« La vie de Jean-Paul II résume le drame de l’humanité du XXe s de façon singulière », estime son biographe des Etats-Unis, Georges Weigel qui cite cette phrase : « les larmes de ce siècle ont préparé la voie d’un nouveau printemps de l’esprit humain ».
Quant à la décision du pape François de canoniser ensemble Jean-Paul II et Jean XXIII, il y a voit une « décision courageuse et sage » qui rassemble en quelque sorte « le commencement et la fin du Concile », « le lancement du Concile et le maître qui a donné un sens profond au Concile, tous les jours », en en donnant un « interprétation décisive » : il est passé « du Concile comme nouvelle pentecôte au Concile comme nouvelle évangélisation ».
Solidarité et responsabilité
Parmi les messages les plus forts de l’enseignement de Jean-Paul II, en réponse à ce drame du XXe s., il signale l’affirmation que « tout être humain a sa dignité ». Avec pour maîtres mots: responsabilité et solidarité.
« Dans un monde blessé, plein de mort, Jean-Paul II nous a enseigné qu’en Jésus-Christ nous rencontrons la divine miséricorde et que la souffrance est ordonnée au don du salut ».
Il relève l’importance particulière de l’enseignement du pape Wojtyla dans trois domaines : « la nature de l’amour, du travail, de la souffrance et de la mort », des domaines où « la confusion » règne davantage.
Il voit une « manifestation de la compassion » du pape polonais dans le fait qu’il a voulu indiquer à l’humanité « un chemin meilleur », refusant le « nihilisme » qui « menace l’avenir de l’humanité ».
A ce propos il a renvoyé au discours de Jean-Paul II aux Nations-Unies le jeudi 5 octobre 1995 dans lequel il annonçait, après les « larmes » du XXe s., un « printemps de l’esprit humain ».
De dernier paragraphe dit en effet : « Nous ne devons pas avoir peur de l’avenir. Nous ne devons pas avoir peur de l’homme. Ce n’est pas par hasard que nous nous trouvons ici. Toute personne a été créée à « l’image et à la ressemblance » de Celui qui est à l’origine de tout ce qui existe. Nous sommes capables de sagesse et de vertu. Avec ces dons et avec l’aide de la grâce de Dieu, nous pouvons construire dans le siècle qui est sur le point d’arriver et pour le prochain millénaire une civilisation digne de la personne humaine, une vraie culture de la liberté. Nous pouvons et nous devons le faire! Et, en le faisant, nous pourrons nous rendre compte que les larmes de ce siècle ont préparé la voie d’un nouveau printemps de l’esprit humain. »
Il disait dans le paragraphe précédent : « Nous devonsvaincre notre peur de l’avenir. Mais nous ne pourrons la vaincre entièrement qu’ensemble. La « réponse » à cette peur, ce n’est pas la coercition ni la répression, ni un « modèle » social unique imposé au monde entier. La réponse à la peur qui obscurcit l’existence humaine au terme du vingtième siècle, c’est l’effort commun pour édifier la civilisation de l’amour, fondée sur les valeurs universelles de la paix, de la solidarité, de la justice et de la liberté. Et l’ « âme » de la civilisation de l’amour, c’est la culture de la liberté: la liberté des individus et des nations, vécue dans un esprit oblatif de solidarité et de responsabilité. »
La miséricorde, remède aux fautes et à la culpabilité
G. Weigel dit espérer que « la canonisation nous fasse revivre une profonde espérance » et « nous aide à nous libérer de la tyrannie de faibles attentes, les nôtres et celles du monde de la politique ».
Il rappelle en effet comment Karol Wojtyla a vécu à Cracovie, pendant la seconde guerre mondiale, justement la ville où sainte Faustine, l’apôtre de la miséricorde divine, a vécu et est inhumée.
En 2003, dans son exhortation apostolique « Ecclesia in Europa », il évoquait le « fardeau de la culpabilité » que cette histoire représentait pour l’Europe.
Il montrait le chemin pur se libérer du poids des fautes du passé : « Afin de pouvoir répondre à l’appel de l’Évangile à la conversion, « il nous faut faire tous ensemble un humble et courageuxexamen de conscience pour reconnaître nos peurs et nos erreurs, pour confesser avec sincérité nos lenteurs, nos omissions, nos infidélités et nos fautes ». Loin de favoriser des attitudes défaitistes de découragement, la reconnaissance évangélique de ses propres fautes ne pourra que susciter dans la communauté l’expérience que vit le baptisé: la joie d’une profonde libération et la grâce d’un nouveau départ, ce qui permet de poursuivre avec une vigueur renouvelée le chemin de l’évangélisation. »
Pour le pape Jean-Paul II, affirme le biographe, « la réponse est dans la révélation de la miséricorde divine », et ce n’est pas seulement significatif pour la Pologne mais pour le monde ».
Il ne disait pas autre chose, en 1978, en recommandant de se libérer de la « tyrannie des faibles attentes ». Or, « dix ans et un mois plus tard, le Mur de Berlin s’écroulait ! » et « qui aurait pensé que les pays d’Amérique latine ou les Philippines auraient aussi fait cette transition ? »
Ainsi, pour G . Weigel, Jean-Paul II « nous conduit », « il nous laisse un héritage de ne pas nous soumettre à la tyrannie du possible, ne pensez pas trop bas, trop étroit », en attendant l’action du « Dieu des surprises »
La dernière encyclique
Il en a encore parlé un an après son attentat, le 13 mai 1982 : « nous ne pouvons pas nous rendre devant la tyrannie du possible ».
Pour ce qui est de sa position sur la théologie de la libération, l’auteur fait une mise au point : « Jean-Paul II voulait une Eglise complètement engagée dans la libération en tant qu’Eglise et pas en tant qu’acteur politique ou selon l’analyse marxiste ». C’est pourquoi sa « critique de la théologie de la libération est un appel à une « réponse catholique » à un statu quo « inacceptable ».
Enfin, pour ce qui est de la crise des abus sexuels, l’auteur rappelle que Jean-Paul II est un « grand réformateur du sacerdoce catholique » : des milliers avaient quitté le ministère, et une minorité a commis cet « horrible crime ».
La « formation des séminaires » était « faible », estime-t-il. Avec son pontificat, « tout a changé ». C’est pourquoi, insiste Weigel « la première chose à dire sur les abus sexuels c’est que le pape Wojtyla a été un grand réformateur du sacerdoce ».Il faut aussi se rendre compte du « fossé de l’information » : « le pape ne vivait pas la crise dans temps réel quand il a été affronté ces problèmes.
Enfin, pour ce qui est du « chapitre final » des derniers mois de sa vie, Weigel estime que ce fut la « dernière encyclique », son « dernier grand enseignement » : celui de la souffrance et la mort « transformés par la foi ». Il se passait « quelque chose d’extraordinaire ici à Rome et dans le monde et c’est cela que nous devons rappeler et lui en être très reconnaissants ».
Et puis, il ajoute, pour répondre à la presse : il est « ridicule » d’opposer Benoît XVI et François : François est l’héritier à la fois de Jean-Paul P II et de Benoît XVI, deux façon d’assumer la « responsabilité » du pasteur.