« Comme croyant et comme homme de science, moi aussi je suis convaincu qu’au plan d’une pensée rationnelle, un acte de foi vis-à-vis du Créateur est beaucoup plus logique », déclare le Prof. Carlo Jovine : « Galilée, Isaac Newton, Albert Einstein… sont d’accord sur le fait que dans notre univers il existe une mystérieuse cohésion, le projet cohérent d’une intelligence supérieure, et croire au hasard de ce qui nous entoure serait en contradiction avec l’objectivité de la science elle-même ».
Le Prof. Carlo Jovine est médecin-chef de l’Ordre de Malte, spécialisteen neurologie et expert officiel de la Congrégation pour les causes des saints. Il est intervenu au cours d’un congrès intitulé: « Jean Paul II, un parcours de sainteté », qui a eu lieu à Rome le 27 mars, avec la participation du cardinal Camillo Ruini, du père Boguslaw Turek, de Mgr Slawomir Oder, postulateur de la cause de canonisation de Jean-Paul II. Voici un extrait de cette intervention.
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« Nous tous qui avons été témoins de la vie et de l’œuvre de Jean Paul II durant les longues années de son pontificat, nous avons pu observer la grandeur de l’homme, du religieux, du pape.
J’ai eu le grand honneur d’être nommé, par la congrégation pour les causes des Saints, à la Consulta médicale de sept spécialistes qui, établissant le « caractère inexplicable scientifique » de la guérison de sœur Marie Simon-Pierre Normand de la maladie de Parkinson, a posé les prémisses pour la béatification de Jean Paul II.
Sans entrer dans les détails de l’extraordinaire guérison que j’ai eu l’opportunité d’examiner en tant que membre de la Consulta médicale, je voudrais mettre en évidence les implications qui en découlent sur le rapport entre la science et la foi. Un rapport que Jean Paul lui-même contribua à approfondir et clarifier, en apportant sa participation à la réflexion théologique et à la pensée philosophique moderne.
Le physicien italien Antonino Zichichi, dans un de ses livres, définit Jean Paul II comme « le pape qui aimait la Science », rappelant, entre autres, son encouragement au « Manifeste d’Erice » (1982) pour une science à visage humain et la demande symbolique de pardon à Galilée pour le procès porté contre lui par l’Eglise en 1633.
Une orientation – celle de Jean Paul II – exprimée dans la célèbre encyclique Fides et Ratio, par cette très belle métaphore d’introduction des deux ailes: « La foi et la raison sont comme les deux ailes avec lesquelles l’esprit humain s’élève vers la contemplation de la vérité ».
Dans l’enseignement de Jean Paul II, la foi et la raison ne s’excluent pas, au contraire, elles se complètent et se soutiennent mutuellement. L’intelligence humaine ne se limite pas à un domaine purement empirique, mais est en mesure de passer de l’expérience du réel à des formes de connaissance qui transcendent l’ordre sensible des choses.
Dans la coupole de la basilique Sainte-Marie-des-Anges-et-des-Martyrs à Rome est inscrite une célèbre phrase de Jean Paul II: « La science a des racines dans l’Immanent, mais conduit l’homme vers le Transcendant ». Et toujours dans Fides et Ratio il écrit: « Un grand défi qui se présente à nous est de savoir accomplir le passage, aussi nécessaire qu’urgent, du phénomène au fondement ». Par ces mots le grand pape reconnaît à l’intellect humain la capacité de tendre vers la connaissance de Dieu.
Comme explique le Prof. Zichichi, il est fondamental que ces deux concepts soient diffusés le plus possible, pour s’opposer aux faux théorèmes de la culture dominante. La Science est une source de valeurs qui, en harmonie avec les valeurs de la Foi, pourront améliorer la qualité de vie de l’homme, éliminant les nombreuses aberrations de l’époque contemporaine.
En suivant un fil purement rationnel, nous pouvons dire que « faire de la science » c’est comprendre la logique de la nature, c’est découvrir qu’il existe des lois fondamentales qui règlent chaque phénomène : de l’univers des quarks à notre terre avec les forêts et les océans, des planètes aux étoiles, à tout le cosmos…
L’ensemble de ces lois représente la logique qui gouverne le monde. Une logique dont dépend notre vie. Il nous vient alors de nous demander : existe-t-il un Créateur de cette logique ? Le croyant dit oui, combinant ensemble la foi et la raison. L’athéisme répond non. Mais il ne sait pas expliquer ce « non ». Il n’arrive pas à ce « non » par acte de raison mais paradoxalement par acte de foi seulement. Mais croire en ce « non » veut dire n’avoir foi en rien : ce qui est un contresens logique.
Personnellement, d’un point de vue scientifique, je partage la vision du Prof. Zichichi, qui dit: « La science est fruit d’une formidable rigueur logique et mathématique, qui trouve dans la nature la comparaison directe avec l’œuvre du Créateur ».
Comme croyant et comme homme de science, moi aussi je suis convaincu qu’au plan d’une pensée rationnelle, un acte de foi vis-à-vis du Créateur est beaucoup plus logique. En valorisant la capacité de la raison – comme explique le pape Wojtyla – à partir du phénomène pour arriver au fondement, à accomplir le parcours de l’Immanent au Transcendant, en saisissant le sens et la portée de la notion de Dieu. Laquelle ne dissout par le Mystère mais révèle son intime nature: non pas déjà une limite, mais plutôt une forme de respect pour notre liberté, à laquelle Dieu ne s’impose pas, mais se propose pour être cherché et étreint dans le geste éclairant de la Foi.
Pour démentir le prétendu antagonisme entre la Foi et la Science – un concept, hélas, encore très répandu dans la culture de masse, et qui exerce une influence délétère sur notre vision du monde – nous pouvons citer la pensée de quelques grands scientifiques. Galilée, Isaac Newton, Albert Einstein, Max Plank, Wernher von Braun, sont d’accord sur le fait que dans notre univers il existe une mystérieuse cohésion, le projet cohérent d’une intelligence supérieure, et croire au hasard de ce qui nous entoure serait en contradiction avec l’objectivité de la science elle-même.
La pensée de ces grands scientifiques qui, dans le développement de leurs recherches, ont compris et senti qu’il y a un ordre si précieux qu’il serait irrationnel de l’attribuer au hasard, est la preuve de ce qu’affirme Jean Paul II dans la partie finale de Fides et Ratio: « Le scientifique a bien conscience que la quête de la vérité, même si elle concerne la réalité finie du monde ou de l’homme, est sans fin, mais renvoie toujours à quelque chose de plus élevé que l’objet d’étude immédiat, vers des questions qui donnent accès au Mystère ».
Et nous hommes qui « taillons avec la lame du passé l’espace du grand Mystère » – comme l’écrit Jean Paul II dans un de ses poèmes – nous devons faire nôtre l’enseignement selon lequel la Science et la Foi sont les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever, et la Raison est l’outil qui nous permet, à nous êtres dotés d’intellect, de parcourir humblement la route qui porte du Phénomène au Fondement, de l’Immanent au Transcendant. »
Traduction d’Océane Le Gall