Passion, III

Poème pour le temps liturgique

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Et ta voix parle :

Je veux expliquer le secret de ta souffrance

tendre, craintive, parente de mon âme, ma bien-aimée :

C’est moi qui pleure dans tes profondeurs

J’ai travaillé à te former, mille ans et plus encore

j’ai béni tous tes pères et mères avec la Croix.

Douleurs et blessures en ont été le prix,

         et c’est parmi les épines

         que j’ai détaché tes mains du monde.

Tu m’as coûté de la solitude,

         tu m’as coûté un silence obscur

         de nombreuses vies humaines.

Tu m’as coûté du bien et du sang,

         tu m’as coûté la terre sous mes pieds,

         tu m’as coûté tout un monde !

Tu t’es affinée, âme,

         tu es devenue

         comme un lin soyeux que l’on a longuement tissé :

Tu es comme un fil léger qui ne tient plus.

Vois, tu t’envoles à travers les campagnes de la vie,

         tu t’envoles

         à travers toutes les étendues fleuries du monde.

Mais aucune d’entre elles ne te retiendra,

         sans-patrie, âme voyageuse de ma souffrance.

Extrait de : Gertrud von le Fort, Hymnes à l’Eglise, Saint-Augustin, 2001

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Gertrud von Le Fort

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