nous faire accomplir le même passage de l’incrédulité à la foi, du vide existentiel à l’espérance joyeuse. Nous commençons par la liturgie pénitentielle, qui nous fait reconnaître combien notre cœur est sans intelligence, lent à croire (Lc 24,25) ; nous écoutons et expliquons les Écritures qui illuminent le mystère du Christ. Puis le Seigneur, dans la personne du prêtre, prend le pain, dit la bénédiction, le rompt et le donne(24,30) : moment culminant de la consécration, où Jésus se rend substantiellement présent et ouvre nos yeux intérieurs par la foi…

« Quelle consolation pour toi dans cette fraction du pain! L’absence du Seigneur n’est pas pour toi une absence ; avec la foi tu le possèdes sans le voir. » (4)

La messe se prolonge alors par l’action de grâce (notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous ?), et débouche sur l’envoi en mission (ite missa est), comme les disciples qui reprennent immédiatement leur chemin, mais dans l’autre sens : au lieu de fuir Jérusalem, ils y retournent pour témoigner de ce qu’ils ont vécu.

Merci, Seigneur, de venir à ma rencontre dans la célébration eucharistique. Tu prends le temps de te pencher sur mes doutes, mes désillusions, mes souffrances. Ta Parole m’illumine et réchauffe mon cœur. Merci pour ton Eucharistie, cette présence cachée qui vient jusque dans mon cœur pour le convertir. Reste avec moi lorsque le soir de la tristesse tombe sur ma vie, et accorde-moi de partager avec mes frères ces merveilles de Ta Présence.

Résolution

L’expérience du Christ ressuscité pousse les pèlerins d’Emmaüs à revenir à Jérusalem, au sein de leur communauté : moi aussi je chercherai cette semaine comment revenir plus profondément dans ma communauté (paroisse, famille,…) pour recevoir des autres leur témoignage sur la Résurrection, et leur offrir le mien.

L’intégralité de cette Lectio Divina est disponible en ligne.

(1) et (3) Benoît XVI, Regina Caeli, 6 avril 2008.

(2) Prière sur les offrandes de la Messe du jour.

(4) Saint Augustin, Sermon 235, 3.

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Nicolas Bossu

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