Sans la joie, impossible de fonder une communauté chrétienne, affirme le pape François, à l’instar de saint José de Anchieta, qui a su communiquer au Brésil la joie de la rencontre avec le Seigneur : « c’est une joie apostolique ».
Le pape François a en effet présidé, en l’église romaine de saint Ignace, et en présence de la communauté brésilienne de Rome et des jésuites, la messe d’action de grâce pour la canonisation « équipollente » – sans enquête sur un miracle, pour faire bref -, du 3 avril dernier, du P. José de Anchieta (1534-1597), ce jeudi 24 avril, dans l’octave de Pâques.
Jésuite espagnol, originaire de Tenerife, dans les îles Canaries, envoyé évangéliser le Brésil, par Ignace de Loyola, alors qu’il n’avait que 19 ans, il devint un évangélisateur des indigènes et un grand éducateur. Il avait été béatifié par Jean-Paul II en 1980. C’est le troisième saint du Brésil. Il est fêté le 9 juin.
Voici notre traduction intégrale de l’espagnol de l’homélie du pape.
A.B.
Homélie du pape François
Dans le passage de l’Evangile que nous venons d’écouter, les disciples ne réussissent pas à croire à la joie qu’ils ont parce qu’ils « ne peuvent pas croire à cause de cette joie, comme le dit l’Evangile.
Regardons la scène : Jésus est ressuscité, les disciples d’Emmaüs ont raconté leur expérience. Pierre aussi raconte ce qu’il a vécu. Ensuite, le Seigneur lui-même apparaît dans la pièce et il leur dit : « Paix à vous ! » Des sentiments variés jaillissent dans le cœur des disciples : peur, surprise, doute, et à la fin, joie. Une joie si grande qu’en raison de leur joie, « ils n’arrivaient pas à croire ». Ils étaient sans voix, abasourdis, et Jésus, comme en ébauchant un sourire, leur demande quelque chose à manger et il commence à leur expliquer, l’Ecriture, en leur ouvrant l’intelligence afin qu’ils puissent le comprendre.
Voilà le moment de la stupeur de la rencontre avec Jésus Christ, où tant de joie ne nous semble pas vraie ; plus encore, assumer l’allégresse et la joie à ce moment-là nous semble risqué et nous éprouvons la tentation de nous réfugier dans le scepticisme, dans le « n’exagérons pas ». C’est plus facile de croire à un fantôme qu’en Jésus-Christ vivant. C’est plus facile d’aller chez un nécromancien qui te lit l’avenir, qui te tire les cartes, que d’avoir confiance dans l’espérance d’un Christ triomphant, un Christ qui a vaincu la mort !
Une idée, un fruit de l’imagination sont plus faciles que la docilité à ce Seigneur qui surgit de la mort et qui va savoir à quoi il t’invite ! Ce processus de tellement relativiser la foi finit par nous éloigner de la rencontre, de nous éloigner de la caresse de Dieu.
C’est comme si l’on « distillait » la réalité de la rencontre avec Jésus-Christ à l’alambic de la peur, à l’alambic de la sécurité excessive, de la volonté de contrôler nous-mêmes la rencontre. Les disciples avaient peur de la joie… Et nous aussi.
La lecture des Actes des Apôtres nous parle d’un paralytique. Nous avons écouté seulement la deuxième partie de cette histoire, mais nous connaissons tous la transformation de cet homme : infirme de naissance, prostré à la porte du Temple pour demander l’aumône, sans jamais franchir le seuil; et comment ses yeux étaient fixés sur les Apôtres, dans l’espérance qu’ils lui donnent quelque chose. Pierre et Jean ne pouvaient rien lui donner de ce qu’il cherchait : ni or ni argent. Et lui, qui était toujours resté à la porte, maintenant entre sur ses pieds, en faisant des bonds, et en louant Dieu, en célébrant ses merveilles. Et sa joie est contagieuse. C’est ce que l’Ecriture nous dit aujourd’hui : les gens étaient remplis de stupeur et de surprise, accourant pour voir cette merveille. Et au milieu de ce vacarme, de cette admiration, Pierre annonce le message.
La joie de la rencontre avec Jésus-Christ, celle que nous avons si peur d’accepter, est contagieuse et crie l’Annonce, et c’est là que l’Eglise grandit. Le paralytique croit, parce que « l’Eglise ne grandit pas par prosélytisme, mais par attraction » : l’attraction témoin de cette allégresse qui annonce le Christ. Ce témoignage naît de la joie acceptée et ensuite transformée en annonce. C’est la joie fondatrice. Sans cette allégresse, sans cette joie, on ne peut pas fonder d’Eglise, de communauté chrétienne. C’est une joie apostolique qui rayonne, qui se dilate.
Je me demande, comme Pierre : suis-je capable de m’asseoir à côté du frère et de lui expliquer lentement le don de la Parole que j’ai reçue et le contaminer par ma joie ? Est-ce que je suis capable d’appeler autour de moi l’enthousiasme de ceux qui découvrent en nous le miracle d’une vie nouvelle, que l’on ne peut pas contrôler, à laquelle nous devons la docilité parce qu’elle nous attire, nous soulève ; et que cette vie nouvelle naît de la rencontre avec le Christ ?
Saint José de Anchieta aussi a su communiquer ce dont il avait fait l’expérience avec le Seigneur, ce qu’il avait vu et entendu de Lui ; ce que le Seigneur lui avait communiqué pendant ses Exercices (spirituels, ndlr). Avec Nobrega, il est le premier jésuite que saint Ignace ait envoyé en Amérique. Un jeune de 19 ans.
Il avait une telle joie, une telle allégresse qu’il a fondé une Nation, qu’il a posé les fondations culturelles d’une Nation, en Jésus-Christ. Il n’avait pas étudié la théologie, il n’avait pas étudié la philosophie ; c’était un ado ! Mais il avait senti le regard de Jésus-Christ et il s’était laissé remplir de joie, et il a opté pour la lumière. Voilà quelle a été sa sainteté. Il n’a pas eu peur de la joie.
Saint José de Anchieta a un très bel hymne à la Vierge Marie à laquelle il compare, en s’inspirant du Cantique d’Isaïe 52, le messager qui proclame la paix, qui annonce la joie de la Bonne Nouvelle.
Que Celle qui, au matin du dimanche, sans sommeil à cause de son espérance, n’a pas eu peur de la joie, nous accompagne dans notre pèlerinage, nous invitant tous à nous lever, à renoncer aux paralysies, pour entrer ensemble dans la paix et dans la joie que Jésus, le Seigneur ressuscité nous promet.
Traduction de Zenit, Anita Bourdin